Riposte choléra : un fonds d’urgence inédit
À Brazzaville, le tintement des cloches d’alerte sanitaire a trouvé un écho concret avec le lancement officiel du Fonds d’urgence pour les secours en cas de catastrophe, ou DREF, dédié à la riposte contre le choléra par la Croix-Rouge Congolaise et la FICR.
Cette nouvelle enveloppe, activée moins de deux mois après la résurgence du virus, vise à donner aux équipes terrain des moyens immédiats pour contenir les flambées, désinfecter les points d’eau et relayer des messages vitaux dans les quartiers périphériques où vivent de nombreux jeunes.
Des chiffres alarmants, une réponse coordonnée
Le directeur de cabinet du ministre de la Santé, Donatien Mounkassa, a confirmé 500 cas et 35 décès, soit un taux de létalité préoccupant de sept pour cent, supérieur à la moyenne régionale et rappelant l’urgence de redoubler d’efforts pour isoler chaque nouvelle contamination.
Un centre de coordination inter-agences, animé par le Comité national de lutte contre les épidémies, permet désormais de synchroniser la surveillance, le transport sécurisé des prélèvements et la diffusion de bulletins quotidiens vers les médias nationaux.
L’île Mbamou, foyer épidémique sous surveillance
Située au milieu du fleuve Congo, l’île Mbamou sert de carrefour fluvial informel entre Brazzaville, Kinshasa et les berges angolaises, un atout commercial transformé en talon d’Achille sanitaire depuis la détection du premier cas autochtone fin juin.
Des volontaires formés au prélèvement d’eau placent chaque matin des bandelettes réactives dans les sources communautaires, tandis que des mégaphones diffusent des rappels sur l’isolement des malades, la désinfection des ustensiles et la nécessité d’utiliser l’eau traitée distribuée gratuitement.
Un financement aux multiples partenaires
Le fonds DREF, estimé à près de 540 millions de francs CFA, agrège la contribution de l’Union européenne, du Mouvement Croix-Rouge et de partenaires bilatéraux, ce qui réduit la pression budgétaire sur les lignes nationales et accélère l’achat de kits de réhydratation orale.
« L’enjeu est de sauver des vies maintenant, pas demain », a insisté Anne Marchal, cheffe de la délégation européenne au Congo, précisant que la flexibilité de ces fonds autorise un redéploiement instantané si d’autres foyers apparaissent dans les départements côtiers.
Grâce à une ligne d’achat groupé, les bidons de 20 litres de solution chlorée atteignent désormais Pointe-Noire en trois semaines, un gain logistique salué par les opérateurs d’approvisionnement.
Jeunes volontaires et innovations locales
Dans les ruelles de Mfilou et Talangaï, près de 600 jeunes volontaires congolais sillonnent les maisons avec des pulvérisateurs au chlore, une application mobile leur permettant de cartographier en direct les points contaminés pour éviter les doublons et orienter au mieux les équipes sanitaires.
Le responsable logistique de la CRC, Jules Makosso, explique que les données récoltées alimentent un tableau de bord partagé avec le ministère, favorisant une allocation fine des pastilles de potabilisation et des unités de reconstitution des sels de réhydratation.
Prévention, eau potable et sensibilisation
Les spots radios en lingala, en kituba et en français encouragent désormais le lavage régulier des mains avant chaque repas, geste simple mais crucial, rappelle le docteur Grâce Malonga, épidémiologiste au Centre hospitalier universitaire, qui note une nette amélioration des comportements dans les marchés populaires.
Des forages provisoires, équipés de systèmes de chloration automatisés, se multiplient près des écoles primaires afin de garantir une source sûre d’eau potable aux élèves et à leurs familles, évitant ainsi la consommation d’eaux de surface contaminées durant la saison sèche.
Les spécialistes rappellent que l’amélioration durable passera aussi par la réhabilitation des réseaux d’assainissement urbain, un chantier déjà inscrit dans le Plan national de développement et dont les premiers travaux pilotes sont annoncés dans les arrondissements 1 et 7.
Perspectives sanitaires et engagement citoyen
Le ministre de la Santé, Gilbert Mokoki, souligne que le DREF agit comme un pont financier avant le décaissement de fonds étatiques supplémentaires, déjà prévus dans le budget rectificatif, preuve que la coordination entre partenaires humanitaires et autorités publiques se solidifie progressivement.
À moyen terme, un renforcement durable de la surveillance épidémiologique communautaire est envisagé, avec la création de comités de quartier capables de signaler en moins de vingt-quatre heures tout cas suspect aux centres de santé, grâce à un numéro vert sans frais.
Les universités publiques, dont Marien Ngouabi, ont déjà mis en place des ateliers de fabrication de solutions hydroalcooliques à petit coût, mobilisant les étudiants en pharmacie qui voient là une occasion de contribuer directement à la santé publique et à l’entrepreneuriat social.
De son côté, la plateforme numérique Yekolab, incubée à Pointe-Noire, travaille sur un chatbot qui permettra de répondre aux questions fréquentes des riverains, réduisant la propagation de rumeurs et renforçant la confiance dans les directives sanitaires officielles.
La saison des pluies approchant, les responsables de la Croix-Rouge insistent sur la poursuite des programmes d’hygiène domestique, convaincus que l’engagement quotidien des jeunes, allié à ce fonds d’urgence, peut préserver le tissu social et économique du Congo de nouvelles vagues épidémiques.