Brazzaville accorde ses voix au diapason national
Du 9 au 12 juillet 2025, les travées modernes de l’Institut français du Congo s’apprêtent à recueillir les harmonies de la 7ᵉ édition du concours des chorales. L’initiative, pensée par la Fédération des chorales du Congo-Brazzaville et portée par son président Ghislain Pambou, réunit treize formations originaires aussi bien des arrondissements de la capitale que des villes de Pointe-Noire ou d’Owando. Quelques voix venues de Kinshasa pourraient même traverser le fleuve, donnant à l’événement une dimension transfrontalière empreinte de cordialité culturelle.
Présenté sous la bannière « Rencontre », le rendez-vous dépasse la simple joute vocale. Il jette un pont entre les territoires intérieurs et les périphéries urbaines, entre traditions liturgiques et répertoires profanes, entre héritage local et apports contemporains. « Nous voulons célébrer le fait choral comme creuset d’identités multiples, sans jamais perdre de vue la rigueur artistique », confie M. Pambou, soucieux de conjuguer excellence et accessibilité.
L’I.F.C, scène stratégique pour la relève musicale
En offrant son amphithéâtre de verre et d’acier à la manifestation, l’Institut français du Congo confirme sa vocation de catalyseur d’initiatives portées par la jeunesse créative. Les organisateurs rappellent que chaque concert public, fixé à mille francs CFA l’entrée, constitue un laboratoire d’écoute où se croisent étudiants, mélomanes et professionnels de la musique. Pour nombre de choristes âgés de vingt à trente-cinq ans, se produire sur cette scène équivaut à un baptême artistique autant qu’à une immersion dans un réseau professionnel structuré.
Le partenariat entre la F.C.C.B et l’I.F.C, tissé depuis 2013, répond aux orientations nationales qui placent l’économie culturelle parmi les vecteurs de diversification. Il témoigne aussi d’une diplomatie culturelle convergente, en phase avec la volonté gouvernementale de renforcer les échanges Sud-Sud et Nord-Sud sans heurter les souverainetés.
Des récompenses symboliques pour un engagement durable
Le règlement prévoit trois récompenses par catégorie, avec des dotations respectives de 500 000, 300 000 et 200 000 francs CFA. Au regard des coûts d’une saison chorale – transports, partitions, couture des uniformes –, les enveloppes demeurent modestes. Toutefois, elles signalent la reconnaissance institutionnelle d’un art souvent bénévole. Plusieurs chefs de chœur saluent cette visibilité : « Au-delà du montant, le prix donne du crédit à nos heures de répétition et motive les nouvelles recrues », souligne avec conviction la maestra de Sainte-Famille, fraîchement arrivée de Pointe-Noire.
La compétition agit en outre comme tremplin vers des opportunités de formation européenne ou panafricaine. Les lauréats de l’édition 2023 ont intégré un stage à Abidjan consacré aux musiques sacrées. Ces passerelles, soutenues par des partenariats publics-privés, nourrissent une filière bénie des plateformes de streaming, en quête de contenus polyphoniques issus du continent.
Résonances régionales et ouverture transfrontalière
Brazzaville partage avec Kinshasa une histoire où le chant choral a accompagné la décolonisation, l’essor des églises de réveil puis l’émergence du gospel urbain. L’annonce de la participation possible de Bel Cantor, ensemble kinois réputé, rappelle que le fleuve Congo est moins une frontière qu’un corridor culturel. Cette proximité renforce l’attractivité de la capitale, déjà hôte d’événements comme le Festival Panafricain de Musique.
Les observateurs notent que l’arrivée de choristes étrangers stimule l’exigence artistique locale sans nourrir de rivalité stérile. « Nous voulons franchir le cap d’une saine émulation, où chaque ensemble repart enrichi des singularités de l’autre », explique un membre du comité d’organisation. Ce dialogue vocal, pensé comme soft power, épouse la diplomatie de bon voisinage prônée par les cadres chargés de la coopération culturelle.
Entre passion et professionnalisation, les chœurs dessinent l’avenir
À l’heure où les industries créatives deviennent un pilier de croissance inclusive, le concours des chorales démontre qu’une pratique ancrée dans la spiritualité peut aussi générer des valeurs économiques et sociales. Les jeunes diplômés y voient une possibilité d’entrepreneuriat culturel, qu’il s’agisse de fonder un studio d’enregistrement ou de créer des ateliers d’initiation pour enfants. Le ministère en charge des Arts et des Loisirs multiplie les appels à projets, encourageant les porteurs d’initiatives à structurer leurs associations en micro-entreprises.
Le dernier accord-cadre signé entre la Fédération et une maison de production locale prévoit la réalisation d’un album compilation, dont les ventes en ligne financeront des masterclass. Ce modèle, basé sur la circulation des revenus numériques, illustre la mue d’un secteur longtemps dépendant des souscriptions paroissiales. Dans cette mouvance, l’édition 2025 du concours apparaît tant comme une conclusion de saison que comme un incubateur d’audaces.
Lorsque, le 12 juillet, retentiront les dernières notes de Chozeba ou de Zitissa, la scène s’éteindra sans clore le récit. Car chaque voix, une fois fusionnée dans le chœur, continue de raisonner au-delà des murs de l’I.F.C, portant avec elle l’espérance d’une jeunesse qui fait rimer talent, partage et ouverture. En cela, Brazzaville, capitale du chant le temps d’un long week-end, confirme que la polyphonie est bien plus qu’un art : une promesse collective.