Sur le perron du Palais du Peuple
Sous un ciel brazzavillois traversé par la moiteur de juillet, la cérémonie de remise des lettres de créance d’An Qing au président Denis Sassou Nguesso a rappelé l’utilisation savamment codifiée des symboles diplomatiques. Derrière les salutations protocolaires, la nouvelle ambassadrice de la République populaire de Chine a livré un message précis : faire fructifier « les consensus importants » noués au plus haut niveau entre Brazzaville et Pékin afin d’inscrire le partenariat stratégique global dans une dynamique plus ambitieuse (Agence Congolaise d’Information, 4 juillet 2024).
L’instant est lourd d’attentes. Le Congo, engagé dans la diversification de son économie, voit dans la continuité de la coopération sino-congolaise un levier concret pour moderniser ses infrastructures, stimuler la formation professionnelle et accroître la valeur ajoutée locale. La diplomate, âgée de cinquante-trois ans, n’ignore pas cette conjoncture : dotée d’une longue expérience des dossiers africains, elle se présente en « facilitatrice pragmatique » d’intérêts mutuellement bénéfiques.
Nouvel élan diplomatique
L’arrivée d’An Qing intervient moins d’un an après la célébration du soixantième anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays. Au-delà du caractère hautement symbolique de cette longévité, Pékin et Brazzaville se projettent dans une « ère nouvelle » marquée par l’Initiative la Ceinture et la Route, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les Objectifs de développement durable onusiens.
Dans ce contexte, l’ambassadrice ambitionne d’articuler l’action chinoise autour de trois axes : des investissements ciblés dans l’agro-industrie et les énergies renouvelables, un transfert renforcé de compétences numériques, et une coopération sanitaire consolidée. Cette feuille de route, présentée comme « inclus ive » par la partie chinoise, s’inscrit dans l’objectif global de bâtir, selon ses termes, « une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique ». Les autorités congolaises, de leur côté, mettent en avant la stabilité politique du pays et l’existence d’un plan national de développement compatible avec ces nouveaux engagements.
Au cœur d’une amitié sexagénaire
Depuis les premiers échanges signés en 1964, la coopération sino-congolaise n’a cessé de se densifier. Des ponts emblématiques comme celui de l’île Mbé, aux stades de la municipalité de Kintélé, la Chine s’est progressivement imposée comme premier partenaire bilatéral du Congo pour les infrastructures publiques. Les observateurs soulignent la constance d’une relation perçue par les gouvernements successifs comme complémentaire aux partenariats traditionnels avec l’Europe et l’Amérique du Nord.
Sur le plan politique, Brazzaville et Pékin se rejoignent régulièrement dans les enceintes multilatérales sur des thématiques telles que la non-ingérence et la gouvernance mondiale équilibrée. Ce socle diplomatique, vanté par les deux capitales, autorise désormais des discussions plus pointues sur la transition énergétique ou la sécurité alimentaire, sujets où les jeunes générations congolaises réclament des avancées concrètes.
Les priorités d’un partenariat élargi
An Qing a indiqué vouloir « accorder une place de choix aux micros, petites et moyennes entreprises congolaises ». Selon elle, l’implication de ce tissu entrepreneurial dans les chaînes de valeur régionales doit favoriser la création d’emplois qualifiés et maîtriser le déficit commercial. La diplomate envisage également de promouvoir des mécanismes de financement mixtes, combinant banques chinoises, facilités africaines et garanties internationales, afin de réduire les risques de surendettement.
Le gouvernement congolais affiche, pour sa part, une volonté d’optimiser la gouvernance des projets afin de maximiser leur impact social. À cet égard, la Banque de développement des États d’Afrique centrale soutient plusieurs chantiers d’interconnexion routière où les groupes chinois jouent déjà un rôle d’opérateur technique. Les discussions entamées laissent entrevoir une rationalisation des délais de livraison et un suivi plus rigoureux des clauses environnementales.
Une jeunesse attentive aux retombées
Dans les campus de l’université Marien-Ngouabi, la nomination d’An Qing suscite un intérêt palpable. Étudiant en sciences politiques, Fabrice M., 24 ans, confie : « Nous attendons des bourses plus accessibles et des stages dans les entreprises mixtes. La Chine possède un savoir-faire, il faut qu’il profite à notre génération. » Les autorités diplomatiques chinoises disent partager cet objectif et promettent de porter à un millier, dès 2025, le nombre de bourses accordées aux jeunes Congolais.
Au-delà de la formation, les associations de start-up locales considèrent la coopération technologique comme une opportunité. Les incubateurs brazzavillois envisagent des partenariats avec les géants chinois de l’économie numérique pour développer des applications de e-santé et de paiement mobile adaptées au marché sous-régional. Cette dynamique pourrait conforter la stratégie gouvernementale visant à faire du numérique un pilier de la croissance non pétrolière.
Perspectives à l’horizon 2030
En clôturant son allocution, An Qing a rappelé que « la solidité d’un pont ne se mesure pas seulement à la qualité de l’ouvrage, mais à la confiance entre les bâtisseurs ». L’image est révélatrice d’une diplomatie qui veut inscrire son action dans la durée. La feuille de route conjointe jusqu’en 2030 prévoit, entre autres, l’extension du réseau ferroviaire Pointe-Noire/Brazzaville-Ouesso et la mise en place d’un centre conjoint de recherche sur la biodiversité du Bassin du Congo.
Ces projets, porteurs d’emplois et d’expertise, placent la jeunesse congolaise au cœur du dispositif. Alors que les marchés mondiaux sollicitent toujours plus de métaux critiques et de crédits carbone, la valorisation durable des ressources nationales devient un maillon déterminant. Le ballet diplomatique ouvert par l’arrivée d’An Qing mise donc sur un équilibre : répondre aux impératifs de croissance du Congo tout en consolidant la stature africaine de la Chine. Aux jeunes de Brazzaville, Pointe-Noire ou Ouesso de saisir cette valse des intérêts croisés pour en faire un horizon d’opportunités.
