Une édition tripartite qui redessine la carte du football africain
En officialisant la programmation complète de la huitième édition du Championnat d’Afrique des nations, la Confédération africaine de football confirme l’allure novatrice d’une compétition répartie, pour la première fois, entre trois pays voisins de l’Afrique de l’Est : le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda. Cette configuration tripartite élargit la scène continentale vers une zone géographique souvent présentée comme un laboratoire d’intégration régionale, tout en plaçant la question des infrastructures sportives et des corridors de transport au cœur de l’actualité. Pour les sélections, l’enjeu dépasse la simple performance : il s’agit d’évoluer dans un environnement logistique éclaté mais ambitieux, symbole d’une Afrique qui revendique sa capacité à mutualiser ses forces.
Le parcours congolais : trois oppositions et deux capitales régionales
À l’issue du tirage, les Diables rouges A’ héritent d’un parcours qui s’apparente à une diagonale de l’Est africain. Première escale le 5 août au stade d’Amaan, à Zanzibar, face au Soudan : un duel d’entrée où l’enjeu sera de conjurer la pression inaugurale dans une enceinte réputée bouillonnante. Le 12 août, toujours à Zanzibar, le Congo affrontera un Sénégal champion d’Afrique en titre chez les A, incarnation actuelle de la réussite sportive de la sous-région ouest-africaine. Le rideau tombera le 18 août au stade Benjamin-Mkapa de Dar es-Salaam contre le Nigeria, autre mastodonte historique. Le coaching staff devra donc négocier deux ambiances maritimes sur l’archipel tanzanien avant de rallier le littoral continental, avec le risque d’un dernier match à enjeu maximal. À ce défi sportif s’ajoute la complexité des déplacements, dans un calendrier condensé, que les décideurs fédéraux congolais affirment avoir anticipée.
Ignié, laboratoire d’une préparation accélérée mais calibrée
Le 28 juin, le centre technique d’Ignié, à quarante-cinq kilomètres de Brazzaville, a sonné l’heure du rassemblement. Sous la houlette de Barthélémy Ngatsono, le groupe élargi de vingt-sept joueurs – essentiellement issus du championnat national – a entamé un premier micro-cycle dédié à l’observation des états de forme. « Prendre la température des jeunes », a résumé le sélectionneur, conscient de la fenêtre temporelle réduite. Les séances à huis clos ont alterné travail athlétique, ateliers tactiques et discussions vidéo, dans une discipline jugée « exemplaire » par l’encadrement. Cette montée en puissance doit permettre de dégager, d’ici la mi-juillet, un onze type rompu aux exigences d’un tournoi où l’intensité se décide sur quatre-vingt-dix minutes plus que sur la longueur d’une saison.
L’horizon mental éclairé par la parole de Ngatsono
Dans le vestiaire comme devant la presse, l’ancien technicien des Diables rouges seniors martèle un message d’unité. « Nous pouvons, si nous le voulons », rappelle-t-il à l’adresse de ses protégés, insistant sur la discipline et la lucidité tactique. En nommant Chris Dhody Bissila pour compléter le contingent, le staff souligne l’importance d’une hiérarchie claire au poste de gardien, clé de voûte d’une défense souvent sous pression dans ce type de compétition. La blessure à la cheville d’Élie Andzouono, survenue lors d’un exercice de couverture, rappelle toutefois la fragilité d’une préparation courte. Au-delà du terrain, Ngatsono revendique une pédagogie qui conjugue exigence et confiance, persuadé que la jeunesse congolaise ne demande qu’un cadre pour exprimer sa créativité.
Entre diplomatie sportive et fierté nationale
Aux yeux des observateurs, la participation congolaise au CHAN s’inscrit également dans une stratégie de rayonnement régional. Brazzaville, qui héberge régulièrement des compétitions sous-régionales, voit dans les succès de son équipe locale un vecteur de soft power valorisant la formation sportive nationale. La présidence de la Fédération congolaise de football insiste sur la volonté de « sauver l’image du football congolais » face à des publics exigeants, tout en se félicitant du soutien institutionnel reçu pour la logistique. Dans un contexte continental où l’alignement budgétaire reste un défi, la délégation congolaise affirme aborder le tournoi avec des garanties matérielles et morales suffisantes pour rivaliser.
La mobilisation des jeunes : enjeu de cohésion et d’espoir
Pour la tranche des vingt-trente-cinq ans, majoritaire au Congo, le CHAN dépasse le simple cadre d’un événement sportif : il devient un miroir où se reflètent aspirations professionnelles, fierté identitaire et désir d’ouverture continentale. Les réseaux sociaux se font déjà l’écho de pronostics passionnés, tandis que les influenceurs locaux relaient des messages d’encouragement aux joueurs évoluant « à la maison ». Les autorités, conscientes de cet engouement, multiplient les initiatives culturelles autour du tournoi, des concerts aux fan-zones, afin de canaliser l’énergie juvénile dans un espace festif sécurisé. Dans l’imaginaire collectif, un parcours honorable renouerait avec l’épopée de 2018, lorsque les Diables rouges avaient atteint les quarts de finale, et rappellerait qu’un football domestique compétitif demeure un levier de cohésion sociale.
Cap sur Zanzibar : entre réalisme tactique et ambition modérée
Alors que l’horloge tourne, le staff affine les schémas de jeu, privilégiant un dispositif à deux milieux récupérateurs capables d’absorber les transitions adverses. Les stages de mise au vert planifiés à Pointe-Noire puis à Kigali, avant le départ vers Zanzibar, visent à reproduire les conditions climatiques et l’altitude relatives du lieu de compétition. Les analystes soulignent qu’une victoire inaugurale face au Soudan ouvrirait une perspective tangible de qualification, condition préalable à toute ambition. Si les observateurs s’accordent sur le statut d’outsider du Congo, la dynamique interne du groupe pourrait renverser les pronostics, rappelant qu’au CHAN la hiérarchie se réécrit souvent au gré de la forme du moment.
Une page à écrire pour la nouvelle génération
Dans un continent en pleine mutation footballistique, chaque édition du CHAN redistribue les cartes entre nations dites majeures et acteurs émergents. Les Diables rouges, portés par un vivier local réclamant reconnaissance, abordent l’édition 2024 dans un mélange de prudence et d’audace. Leur calendrier, désormais gravé, offre une matrice d’objectifs clairs : discipline défensive, transition rapide, solidarité interne. Le verdict sportif appartiendra au rectangle vert, mais l’essentiel, pour cette génération, réside peut-être déjà dans la conviction collective que la scène continentale leur est accessible. À l’heure de boucler les valises, un mot d’ordre circule dans le vestiaire : écrire une page qui inspire, au-delà du score, un sentiment d’appartenance renouvelé à la nation et à son football.