Paix et stabilité au cœur du message
Le 15 août, devant la Nation réunie pour célébrer le 65e anniversaire de l’indépendance, Denis Sassou Nguesso a livré un message centré sur la paix, décrite comme la condition indispensable à toute trajectoire de développement durable.
Avisant un contexte international « menaçant », le chef de l’État a insisté sur les répercussions des conflits extérieurs qui pèsent sur les chaînes d’approvisionnement, l’inflation énergétique et, in fine, le pouvoir d’achat des ménages congolais déjà éprouvés par la pandémie.
Il a, dans la même veine, rappelé l’ambition gouvernementale de consolider la résilience budgétaire, citant la diversification agricole, le numérique et les nouvelles zones industrielles comme leviers destinés à protéger la jeunesse contre les secousses d’une économie mondialisée.
L’opposition souligne la précarité sociale
À peine les cérémonies terminées, Destin Gavet, président du Mouvement républicain et candidat déclaré à la présidentielle de 2026, a jugé que « la paix ne saurait exister sans justice sociale », pointant la précarité persistante dans certains quartiers périphériques de Brazzaville.
L’ancien ministre Clément Miérassa a renchéri en soulignant que le silence des armes n’efface pas la souffrance quotidienne, évoquant les longues files d’attente devant certains centres de santé et la hausse des loyers urbains.
Les opposants ont également relevé l’expulsion, en mars, de l’activiste panafricaniste Kemi Seba, perçue selon eux comme un frein au débat monétaire, alors que le chef de l’État appelait à une « vivification du panafricanisme » transcendant les égoïsmes nationaux.
La majorité défend la priorité sécuritaire
Du côté de la majorité, le député Paul Ganongo rappelle que « l’on ne bâtit pas d’usines sous les bombes », citant les déplacements massifs observés au Sahel pour justifier la priorité sécuritaire érigée par Brazzaville depuis plusieurs décennies déjà selon lui.
Le parlementaire met en avant les efforts diplomatiques récents, notamment l’adhésion du Congo au Panel de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, instance que Brazzaville préside depuis 2020 pour encourager le dialogue inter-libyen.
Pour le Parti congolais du travail, ces engagements extérieurs ont des retombées intérieures : sécurisation des corridors routiers, coopération policière et, à terme, regain d’attractivité pour les investisseurs intéressés par l’exploitation du gaz, du bois et de l’agro-industrie locale.
La jeunesse entre préoccupations et initiatives
Au-delà des joutes politiques, la jeunesse scrute surtout les indicateurs concrets : taux d’emploi, coût de la vie et accès au logement. Dans les campus, les débats portent sur la soutenabilité des bourses et la reconnaissance des diplômes techniques.
Nathalie Mvoulou, 24 ans, diplômée en maintenance industrielle, affirme avoir « envoyé plus de cinquante candidatures » avant de rejoindre une start-up de recyclage plastique soutenue par le Fonds d’amorçage public, preuve selon elle que l’écosystème naissant mérite d’être consolidé par des incubateurs locaux.
Les associations d’étudiants réclament toutefois une extension de la couverture maladie universelle aux stagiaires, mesure déjà envisagée par le ministère de la Santé dans le plan stratégique 2024-2028 financé conjointement avec la Banque de développement des États d’Afrique centrale.
Sur le terrain culturel, les collectifs hip-hop multiplient les ateliers d’écriture autour de la citoyenneté. Soutenus par l’Institut français et la mairie, ces projets essaiment jusqu’à Ouesso, montrant qu’une prise de parole constructive peut accompagner la consolidation de la paix.
Défis économiques et coopération régionale
Au plan macroéconomique, la croissance devrait atteindre 4 % en 2024 selon la Banque mondiale, portée par la reprise pétrolière et les investissements routiers. Les analystes notent néanmoins que l’inflation alimentaire, autour de 7 %, pèse sur les budgets familiaux actuels.
Pour amortir le choc, le gouvernement a maintenu la subvention partielle sur le prix du carburant et prolongé la gratuité du transport étudiant à Brazzaville. Ces mesures d’atténuation resteront sous revue lors des prochaines consultations avec le Fonds monétaire international.
Dans le même temps, des partenariats public-privé visent l’agrandissement du port de Pointe-Noire afin de capter le transit régional. Les chambres de commerce estiment que 3 000 emplois directs pourraient être créés d’ici 2026 si les travaux respectent le calendrier.
Cap sur 2026: un paysage en mouvement
S’agissant du scrutin présidentiel attendu en 2026, aucune candidature officielle n’a encore été annoncée par le chef de l’État. Les observateurs rappellent que la Constitution n’impose pas de déclaration précoce, laissant planer une incertitude que chaque camp interprète différemment.
Pour Émile Gakosso, professeur de science politique à l’Université Marien Ngouabi, « l’enjeu principal sera la participation. La génération connectée veut se sentir entendue, et c’est moins une affaire de noms que de programmes réalistes et mesurables aux objectifs précis quantifiés ».
D’ici là, la Commission électorale poursuit la refonte du fichier biométrique, un chantier démarré en 2022 avec l’appui technique du Programme des Nations unies pour le développement, et qui devrait intégrer dès l’an prochain les jeunes titulaires de passeports ordinaires.
En définitive, le discours du 15 août aura mis en lumière les convergences comme les divergences : tous s’accordent sur la nécessité de préserver la paix, reste à traduire cette ambition en opportunités tangibles pour une jeunesse qui ne veut plus attendre.
