Une formation pour muscler la gouvernance sanitaire
Au siège du Forum des jeunes entreprises du Congo, les 10 et 11 juin 2025, le bruissement habituel des start-up a laissé place à des échanges feutrés mais déterminés autour des enjeux de santé publique. Quelque cinquante représentants des Comités de santé des districts de l’Île Mbamou, Talangaï, Ouenzé, Makélékélé et Mfilou-Ngamaba, rejoints par des délégués du Réseau des associations des consommateurs, ont suivi un atelier de renforcement des capacités conduit par l’Observatoire congolais des droits des consommateurs. L’objectif était clair : redonner aux usagers, souvent relégués au rang de simples « patients », une voix structurée dans le pilotage des formations sanitaires.
René Ngouala, président du comité de suivi de l’O2CD, rappelle que la revue sectorielle de 2018 avait mis en lumière « la faible participation de la société civile au fonctionnement du système sanitaire ». Six ans plus tard, l’atelier brazzavillois apparaît comme une réponse méthodique à cette lacune, en cohérence avec la feuille de route nationale visant à rapprocher les structures hospitalières des attentes populaires sans compromettre la stabilité institutionnelle.
De la théorie française aux réalités congolaises
Pour doter les participants d’un socle conceptuel solide, le professeur Richard Bileckot a décortiqué le rôle, les acteurs et le fonctionnement d’un Comité des usagers type. À distance, Christian Khalifa, président d’Indecosa-CGT en France, a livré un témoignage vivant sur l’évolution du dispositif français, insistant sur le triptyque transparence, médiation et évaluation. Bien que les environnements réglementaires diffèrent, le parallèle a permis de montrer qu’un organe consultatif, lorsqu’il est convenablement formé, peut devenir l’allié stratégique de l’administration hospitalière plutôt qu’un contre-pouvoir crispant.
Les participants ont saisi les nuances liées au contexte congolais : pluralité linguistique, contraintes budgétaires et disparités urbain-rural. Ils ont également reconnu que l’exemple français ne saurait être dupliqué sans ajustements. La force de l’atelier réside justement dans cette capacité à transposer, et non à copier, les bonnes pratiques internationales pour forger un modèle qui respecte les spécificités nationales et s’aligne sur la politique de santé publique pilotée par le Ministère de la Santé et de la Population.
La charte du patient, fil conducteur d’une nouvelle éthique
Moment fort des deux journées, la vulgarisation du projet de charte du patient, fruit d’un travail conjoint entre la société civile et les autorités sanitaires, a suscité un vif intérêt. Loin d’un catalogue de vœux pieux, le texte propose un cadre éthique où les droits – respect de la dignité, accès à l’information médicale, confidentialité – se conjuguent avec des devoirs, notamment celui de contribuer à la pérennité des infrastructures collectives.
Pour le Dr Nelson Bokalé, médecin-chef du district de l’Île Mbamou, « la charte n’est pas qu’un document. Elle sera le baromètre de la confiance entre usagers et soignants ». En intégrant cette grille de lecture, les Cosa deviennent de facto des garants de l’effectivité des engagements pris, et non de simples comités consultatifs cantonnés aux marges décisionnelles.
Des attentes opérationnelles exprimées sans détour
La dynamique de groupe a permis d’identifier des besoins précis : suivi régulier des indicateurs de satisfaction, diffusion simplifiée des comptes rendus des Comités, et création de cellules de médiation rapide pour désamorcer les conflits mineurs avant qu’ils ne se muent en litiges majeurs. Arsène Ibara, président du Cosa du Centre de santé intégré Fleuve Congo, résume l’esprit général : « Le renforcement de capacités est indispensable pour rendre notre action lisible et efficace. Nous voulons des améliorations mesurables, pas seulement symboliques. »
Les recommandations adoptées visent donc à articuler formation continue, partage d’expériences entre districts et appui technique du Ministère, afin que la montée en compétences soit pérenne. L’accent mis sur la méthodologie – plan d’action, échéancier, évaluation – témoigne d’une volonté d’alignement avec les standards de la gestion publique moderne.
Vers une co-construction durable des politiques de santé
L’atelier de Brazzaville a constitué plus qu’un temps de formation : il a ouvert un espace de dialogue où usagers, cliniciens et décideurs peuvent désormais partager diagnostics et solutions. Dans un contexte où la population congolaise demeure jeune et mobile, cette coproduction de la décision publique apparaît comme un levier pertinent pour consolider la confiance dans les institutions, soutenir l’agenda national de couverture sanitaire universelle et, in fine, améliorer les indicateurs de santé.
En sortant du complexe de l’« expertise importée » et en assumant une démarche réflexive, les Cosa se positionnent comme des vigies capables de relayer les attentes citoyennes tout en accompagnant les directions hospitalières dans leurs défis quotidiens. Ce partenariat équilibré, encouragé par les autorités, pourrait bien devenir l’un des marqueurs d’une gouvernance hospitalière renouvelée, où la qualité des soins se mesure autant à l’excellence clinique qu’à la considération accordée aux voix des patients.