Une mobilisation nationale rappelée à l’ordre du cofinancement
Le 27 juin 2025, le Centre antituberculeux de Brazzaville a accueilli la Journée nationale de plaidoyer pour la riposte contre le VIH-sida et la tuberculose. Dans une atmosphère mêlant gravité et optimisme, le ministre de la Santé, Jean-Rosaire Ibara, a rappelé l’engagement constant du gouvernement, inscrit dans la vision sanitaire portée par le Président Denis Sassou Nguesso. La remise officielle, par le Programme des Nations unies pour le développement, d’un laboratoire de référence en microbiologie d’une valeur de 2,8 millions USD vient matérialiser cet engagement.
Pourtant, un impératif budgétaire plane sur ces avancées. Lionel Caruana, gestionnaire du portefeuille Congo au Fonds mondial, a rappelé que la promesse de 90 millions d’euros pour la période 2024-2026 demeure tributaire d’un cofinancement national de 14 millions d’euros, soit environ 9 milliards de francs CFA. Le message est clair : l’appui international ne se déploiera pleinement qu’à la condition d’un effort financier interne, gage de coresponsabilité.
Une décennie de progrès mesurables contre le double fléau
Les statistiques du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) et du Programme national de lutte contre le sida (PNLS) tracent une trajectoire encourageante. En 2023, 14 370 cas de tuberculose ont été détectés, avec un taux de succès thérapeutique de 82 %. Côté VIH, 44 112 personnes vivaient sous traitement antirétroviral en 2024, contre 26 030 en 2019. Sur la même période, la mortalité annuelle liée au sida a diminué de 8 600 à 6 300 décès.
Ces progrès imposent de la vigilance : l’éradication d’une maladie infectieuse n’est jamais acquise. Comme l’a rappelé la représentante résidente du PNUD, Adama Dian-Barry, « chaque interruption de traitement ouvre la voie à la recrudescence et à la résistance ». Renoncer à la contrepartie nationale reviendrait à fragiliser des années d’investissements humains, logistiques et financiers.
La clé budgétaire : comprendre l’exigence des 14 millions d’euros
Techniquement, la somme exigée correspond à 15 % de l’enveloppe totale promise par le Fonds mondial. Ce ratio, appliqué à tous les pays partenaires, vise à renforcer la notion de copropriété des programmes de santé. Pour le Congo, il représente environ 0,3 % du budget national 2025, un effort jugé soutenable par les économistes du ministère des Finances.
Au-delà des chiffres, la contrepartie nationale agit comme un accélérateur de confiance. Elle signale aux bailleurs de fonds privés et aux autres agences multilatérales que le pays investit dans ses propres priorités. Sans elle, 20 000 patients séropositifs pourraient perdre l’accès aux antirétroviraux d’ici fin 2026, tandis que 4 000 personnes atteintes de tuberculose se retrouveraient sans soins adéquats.
Innovation sanitaire et logistique : un laboratoire de référence pour Brazzaville
Le nouveau laboratoire de microbiologie, installé dans l’enceinte du Centre antituberculeux, constitue une avancée technologique majeure. Équipé de plateformes de biologie moléculaire de dernière génération, il permettra d’identifier rapidement les souches résistantes de Mycobacterium tuberculosis et d’optimiser les protocoles thérapeutiques. Ce renforcement du maillage diagnostique est salué par la communauté scientifique, qui y voit un levier essentiel pour atteindre l’objectif de 90 % de détection précoce d’ici 2027.
Le dispositif s’accompagne de véhicules dédiés à la collecte sécurisée des déchets biomédicaux ainsi que de voitures utilitaires pour les districts sanitaires. De surcroît, la réhabilitation du siège national et de vingt antennes départementales du PNLS accroît la capacité d’absorption des campagnes de prévention, notamment dans les zones périurbaines où la transmission reste active.
Jeunes adultes, générations à protéger : l’urgence dans les campus et quartiers
La tranche d’âge 20-35 ans représente plus de 60 % des nouveaux diagnostics VIH recensés en 2024. Dans les campus universitaires de Brazzaville et de Pointe-Noire, les associations étudiantes multiplient les séances de dépistage volontaire et les forums de sensibilisation. « Une jeunesse bien informée devient un rempart contre la pandémie », souligne Aimée Banzouzi, présidente de l’ONG Jeunes sans Frontières.
Les financements du Fonds mondial couvrent la distribution de préservatifs, le déploiement de moustiquaires imprégnées d’insecticide et la formation des pairs-éducateurs. Faute de cofinancement, 20 % de la population risquerait d’être privée de ces moustiquaires, compromettant la lutte intégrée contre les maladies vectorielles et amplifiant la vulnérabilité sanitaire des quartiers populaires.
Préserver l’élan : un impératif collectif
En clôture de la cérémonie, Lionel Caruana a salué les avancées congolaises tout en appelant à une célérité budgétaire. Le message trouve un écho favorable dans la société civile, les praticiens hospitaliers et les partenaires techniques, unis par la volonté de préserver les acquis. Le gouvernement, conscient du risque de revers sanitaire, a indiqué travailler à un décaissement progressif réparti sur trois exercices, conformément à la soutenabilité des finances publiques.
Sous l’impulsion du chef de l’État, la santé demeure une priorité stratégique. Dans ce contexte, mobiliser 14 millions d’euros ne relève pas d’un simple acte comptable : c’est assurer la continuité d’une politique de santé publique dont l’impact se mesure en vies sauvées, en années de productivité préservées et en confiance renouvelée dans les institutions. La fenêtre d’opportunité est étroite, mais la détermination nationale à la saisir semble, cette fois, à la hauteur de l’enjeu.