La participation communautaire, levier essentiel de la qualité des soins
De la périphérie de l’île Mbamou aux artères animées de Mfilou-Ngamaba, la même préoccupation résonne : comment garantir un accueil sanitaire digne des attentes d’une population jeune, mobile et connectée ? Depuis quelques années, les Comités de santé, ces instances issues de la société civile, s’affirment comme un acteur central du débat. Leur mandat est clair : porter la voix des usagers, dialoguer avec les responsables médicaux et s’assurer que la promesse d’un système de santé de proximité ne reste pas un slogan. Encore fallait-il outiller ces volontaires pour naviguer entre rigueur administrative, contraintes budgétaires et exigences éthiques.
Brazzaville accueille un atelier stratégique de renforcement des COSA
Du 10 au 11 juin 2025, le siège du Forum des jeunes entreprises a changé de décor. Ordinateurs portables, affiches méthodologiques et mappes des districts sanitaires ont remplacé les schémas d’affaires habituels. Cinquante membres des Comités de santé de Brazzaville, rejoints par des représentants du Réseau des associations de consommateurs, ont répondu à l’appel de l’Observatoire congolais des droits des consommateurs. Objectif : décrypter les mécanismes de cogestion des Centres de santé intégrée, mieux connus sous le sigle CSI, afin de fluidifier la collaboration entre collectivités locales et personnels médicaux.
Des interventions croisées entre Brazzaville et Paris pour des perspectives comparées
L’atelier a pris la forme d’un dialogue Sud-Nord, témoignant de la dimension globale des enjeux sanitaires. En présentiel, le professeur Richard Bileckot, inspecteur général de la santé, a détaillé le rôle, la composition et les obligations des comités d’usagers. En visioconférence depuis Paris, Christian Khaliffa, président de l’INDECOSA-CGT, a exposé l’expérience française des commissions des usagers. « Il ne s’agit pas d’importer des modèles clés en main, mais de s’en inspirer pour forger nos propres pratiques », a-t-il affirmé, soulignant la nécessité de contextualiser chaque recommandation.
Le plaidoyer des jeunes représentants pour une gouvernance sanitaire responsable
Sitôt les exposés terminés, la parole a circulé dans la salle avec une liberté dont les participants se sont félicités. Arsène Ibara, président du COSA du Centre de santé intégré Fleuve Congo, a insisté sur « l’urgence de traduire nos chartes dans le quotidien des malades » et sur « le devoir pour chaque jeune volontaire de devenir un ambassadeur de la bonne gouvernance sanitaire dans son quartier ». Des propos salués par une salve d’applaudissements, témoignant d’un consensus générationnel : la qualité des soins est autant affaire de compétence que de participation citoyenne.
Un financement partenarial pour consolider les acquis du système de santé
Le projet s’inscrit dans le dispositif Kotonga, appuyé par l’Ambassade de France à hauteur de 26 232 915 FCFA, soit 76 % du budget total sur dix-huit mois. À l’heure où les financements internationaux se font plus concurrentiels, cette enveloppe illustre la confiance accordée aux acteurs congolais pour piloter leurs priorités. René Ngouala, président du comité de suivi de l’Observatoire, rappelle que « la revue du secteur santé de 2018 pointait la faible participation communautaire ; nous disposons désormais d’outils et de ressources pour inverser la tendance ». Loin d’un simple effet d’annonce, le financement prévoit des missions de terrain, des audits participatifs et la production de guides pratiques bilingues.
De la théorie à l’action : les défis de la cogestion sur le terrain
Arborant une blouse blanche immaculée, le docteur Nelson Bokalé, médecin-chef du district sanitaire de l’île Mbamou, a formulé un rappel pédagogique : « La cogestion ne dilue pas les responsabilités, elle les clarifie. Le service technique reste gardien de la discipline hospitalière, tandis que la communauté veille à la pertinence et à l’accessibilité des prestations ». Pourtant, la mise en œuvre se heurte à plusieurs goulots : accès irrégulier aux données budgétaires, rotation rapide des volontaires et méconnaissance du cadre juridique. Les échanges ont signalé la nécessité d’une formation continue, afin que chaque nouveau membre hérite d’un capital de compétences et d’un carnet d’adresses à jour.
Vers une citoyenneté sanitaire active et inclusive
Au terme des deux jours, la tonalité était à la détermination lucide plutôt qu’à l’euphorie. Les participants ont rédigé une feuille de route stipulant la création de cellules d’écoute dans chaque CSI, la tenue trimestrielle de réunions publiques et la vulgarisation des droits des patients via les réseaux sociaux. « Nos centres de santé doivent être le miroir d’une société confiante en ses institutions », a résumé le professeur Bileckot. S’il reste du chemin, l’atelier aura, selon les mots d’une participante de Ouenzé, « fait tomber la barrière invisible qui séparait encore le malade de la gouvernance ». Pour la jeunesse congolaise, désireuse de conjuguer engagement civique et compétences professionnelles, la voie est tracée : devenir moteur, et non simple bénéficiaire, d’un système de santé résolument tourné vers l’excellence.