Brazzaville accueille un plaidoyer financier vert
Sous le ciel humide de juillet, la salle exigüe du ministère de l’Environnement bruissait d’un mélange d’émotion et de calculs prospectifs. Face à la ministre Arlette Soudan-Nonault, le directeur sortant de l’Agence française de développement, Maurizio Cascioli, a rappelé « la nécessité d’inscrire l’adaptation climatique au cœur de chaque politique sectorielle ». La formule, mûrie au fil de quatre années de coopération, résonne comme une feuille de route : transition énergétique, urbanisme résilient, protection de la biodiversité. Dans une capitale régulièrement éprouvée par des inondations éclair, le propos garde une dimension presque tangible.
Quatre années de chantier budgétaire
Durant son mandat, M. Cascioli a accompagné la République du Congo dans des engagements financiers à la mesure des défis. Ainsi, le renforcement des capacités des défenseurs de l’environnement a bénéficié de 456 millions de francs CFA en 2023, ressource modeste à l’échelle internationale mais stratégique pour structurer un réseau d’acteurs de terrain. L’AFD revendique également la mobilisation d’outils d’ingénierie financière pour sécuriser des guichets climat auprès de fonds multilatéraux, démarche qui, selon le dirigeant, « a consolidé la confiance des partenaires envers les institutions congolaises ».
L’écosystème congolais cherche son second souffle
Au-delà des chiffres, la coopération a laissé germer des projets pilotes devenus emblématiques. Biodel, programme de gestion durable des forêts, illustre cette ambition d’allier préservation des puits de carbone et création de chaînes de valeur locales. Dans le bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical au monde, l’équation est délicate : freiner la déforestation sans compromettre les moyens de subsistance des riverains. L’approche dite “paysage” privilégiée par l’AFD mise sur une planification spatiale fine et sur l’intégration des communautés dans la gouvernance. À Brazzaville, l’on rappelle volontiers que ces initiatives contribuent à la mise en œuvre de la Vision 2025 portée par les autorités.
La jeunesse, variable clé de l’atténuation
Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de trente-cinq ans, l’enjeu de l’adaptation climatique se conjugue nécessairement au futur immédiat. Les sessions de formation financées par l’AFD auprès de jeunes ingénieurs forestiers, d’agronomes et de développeurs d’applications mobiles ont visé à doter cette génération d’outils d’anticipation. « Le climat n’est pas qu’une affaire de diplomates, il doit devenir un métier », confiait récemment un participant au programme, faisant écho à la volonté gouvernementale de stimuler un entrepreneuriat vert. Le pari est d’autant plus pertinent que les nouveaux métiers de la donnée environnementale émergent dans la sous-région.
Diplomatie climatique et souveraineté productive
L’audience du 24 juillet s’est également inscrite dans la logique d’une diplomatie climatique assumée par Brazzaville. Depuis la signature de l’Accord de Paris, le Congo a systématiquement plaidé pour un principe de responsabilité commune mais différenciée, décrivant la forêt équatoriale comme service écologique global. En retour, l’AFD a soutenu le renforcement du dispositif national de Mesure, Notification et Vérification (MRV), indispensable pour valoriser les crédits carbone sur les marchés volontaires. Ces flux, espère-t-on au ministère, ouvriront une nouvelle voie de financement pour l’agriculture durable et la modernisation des infrastructures hydrauliques, sans alourdir la dette publique.
Vers une accélération concertée
Au moment de passer le relais à son successeur, Maurizio Cascioli se veut optimiste : « Les choses devraient pouvoir s’accélérer dans les prochains mois ». Son propos s’appuie sur une feuille de route en cours de finalisation qui capitalise sur les progrès déjà enregistrés : meilleure intégration des indicateurs climat dans le budget de l’État, montée en compétence des collectivités, rationalisation des mécanismes de suivi. Pour la ministre Soudan-Nonault, la priorité reste de « pérenniser une coopération exemplaire », tout en veillant à ce que chaque nouveau projet débouche sur un gain concret pour les populations. Dans un contexte économique marqué par la diversification post-pétrolière, la transition écologique apparaît donc comme un catalyseur de croissance inclusive. Reste le cap : transformer la vulnérabilité climatique en avantage compétitif durable, pari que Brazzaville et l’AFD entendent relever de concert.