Une mobilisation internationale décisive
En plein cœur de la saison sèche, le Congo-Brazzaville affronte une flambée de choléra, déclarée officiellement fin juillet. Pour renforcer la riposte, six agences du Système des Nations Unies viennent d’acheminer un lot conséquent de matériel logistique et pédagogique à Brazzaville.
Pulvérisateurs, bidons chlorés, bottes, gants et supports visuels composent ce convoi salué par le ministre de la Santé et de la Population, Jean-Rosaire Ibara, qui évoque « un appui indispensable pour briser la chaîne de transmission » tout en promettant un déploiement in situ sans délai.
L’initiative illustre la coopération ancienne entre le gouvernement congolais et les partenaires multilatéraux. « Nous sommes pleinement mobilisés pour toucher le public et agir vite », a résumé Abdourahamane Diallo, coordonnateur résident de l’ONU, rappelant que la prévention demeure la plus sûre des médecines.
Des équipements ciblés pour l’hygiène
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, l’accès à une eau propre et un lavage des mains systématique réduisent jusqu’à 80 % le risque d’infection. Les pulvérisateurs livrés seront utilisés pour chlorer les forages communautaires tandis que les jarres serviront de points de lavage temporaires.
Les bottes et gants de protection sont destinés aux brigades d’assainissement qui désinfectent les habitations où un cas a été signalé. Cette dotation permet de limiter tout contact imprudent avec les matières fécales, vecteur principal du Vibrio cholerae, surtout dans les zones de faible desserte.
Le Fonds mondial, partenaire surtout connu pour ses actions contre le VIH et la tuberculose, finance ici l’achat de réactifs pour tester rapidement l’eau des puits ruraux. Des résultats en moins d’une heure guideront la stratégie de traitement et la communication communautaire ciblée.
Communication et prévention ciblée
Au-delà des équipements, 30 000 brochures illustrées et 500 posters en lingala, teké et kituba vont circuler dans les gares routières, écoles et marchés. Les messages rappellent les gestes simples : boire bouilli, se laver avant chaque repas, isoler toute personne présentant diarrhée ou vomissements.
L’Unicef apporte son expertise numérique : une campagne TikTok baptisée #EauClaire va associer influenceurs congolais et mini-clips pédagogiques. Objectif affiché par la représentante du Fonds pour l’enfance, Marie-Renée Dubois : « Parler santé dans le langage des réseaux pour atteindre vite la tranche 15-35 ans ».
L’Unesco, de son côté, travaille avec des stations de radio communautaires pour diffuser des sketches en soirée, plage horaire la plus suivie par les jeunes travailleurs urbains. Les scénarios, écrits avec des collectifs d’artistes locaux, insistent sur la responsabilité individuelle sans culpabiliser les familles touchées.
Priorité aux zones à risque
Depuis le 26 juillet, quarante-huit cas confirmés ont été répertoriés entre Mbamou, Mossaka et quelques quartiers périphériques de Brazzaville, précise le Centre national d’épidémiologie. Les autorités ciblent d’abord les rives du fleuve, où les mouvements de pirogues favorisent l’extension silencieuse du pathogène.
Des équipes mixtes Santé-Intérieur sillonnent déjà les marchés fluviaux pour contrôler la qualité de l’eau vendue en sachet. Toute poche douteuse est détruite sur-le-champ. Une amende symbolique rappelle aux revendeurs leur obligation légale, mais la pédagogie reste privilégiée afin d’éviter toute crispation locale.
À Mossaka, commune accessible surtout par voie d’eau, un dispositif de navettes sanitaires a été activé. Il transporte comprimés de doxycycline, sels de réhydratation et matelas imperméables fournis par l’OMS. Le maire, Paul-Arsène Ondélé, affirme que « chaque village sera visité deux fois par semaine ».
La jeunesse face au défi sanitaire
La tranche 20-35 ans représente la moitié des nouveaux cas, d’après la Direction des maladies diarrhéiques. Explications : mobilité professionnelle, pauses-casse-croûte en bord de route et confiance parfois excessive dans sa robustesse physique. Cette jeunesse, moteur économique, devient aussi un maillon décisif de la prévention.
Dans les campus de Makélékélé et de Talangaï, des clubs santé organisent des challenges de lavage de mains, diffusés en direct sur Instagram. « Les étudiants se filment trente secondes, taguent trois amis et font passer le message », explique Ritha Ngouabi, présidente de l’Union des associations estudiantines.
Les entreprises du numérique, de leur côté, proposent des packs data subventionnés pour accéder à la plateforme gouvernementale StopCholera.cg. Le portail actualise la carte des points d’eau sûrs et signale en temps réel la disponibilité de comprimés de réhydratation dans les pharmacies partenaires.
Perspectives d’une riposte coordonnée
Si la courbe épidémiologique reste sous surveillance, les autorités sanitaires se félicitent d’un taux de létalité maintenu sous 1 %, bien inférieur aux seuils régionaux. Les spécialistes attribuent ce résultat précoce à la rapidité de détection et à la synergie entre acteurs publics et internationaux.
À court terme, le ministère projette d’étendre les laboratoires mobiles dans tout le couloir fluvial. À moyen terme, la politique Eau 2025 prévoit d’augmenter de 30 % la couverture en sources chlorées. Autant de chantiers qui, espère la jeunesse congolaise, transformeront chaque alerte en occasion de progrès.
Des évaluations indépendantes seront menées en décembre pour mesurer l’impact des actions de sensibilisation et la durabilité des infrastructures installées. Les premiers indicateurs, comme la fréquentation des points d’eau traités, serviront à calibrer les budgets 2024 et à renforcer l’autonomie des communautés riveraines.
