Contexte historique du cimetière de la Tsiémé
Niché au nord de Brazzaville, le cimetière de la Tsiémé abrite depuis les années 1960 des générations entières de familles venues des deux rives du fleuve. Lieu de recueillement intime, ce vaste domaine funéraire est aussi un repère mémoriel pour l’agglomération.
Au fil du temps, l’expansion urbaine a progressivement serré le cimetière entre des quartiers en plein essor. Les concessions se sont rapprochées des habitations, créant une cohabitation parfois délicate où se mélangent respect des ancêtres et besoins pressants de logements.
Ces dernières années, la pression démographique a accéléré l’édification de petites maisons au pourtour, certaines à quelques mètres seulement des pierres tombales. Le manque d’entretien généralisé et l’absence de clôtures efficaces ont ouvert la voie à des actes de vandalisme.
Un hommage républicain chargé d’émotion
Délégué par le gouvernement, le ministre de l’Enseignement technique et professionnel, Ghislain Thierry Maguessa Ebomé, a choisi la Toussaint pour déposer une gerbe de fleurs au cœur du site. Geste solennel, il renforce l’idée que la République veille sur ses disparus.
« Nous pensons à ceux qui sont partis avant nous », a rappelé le membre du gouvernement, le regard tourné vers les stèles blanchies par le temps. Selon lui, ce rituel annuel matérialise la gratitude nationale et scelle un lien symbolique entre générations.
Des étudiants en uniforme, venus des lycées techniques voisins, accompagnaient la délégation officielle. Les jeunes ont observé une minute de silence, smartphones rangés, avant de partager sur Instagram des images du bouquet tricolore. Une façon moderne de prolonger l’hommage au-delà des grilles.
Les profanations, un mal persistant
Malgré ces gestes de respect, le site souffre d’actes répétés de profanation. Croix arrachées, dalles fracturées, plaques métalliques revendues : le catalogue de dégradations s’est enrichi au fil des mois, alimentant l’inquiétude des familles et la voix mécontente des réseaux sociaux.
Le ministre n’a pas éludé la question. « Nous ne pouvons pas de tout temps profaner leurs tombes », a-t-il martelé, appelant à renforcer la vigilance collective. Il a rappelé que la profanation constitue un délit puni par la loi et l’éthique.
Plusieurs habitants interrogés sur place évoquent des adolescents en quête d’objets métalliques ou d’amulettes à revendre. D’autres pointent des trafiquants d’ossements. Faute de patrouilles nocturnes suffisantes, les intrusions restent difficiles à endiguer, surtout dans les zones dépourvues d’éclairage public.
La réponse du gouvernement et de la mairie
Face à l’urgence, un comité technique associant la mairie de Brazzaville et les ministères concernés vient d’être réactivé. Sa feuille de route prévoit le recensement des sépultures, la pose de caméras solaires et l’ouverture d’un poste de police municipale à l’entrée principale.
Une campagne de sensibilisation doit également cibler les riverains. Des affiches en lingala et en français rappelleront les peines encourues pour toute dégradation. Une application mobile, en développement, permettra bientôt de signaler en temps réel tout incident, depuis un simple smartphone.
Le financement du plan passera par une ligne budgétaire dédiée dans la prochaine loi de finances. Selon un cadre municipal joint par téléphone, le coût initial avoisine 120 millions de francs CFA, incluant la clôture périmétrique renforcée et le recrutement d’agents de veille.
Prochaines étapes et attentes des familles
Dans l’immédiat, des travaux de désherbage et de réfection des allées débuteront avant la fin du trimestre, période de sécheresse propice aux chantiers. Les autorités veulent redonner de la visibilité aux tombeaux envahis par la végétation et faciliter les déplacements des visiteurs.
Une concertation avec les familles concessionnaires est annoncée pour redéfinir les limites des parcelles les plus anciennes. Les proches pourront participer au balisage, histoire de se réapproprier les lieux et de fluidifier l’inventaire numérique des sépultures mené par la mairie.
À plus long terme, la municipalité envisage de créer un mémorial interactif, accessible via QR code, contenant les notices biographiques des défunts. Le projet, encore à l’étape de maquette, séduit déjà les jeunes générations friandes de solutions connectées pour maintenir la mémoire vivante.
Voix citoyennes, réseaux et mémoire partagée
Sur Twitter et TikTok, le hashtag #TsiéméChallenge invite les internautes à poster des photos avant-après des tombes restaurées. L’initiative, lancée par un collectif de blogueurs, encourage le bénévolat dominical et crée une dynamique positive autour d’un lieu longtemps perçu comme tabou.
Pour Irène, étudiante en géographie, « ménager les morts, c’est respecter les vivants ». Elle voit dans l’implication gouvernementale un signal fort. À ses yeux, un cimetière entretenu peut devenir un site patrimonial, moteur de tourisme mémoriel et incubateur de contenus culturels.
En attendant, les projecteurs braqués sur la Tsiémé rappellent à chacun la fragilité de la mémoire collective. Si les mesures envisagées sont menées à bien, le cimetière pourrait devenir un modèle de gestion participative où institutions et citoyens veillent, main dans la main.
