Des fondations numériques entre Brazzaville et Shenzhen
La modernisation de l’économie congolaise repose de plus en plus sur la capacité de la jeunesse à apprivoiser les langages du code. Dans cette optique, cinq étudiants triés sur le volet à l’issue d’un atelier sélectif organisé à Brazzaville du 2 au 4 juillet viennent d’embarquer pour dix jours d’immersion technologique en Chine. Accueillis sur le campus high-tech de Codemao à Shenzhen, ils découvrent un écosystème où la programmation graphique se conjugue à l’intelligence artificielle et au design d’interfaces ludiques. Leur périple, soutenu par l’Unesco et facilité par les autorités congolaises, incarne une diplomatie éducative centrée sur la transmission des compétences plutôt que sur la seule circulation de biens.
Une délégation plurielle pour une ambition partagée
Si la première liste ne comprenait que deux étudiantes et deux étudiants, l’enthousiasme suscité par le projet a conduit les organisateurs à étendre l’équipe à un cinquième apprenant et à deux enseignants issus respectivement de l’enseignement secondaire général et de l’enseignement technique et professionnel. « En allant apprendre ce langage, nous pourrons revenir et contribuer au développement du pays », confie Onix-Van Vichy Bossoto avant de prendre l’avion. Son propos illustre un état d’esprit où la quête individuelle de savoir se veut immédiatement convertible en utilité collective.
Codemao, catalyseur de la stratégie congolaise pour le numérique
Créée en 2015, la plateforme Codemao a déjà formé plus de cinquante millions d’enfants en Asie. Son extension vers l’Afrique répond à la priorité Afrique 2022-2029 de l’Unesco et s’articule avec le Plan national de développement 2022-2026, qui consacre un important volet à la transformation digitale. Au-delà de l’apprentissage du langage Python sous une forme visuelle, les jeunes Congolais seront initiés aux rudiments de l’algorithmique créative, de la réalité augmentée et de la sécurité des données, autant de domaines considérés comme stratégiques dans l’économie de la connaissance.
Entre diplomatie technologique et soft power éducatif
Cette mobilité académique renforce la coopération sino-congolaise, déjà dynamique dans les infrastructures, les télécommunications et l’énergie. Face à l’essor des start-up africaines, Pékin mise sur le soft power des compétences pour consolider son partenariat avec Brazzaville. Pour le Congo, l’enjeu consiste à tirer parti de ce compagnonnage sans renoncer à ses propres orientations. « Les jeunes ont besoin de formations qui débouchent rapidement sur l’entrepreneuriat », rappelle la représentante de l’Unesco, Mme Fatoumata Barry Marega, soulignant l’importance d’un transfert de savoirs adaptable aux réalités locales.
Impact attendu sur l’écosystème entrepreneurial local
Les statistiques officielles montrent que près de 60 % des jeunes diplômés congolais aspirent à créer leur entreprise dans les trois années suivant la fin de leurs études. Pourtant, seuls 18 % d’entre eux disposent de compétences numériques avancées. En familiarisant les étudiants avec des outils de prototypage rapide et de visualisation de données, la formation chinoise pourrait réduire cet écart. À leur retour, les participants encadreront des clubs de codage dans leurs établissements respectifs et animeront des ateliers ouverts aux jeunes des quartiers périphériques de Brazzaville et de Pointe-Noire, créant ainsi un effet multiplicateur.
Vers une jeunesse maître du code et de son avenir
La seconde phase de Codemao ne se limite pas à transmettre des savoir-faire, elle s’inscrit dans une pédagogie de la confiance et de la projection. En favorisant la créativité logicielle, le programme permet aux apprenants de se positionner non comme simples utilisateurs mais comme concepteurs potentiels d’outils répondant aux besoins locaux, qu’il s’agisse de santé connectée, d’agriculture de précision ou d’e-gouvernance. À l’heure où l’intelligence artificielle rebat les cartes de l’emploi, cette immersion chinoise peut être perçue comme un sas vers l’autonomie professionnelle et l’innovation endogène, portant l’espoir d’un Congo pleinement acteur de la quatrième révolution industrielle.