Signature sous haute tension positive
Au sein du pavillon lumineux dressé sur l’esplanade portuaire, le ministre des Zones économiques spéciales et de la Diversification économique, Jean-Marc Thystère Tchicaya, a posé son paraphe avec la gravité de ceux qui savent qu’un simple trait d’encre peut modifier durablement la trajectoire d’un territoire. En présence de son homologue de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, du directeur général de Plateformes Industrielles du Congo/Pointe-Noire, Shailesh Barot, et du directeur de la Centrale Électrique du Congo, Jianmaria Pozzoli, l’État a matérialisé, le 10 juillet, une promesse maintes fois formulée : doter la Zone économique spéciale (ZES) de Pointe-Noire d’un courant stable, continu et conforme aux standards internationaux.
Le contrat prévoit des capacités progressives afin d’accompagner la montée en puissance des usines déjà annoncées. Selon les chiffres communiqués lors de la cérémonie, le premier palier de 50 MW pourra être porté à 120 MW à horizon 2027, une flexibilité appréciée par les investisseurs. « L’énergie est la respiration de toute zone industrielle », a rappelé Jean-Marc Thystère Tchicaya, soulignant la volonté gouvernementale de « faire de ce site un laboratoire de diversification, connecté au reste du réseau national mais autonome dans sa gestion quotidienne ».
Un socle énergétique au service de la diversification économique
La stratégie congolaise de sortie de l’« tout-pétrole » s’appuie sur des infrastructures capables d’attirer des filières variées : agro-transformation, métallurgie légère, assemblage d’équipements électriques, services logistiques à haute valeur ajoutée. Sans une électricité sûre et peu coûteuse, ces projets restent lettres mortes. L’accord conclu avec la Centrale Électrique du Congo sécurise non seulement la fourniture, mais introduit des mécanismes de stabilisation tarifaire destinés à préserver la compétitivité des futurs produits « made in Congo ».
De l’avis de l’économiste Michel Mbemba, joint par nos soins, « cette signature consolide la crédibilité du pays vis-à-vis des bailleurs qui scrutent la capacité d’exécution des autorités. Elle s’inscrit dans la logique engagée par la loi de 2021 sur les partenariats public-privé ». Autrement dit, l’électricité se mue en signal : elle dit aux opérateurs que les risques d’interruption, autrefois craints, tendent désormais vers une norme acceptable sur le plan international.
Emploi des jeunes : les watt-heures de l’espoir
Dans les artères de Pointe-Noire, nombre de jeunes suivent l’actualité industrielle avec un œil attentif : l’emploi est au cœur de leurs préoccupations. D’après les projections du ministère en charge des ZES, près de 12 000 emplois directs pourraient être créés sur la décennie, dont une majorité dans les segments de la maintenance électrique, de la logistique et du contrôle qualité. Les universités Marien-Ngouabi et Kintélé ont d’ailleurs anticipé en adaptant certains cursus d’ingénierie afin de répondre aux besoins nouveaux en automatisation et en efficacité énergétique.
Pour Sylvie Moussounda, ingénieure fraichement diplômée, « la disponibilité d’un courant fiable enlève l’un des obstacles majeurs à l’implantation d’entreprises qui hésitaient à recruter localement. Nous savons que la compétence congolaise existe ; il manquait la stabilité du réseau pour l’exprimer ». Les pouvoirs publics comptent sur cet effet d’entraînement pour limiter l’exode des compétences vers d’autres hubs africains.
Sobriété carbone et compétitivité : un tandem à équilibrer
Si le contrat répond d’abord à une urgence de production, il comporte également un volet environnemental discret mais réel. La centrale appelée à livrer la ZES recourt à un mix gaz-turbine de nouvelle génération, réputé 20 % moins émissif que les unités conventionnelles. Cette disposition s’aligne sur l’engagement climatique présenté par Brazzaville lors de la COP27, qui vise à réduire de 32 % l’intensité carbone du secteur énergétique d’ici 2030. L’intégration de panneaux solaires sur les toitures industrielles est en outre encouragée par des mesures d’exonération douanière.
Pour l’ONG locale Jeunesse Verte, représentée par Arnaud Nkombo, « la clé sera d’inscrire cette zone dans une logique d’économie circulaire, avec valorisation de la chaleur fatale et recyclage des eaux de process ». Les entreprises locataires devront donc conjuguer compétitivité et responsabilité, un équilibre qui, loin d’être contradictoire, peut devenir un argument commercial sur les marchés internationaux soucieux de traçabilité.
Pointe-Noire, futur hub régional de l’industrie 4.0 ?
Au-delà de l’électricité, le gouvernement et ses partenaires évoquent déjà la création d’un data center dans l’enceinte de la ZES pour héberger les infrastructures numériques nécessaires aux lignes de production connectées. Couplée à la récente arrivée du câble sous-marin 2Africa, cette perspective pourrait ancrer Pointe-Noire dans la cartographie émergente des hubs technologiques africains.
La feuille de route comprend également la modernisation du port en eau profonde, afin de réduire les délais d’acheminement des exportations industrielles. Selon le directeur du Port autonome, « l’énergie stable permettra de digitaliser entièrement la chaîne logistique, depuis le quai jusqu’à la déclaration en douane ». Dans cette architecture, le contrat d’approvisionnement signé le 10 juillet fait office de pierre angulaire : il relie la vision politique aux impératifs techniques, tout en ouvrant à la jeunesse congolaise un horizon d’emplois qualifiés.
Cap sur une mise en service progressive mais déterminée
Les travaux de renforcement des lignes à haute tension démarreront dès le mois d’août. Les premières usines pilotes – briqueterie automatisée et unité d’assemblage de moteurs électriques – devraient être alimentées avant la fin de l’année prochaine. Les autorités insistent sur le caractère évolutif du dispositif : la montée en charge se fera au rythme des besoins industriels, évitant ainsi le piège d’infrastructures surdimensionnées.
En scellant ce partenariat énergétique, le Congo confirme sa volonté de forger une économie plus résiliente et créatrice de valeur ajoutée locale. Les jeunes adultes, principaux acteurs et bénéficiaires de ce changement, observeront attentivement l’arrivée des premiers kilowattheures. Dans leurs attentes se dessine déjà une conviction : la lumière qui s’allume dans les rues de la ZES pourrait bien illuminer, par ricochet, l’ensemble du tissu socio-économique national.