Pointe-Noire attire un investissement record
Devant la presse réunie à Brazzaville, les dirigeants de Sofatt industrie ont annoncé l’implantation d’une nouvelle usine de boissons à Pointe-Noire, épaulés par une délégation d’ingénieurs chinois venue partager ses procédés de production. L’initiative place la cité océane au cœur d’une stratégie industrielle élargie.
Chiffré à 1,5 milliard de FCFA, le projet promet cent cinquante emplois directs ainsi qu’une montée en gamme des produits locaux, du jus au yaourt. Le ministère du Développement industriel assure un accompagnement administratif et fiscal destiné à sécuriser chaque étape de la construction.
Génie chinois, savoir-faire congolais
Dans les ateliers existants de Sofatt à Brazzaville, des techniciens chinois forment déjà des homologues congolais à l’assemblage de lignes d’embouteillage automatisées, aux protocoles de maintenance prédictive et au contrôle qualité minute. Les sessions, traduites en français, mêlent théorie et mise en situation grandeur nature.
« Nous avançons main dans la main pour transférer un savoir décisif », résume Lassina Ouattara, président-directeur général de l’entreprise. « D’ici deux ans, neuf cadres locaux piloteront seuls la chaîne complète. C’est un impératif pour produire davantage sans dépendre de l’expertise extérieure. »
Un pari pour l’emploi des jeunes
La perspective de cent cinquante postes séduit particulièrement les diplômés en génie alimentaire et mécanique de l’Université Marien-Ngouabi. Plusieurs soulignent que ces emplois se situent hors du périmètre pétrolier traditionnel, ouvrant la voie à une diversification attendue du marché du travail congolais.
Le ministère prévoit un guichet unique pour accélérer les procédures de recrutement et de validation des compétences. Selon Wilfrid Adolphe Milandou, directeur général de l’industrie, l’objectif est qu’aucune place ne reste vacante faute de profil formé localement, un principe qualifié de priorité nationale.
Renforcer la souveraineté alimentaire
La nouvelle unité doit tripler la production nationale de jus conditionné, limitant les importations qui pèsent encore sur la balance commerciale. En valorisant les mangues, ananas et cannes à sucre récoltés dans le Kouilou et le Niari, Sofatt veut consolider une filière d’approvisionnement 100 % congolaise.
Avec cette approche, le gouvernement vise à renforcer la souveraineté alimentaire inscrite dans le Plan national de développement 2022-2026. Les autorités rappellent qu’un litre de jus importé mobilise jusqu’à quinze jours de transport maritime, contre deux heures de route entre les champs et l’usine.
Feuille de route jusqu’en 2026
Le calendrier prévoit un terrassement du site dès janvier 2024, l’arrivée des premières machines au troisième trimestre et un démarrage test de la ligne d’embouteillage en décembre 2025. La mise en production commerciale est annoncée pour janvier 2026, sous réserve des essais d’homologation.
À chaque phase, un comité mixte chinois-congolais suivra les indicateurs de performance, depuis le niveau sonore des turbines jusqu’au taux de sucre des jus. « La transparence permettra d’ajuster rapidement », assure M. Milandou, qui plaide pour un suivi comparable aux normes de l’Organisation internationale de normalisation.
Financement et incitations publiques
Le financement combine des fonds propres de Sofatt, un prêt concessionnel accordé par une banque chinoise et un dispositif d’allégement fiscal proposé par l’Agence pour la promotion des investissements. Cette structure mixte réduit le coût du capital et sécurise la trésorerie durant les premiers mois d’exploitation.
Pour leurs fournisseurs locaux, l’arrivée d’un client à grande échelle constitue un signal de marché. Plusieurs producteurs de fruits envisagent déjà d’agrandir leurs plantations, misant sur des contrats pluriannuels. Les économistes y voient un moyen de diffuser l’impact de l’investissement au-delà des murs de l’usine.
Dynamique régionale et perspectives
À l’échelle régionale, la Zone de libre-échange continentale africaine pourrait offrir à Sofatt un débouché vers Kinshasa, Libreville ou Bangui. Les volumes visés feraient grimper les exportations congolaises de produits agroalimentaires, un segment encore marginal comparé aux hydrocarbures mais porteur d’emplois stables.
Analystes et étudiants interrogés soulignent que ce type de coopération, fondé sur le transfert de technologie plutôt que la simple importation de biens finis, contribue à moderniser l’appareil productif national. Selon eux, le partenariat offre un exemple concret de l’approche gagnant-gagnant souvent évoquée par les autorités.
Durabilité et impact environnemental
Sofatt prévoit d’alimenter ses chaudières avec des résidus de canne à sucre et d’installer des panneaux solaires sur les toits métalliques. L’objectif est de réduire de quarante pour cent la facture énergétique et de limiter les émissions de CO2, tout en maîtrisant les coûts d’exploitation.
Un audit environnemental indépendant, mené par le cabinet Eco-Check, accompagnera chaque stade du chantier. Les recommandations prévues incluent la récupération d’eau de pluie pour le rinçage des bouteilles et la plantation d’une ceinture verte autour du site afin d’atténuer les nuisances sonores.
Regards des consommateurs
Dans les supermarchés de Brazzaville, des clients interrogés disent attendre une boisson « fièrement produite ici » dont le prix reste accessible. La compétition avec les marques importées sera jugée sur la saveur et la constance d’approvisionnement, estiment-ils.
