La flambée sur l’île Mbamou
Sur l’île Mbamou, un léger courant d’air humide transporte désormais un espoir neuf. Angèle, jeune mère qui a frôlé le pire, raconte comment la douleur sourde de ses premiers jours post-accouchement s’est transformée en alerte vitale, avant de céder la place à la guérison.
Son histoire résonne comme un résumé de l’épidémie de choléra déclarée le 26 juillet 2025 en République du Congo. En trois semaines, 434 cas et 34 décès ont été confirmés, concentrés à Mbamou, Talangaï et dans l’axe Mossaka-Loukolela, avec les 15-24 ans en première ligne.
Coordination gouvernementale et appui OMS
Dès la première alerte, les autorités sanitaires congolaises ont enclenché le mode urgence. L’Organisation mondiale de la Santé a activé son Système de gestion des incidents, expédiant trois équipes pluridisciplinaires pour appuyer diagnostics, coordination et surveillance renforcée aux points névralgiques du pays.
Sur l’île Mbamou, l’arrivée d’une flotte de kits choléra, de perfusions et d’antibiotiques totalisant sept tonnes a radicalement changé le quotidien. Les soignants, jusque-là débordés, ont rapidement pu ouvrir un centre de traitement calibré pour absorber les pics sans sacrifier la qualité des soins.
Le Dr Nelson Bokale, médecin-chef du district, se rappelle « des nuits entières passées à improviser des protocoles ». Selon lui, l’arrivée de l’équipe Surge a été le pivot de la riposte, offrant un cadre clair, des check-lists partagées et une chaîne d’approvisionnement fiable.
Eau, transport et logistique : les nouveaux atouts
Dans les quartiers bordant le fleuve Congo, la formation de 250 relais communautaires a permis de diffuser, porte à porte, les règles vitales : se laver les mains, traiter l’eau, consulter dès les premiers vomissements. Cette transmission de proximité, adaptée aux langues locales, a limité les retards de prise en charge.
Le volet eau et assainissement est resté au cœur de la stratégie. Soixante-et-un puits ont été désinfectés à la chaux et au chlore, tandis que trois forages en panne ont repris du service. Parallèlement, dix stations de lavage des mains ont poussé près des marchés et embarcadères.
Pour relier Mbamou à Brazzaville en moins de trente minutes, un canot rapide offert par les partenaires sillonne désormais les eaux, évacuant les cas graves et apportant sérums de réhydratation. « Sans ce bateau, nous aurions perdu un temps précieux », confie une infirmière de garde.
Des chiffres encourageants
Les chiffres, suivis jour après jour sur une plateforme partagée, confirment l’impact. Le taux de létalité sur l’île est passé de 11,7 % à 4,8 % en quatorze jours. Au 15 août, douze patients restaient positifs, dont cinq hospitalisés et sept suivis sous observation ambulatoire.
Surveillance et mobilisation des jeunes
Le gouvernement rappelle que la surveillance reste active sur tout le territoire, notamment aux postes frontaliers. Des notifications électroniques centralisent les alertes villageoises, réduisant à quelques heures le délai entre apparition d’un foyer et déploiement de l’équipe mobile équipée de tests rapides Crystal VC.
Dans les universités de Brazzaville, les associations étudiantes relaient les capsules vidéo produites par le ministère de la Santé. Le contenu, très codifié, aborde sans dramatiser les modes de transmission et insiste sur l’importance de l’hydratation orale, message clé pour une audience avide de solutions pratiques.
Les professionnels rappellent toutefois que le choléra n’est pas uniquement un défi médical ; c’est aussi un marqueur d’inégalités d’accès à l’eau potable. La réactivation de comités de quartier chargés de l’entretien régulier des points d’eau s’inscrit dans une démarche de prévention à long terme.
Leçons de santé publique partagées
Le Dr Vincent Dossou Sodjinou, représentant de l’OMS, estime que « la collaboration fluide avec les autorités nationales a raccourci la courbe d’apprentissage ». Selon lui, l’épisode congolais illustre l’efficacité d’une approche mixte combinant logistique, pédagogie communautaire et transparence des données partagées.
Pour de nombreux insulaires, la bataille a aussi déclenché un sursaut civique. Des jeunes s’improvisent reporters, diffusant via WhatsApp l’évolution des cas et les horaires des équipes de désinfection. « Nous voulons montrer que la santé publique est l’affaire de tous », affirme Joël, 23 ans.
Si la tendance demeure favorable, le défi sera de maintenir la vigilance durant la saison des pluies, période propice aux flambées hydriques. Le ministère prévoit déjà d’étendre les stocks tampons de sels de réhydratation et de poursuivre le monitoring hebdomadaire des cliniques périphériques.
Une vigilance qui se prolonge
Pour Angèle, désormais bénévole dans un groupe de sensibilisation, la lutte passe par la parole. Elle raconte son rétablissement lors des assemblées de village, debout devant les mêmes voisins qui l’avaient vu transportée en urgence. Son récit renforce l’idée que le choléra se vainc, preuves à l’appui.
Si les statistiques confirment le reflux, la vigilance citoyenne restera l’ancre du succès. L’épisode Mbamou rappelle qu’une épidémie se contrôle plus vite lorsqu’information fiable, logistique adaptée et implication communautaire avancent de concert, donnant à l’île l’opportunité d’inspirer d’autres régions riveraines du fleuve.
