Une histoire qui fédère depuis 1985
Le 15 août, les gradins du stade Alphonse-Massamba-Débat résonnent d’ordinaire des vuvuzelas célébrant la Coupe du Congo. Cette année encore, le silence a frappé la pelouse, rappelant aux supporters que la prestigieuse compétition nationale traverse une zone de turbulences inédite.
Instituée par décret en 1985 pour renforcer l’unité et la paix par le sport, la Coupe avait pourtant prouvé sa résilience, reprenant vie dès 2000 malgré les séquelles de la guerre civile. Les finales accompagnaient alors l’essor des nouvelles infrastructures bâties par l’État.
Des pelouses de Dolisie à celles d’Oyo, chaque finale prenait valeur d’inauguration, validant la maxime des techniciens : « les stades appellent la performance ». Les Diables Noirs, Cara ou AC Léopards profitaient d’un engouement populaire capable de dépasser les clivages régionaux.
Quarante ans plus tard, l’histoire s’est grippée. Deux éditions consécutives n’ont pu aller à leur terme, d’abord stoppées aux quarts de finale, puis annulées dès juillet, sur fond de litiges administratifs et de calendrier africain resserré.
Deux saisons blanches, quelles causes réelles
La première alerte est venue de la suspension temporaire de la Fécofoot par la FIFA, après une querelle statutaire qui avait entraîné la fermeture des stades huit mois durant. Même réhabilitée, l’instance peine encore à rétablir la confiance auprès de tous les acteurs.
Le ministère des Sports souligne pour sa part la nécessité d’« assainir les compétitions » afin d’assurer la sécurité et l’équité. Cette position, présentée comme responsable, a toutefois pris de court les clubs, dont les budgets prévisionnels étaient déjà calibrés sur la tenue des matches.
« Nous comprenons l’esprit de réforme, mais notre relais médiatique reste le terrain », glisse un dirigeant de l’AS Otohô. Selon lui, l’arrêt brutal prive les joueurs d’étalonnage avant la Ligue des champions et fragilise l’attractivité vis-à-vis des partenaires économiques.
D’autres voix rappellent que la Coupe constitue un vivier pour la sélection A’ engagée au Championnat d’Afrique des nations. Faute de compétition locale, les entraîneurs ont dû miser sur des repères anciens, diluant au passage l’esprit de concurrence qui fait émerger les meilleurs profils.
Les clubs face au défi continental
Pendant ce temps, le tirage du tour préliminaire de la CAF n’a pas attendu. Les Léopards de Dolisie affronteront les Black Bulls mozambicains, tandis que l’AS Otohô défiera le Primeiro de Agosto. Deux chocs relevés pour des effectifs qui manquent de rythme compétitif.
À en croire l’analyste sportif Patrick Malonga, « une préparation tronquée peut se rattraper par l’intelligence de jeu, mais elle pèse sur la confiance ». Ses propos rejoignent les statistiques : lors des cinq dernières saisons, nos représentants ont franchi 38 % des premiers tours africains.
La Coupe du Congo joue aussi un rôle économique. Entre billetterie, droits télé et stands de restauration, une finale engrange jusqu’à 200 millions de francs CFA, selon la Ligue nationale. Cette manne irrigue les clubs, mais également les petites entreprises gravitant autour du football.
Sans calendrier stable, ces recettes deviennent imprévisibles. Les jeunes diplômés qui trouvaient dans l’événement l’occasion de vendre du merchandising ou d’opérer les plateformes numériques de streaming voient leurs plans d’affaires s’effondrer, accentuant le sentiment de précarité chez la tranche 20-35 ans.
Les perspectives d’une relance concertée
Les pouvoirs publics assurent travailler à une solution durable. Une commission mixte, réunissant ministère, Fécofoot, clubs, arbitres et sponsors, planche depuis août sur une refonte du cahier des charges et sur le glissement possible de la finale en juin, avant les délais d’enregistrement CAF.
Cette piste est saluée par plusieurs observateurs, car elle placerait la Coupe en amont de la saison continentale, donnant ainsi au vainqueur un avantage logistique. Les clubs pourraient aligner les mêmes effectifs, évitant la valse des transferts estivaux qui brouille souvent les automatismes.
Autre idée sur la table : mutualiser les ressources audiovisuelles publiques et privées pour diffuser chaque tour sur les réseaux numériques. L’expérience du championnat, visionné plus de trois millions de fois sur mobile la saison passée, démontre l’appétit du public pour du contenu local.
La diaspora constitue un autre relais stratégique. Connectée via les plateformes OTT, elle recherche une narration positive du pays. Relancer la Coupe avec une production soignée renforcerait la « marque Congo » et ouvrirait de nouveaux revenus publicitaires à l’étranger, estime l’économiste sportif Irénée Ngoma.
Au-delà des enjeux financiers, l’aspect symbolique reste central. Les jeunes nés après 1997 n’ont connu de victoire nationale que par bribes. Examiner la Coupe du Congo, c’est questionner notre capacité à célébrer ensemble la fierté d’une indépendance pacifiquement entretenue.
Si la commission aboutit, la prochaine édition pourrait revenir sous un format plus court et télévisé, gage d’adrénaline pour les fans et de visibilité pour les partenaires. Un pas décisif vers un avenir où le football continue d’unir la nation autour de sa jeunesse.
