Une diaspora juvénile en quête de repères et de réseaux en Autriche
Sous les façades baroques de Vienne, une communauté congolaise encore discrète mais résolument active se consolide. La plupart de ses membres, âgés de vingt à trente-cinq ans, rejoignent la capitale autrichienne pour des études supérieures, des programmes de recherche ou des stages professionnels. S’expatrier à plusieurs milliers de kilomètres de Brazzaville implique cependant de reconstruire des repères sociaux et culturels. C’est dans ce contexte que l’Amicale Bana Congo Brazzaville, fondée en janvier 2008 et déjà référencée par la chancellerie congolaise de Berlin, apparaît comme un trait d’union indispensable. En offrant un espace d’échange où l’on parle lingala, kituba ou français, l’association répond au besoin vital de réaffirmer une identité partagée tout en facilitant l’intégration dans la société autrichienne.
L’ABCBA, cheville ouvrière d’une cohésion culturelle transalpine
Pilotée par le président Rock Crépin Mfany, l’Amicale revendique aujourd’hui près d’une cinquantaine d’adhérents, selon les dernières statistiques communiquées lors de la mission conjointe des ministres Jean-Marc Thystère-Tchicaya et Rosalie Matondo en juin à Vienne. Les statuts, travaillés avec un sens aigu de la rigueur associative, placent la solidarité et la transmission culturelle au cœur de l’action. Des soirées gastronomiques dédiées aux recettes du Pool aux ateliers musicaux où les percussions de la rumba rencontrent les sonorités classiques viennoises, chaque initiative vise à « conserver et renforcer le lien social entre Congolais » tout en valorisant la diversité d’un territoire de 342 000 km². L’association s’emploie également à accompagner les primo-arrivants, notamment dans les démarches administratives parfois complexes liées au logement, aux assurances ou à la reconnaissance des diplômes.
Synergies avec l’État: diplomatie de proximité et ambition développementale
La visite ministérielle de juin, placée sous l’égide de l’ambassadrice Edith Itoua, a consacré une forme de diplomatie de proximité. Devant un parterre d’étudiants, le ministre des Hydrocarbures a souligné « l’importance stratégique de cette jeunesse formée à l’international dans la mise en œuvre du Plan national de développement ». De son côté, la ministre de l’Économie forestière a rappelé que la diaspora constitue un relai majeur pour la promotion des initiatives vertes prônées par le Congo lors des forums climatiques mondiaux. L’ouverture prochaine d’une représentation diplomatique congolaise à Vienne, annoncée comme imminente, devrait renforcer ces synergies. Pour l’ABCBA, disposer d’un interlocuteur institutionnel dans la même ville signifie un accès facilité aux services consulaires et la possibilité d’inscrire ses projets dans les priorités gouvernementales, notamment le programme de valorisation des compétences transnationales.
Au-delà des retrouvailles: perspectives pour les jeunes talents congolais
Au-delà de la convivialité, l’Amicale entend se positionner comme un incubateur informel de talents. Plusieurs membres se distinguent déjà dans les laboratoires de l’université technique de Graz ou au sein de start-ups viennoises spécialisées dans le numérique vert. À moyen terme, l’association étudie la création d’un fonds de solidarité destiné à financer la participation d’étudiants congolais à des conférences scientifiques européennes, ainsi qu’un programme d’échanges culturels avec les conservatoires d’Innsbruck et de Salzbourg. La célébration du 15 août, fête nationale, servira de banc d’essai à cette ambition: un colloque sur l’entrepreneuriat social congolais devrait précéder le traditionnel bal populaire. Dans les couloirs de l’amicale, l’idée fait son chemin qu’une diaspora structurée peut contribuer autant à la projection de l’image du Congo qu’à la préparation du retour de ses compétences.
Des ponts durables entre le Congo et le Danube
À l’heure où les collectivités africaines rivalisent d’inventivité pour mobiliser leur diaspora, l’ABCBA représente un laboratoire grandeur nature. Son expérience démontre qu’une organisation agile, portée par des jeunes adultes volontaires, peut soutenir les politiques publiques sans renier son autonomie associative. En Autriche, cette présence structurée contribue à déconstruire les stéréotypes sur l’Afrique centrale, tout en rappelant la vitalité culturelle de Brazzaville. Le ministère des Affaires étrangères congolais encourage d’ailleurs « toute initiative favorisant le rapprochement entre citoyens et institutions », reconnaissance qui conforte les bénévoles dans leur engagement. Si la mondialisation a multiplié les distances physiques, elle a aussi offert de nouvelles passerelles: l’Amicale Bana Congo Brazzaville entend prouver que l’on peut servir sa patrie depuis les rives du Danube, avec la même passion qu’au bord du fleuve Congo.