Opération coup de balai XXL à Fond Tié tié
Au lever du soleil, les habitués du marché Fond Tié tié ont découvert un décor inédit : le colosse de détritus qui occupait l’entrée depuis des mois avait disparu, ne laissant qu’une large dalle humide et l’odeur encore fraîche du désinfectant.
Dans la nuit, une opération éclair lancée par la mairie de Pointe-Noire, appuyée par la société de nettoyage civile Clean PNR et des bénévoles du quartier Loandjili, a évacué plus de 320 tonnes d’ordures en moins de six heures, selon les organisateurs.
Comment la montagne d’ordures a pris racine
Le tas géant s’était lentement formé à la faveur des pluies et d’un conflit de compétence entre services, condamnant les étals de fruits, ralentissant la circulation et suscitant de vives protestations sur les réseaux, où le hashtag #FondTitiéPropre a cumulé des milliers de vues.
« C’était devenu un véritable volcan de déchets », raconte Élodie Makosso, vice-présidente du comité de marché, visiblement soulagée, tout en soulignant que l’insalubrité affectait les ventes et l’image d’une zone réputée pour ses meilleurs avocats de la ville.
Une mobilisation éclair des autorités et riverains
Face au tollé, le maire Guy-André Mapangou a promis une riposte rapide début juin, mentionnant la « Tolérance Zéro Ordures », mot d’ordre déjà mis en pratique dans les avenues du centre-ville et désormais étendu aux zones périphériques comme Fond Tié tié.
Pour libérer le site, onze camions-bennes, deux chargeuses frontales et une équipe de 70 agents ont été déployés, équipés de combinaisons haute visibilité, de gants nitrile et d’appareils de vaporisation d’enzymes biodégradables visant à neutraliser les germes.
Engins lourds et innovation verte en action
Les chauffeurs racontent avoir réalisé cinq allers-retours jusqu’à la décharge contrôlée de Vindoulou, pendant qu’une pelleteuse sous escorte policière méticuleuse attaquait le monticule par couches successives afin d’éviter l’éparpillement des plastiques dans les caniveaux.
Pendant ce temps, des étudiants en environnement de l’Université Marien Ngouabi ont collecté des échantillons pour mesurer l’impact bactériologique, une première collaboration entre chercheurs et mairie qui pourrait servir de modèle aux autres marchés de Pointe-Noire.
La victoire des réseaux sociaux et du live streaming
La scène a été minutieusement documentée sur TikTok Live par le créateur @PNRFocus, dont le direct a dépassé 95 000 vues en six heures, générant un flot de commentaires félicitant l’initiative et appelant à des actions similaires au marché de Mvou-Mvou ou au rond-point Kassaï.
Soulagement immédiat pour les commerçants
Si l’opération est saluée, certains vendeurs rappellent que le goulot d’évacuation des eaux reste bouché ; une pluie violente pourrait reformer un amas en quelques jours faute d’un ramassage régulier, confie le poissonnier Abel Nkouka, tablier bleu sur l’épaule.
Le Service municipal d’assainissement annonce dès la semaine prochaine un calendrier de passage des camions tous les mardis et vendredis, assorti d’un système d’alerte WhatsApp pour permettre aux commerçants de signaler toute accumulation suspecte avant qu’elle ne devienne critique.
Un plan municipal pour un marché durable
Cette stratégie préventive s’inscrit dans la Feuille de route urbaine 2023-2026, présentée par le préfet Alexandre Honoré Paka, qui veut réduire de 60 % les dépôts sauvages grâce à la responsabilisation des marchés et à la valorisation des déchets organiques en compost.
La société Clean PNR, qui a remporté l’appel d’offres pour trois ans, prévoit également d’installer d’ici août un centre de tri pilote à proximité du port autonome, capable de recycler 12 tonnes quotidiennes de plastique et d’aluminium issus des marchés populaires.
Propreté rime avec croissance économique locale
À Fond Tié tié, l’effet immédiat se fait sentir : les paniers de tomates prennent place là où trônait la colline puante, et les clients, moins incommodés, flânent davantage, ce qui, selon les commerçants, a fait grimper les ventes de 15 % en une journée.
« On redécouvre même la couleur des pavés », sourit Albertine Samba, vendeuse de malangwa, persuadée que la propreté attirera aussi des touristes gastronomes venus goûter le poisson fumé, déjà star sur de récentes vidéos foodies tournées par des influenceurs brazzavillois.
Financer la salubrité par l’éco-participation
Toutefois, économistes et écologistes rappellent qu’une solution pérenne passe par la sensibilisation des usagers ; l’ingénieur Merlin Mbemba propose ainsi d’intégrer dans le ticket de marché une éco-taxe symbolique de 25 francs CFA, dédiée à l’entretien quotidien des bacs.
La mairie étudie la proposition et envisage un partenariat avec Airtel Money pour numériser le paiement, une avancée jugée « futuriste mais faisable » par la start-up locale PayWay, qui a déjà déployé des QR Codes pour l’achat de pain au rond-point Ngoyo.
Cap sur une ville plus verte
Pendant que les engins replient leurs bras hydrauliques, un mural participatif est peint sur un pan de mur libre : « Fond Tié tié sans déchets, c’est possible ! ». Les habitants espèrent que le slogan deviendra une habitude, et non l’écho ponctuel d’une nuit d’effort.
Dans son discours hebdomadaire, le ministre de l’Environnement Arlette Soudan-Nonault a salué « un geste concret vers la salubrité» et rappelé l’objectif national d’une économie circulaire inclusive.
Elle a annoncé le lancement imminent d’une application mobile cartographiant en temps réel les dépôts sauvages, invitant les jeunes codeurs congolais à participer à un hackathon prévu fin juillet à Brazzaville.
