Djoson Philosophe, icône du reggae congolais en mission
Casquette vissée et guitare en bandoulière, Djoson Philosophe a posé ses valises à Paris avec l’envie d’aller au-delà du simple concert. Le chanteur, figure du reggae made in Brazzaville, entendait lier musique, entraide et visibilité pour la cause des enfants.
Quelques jours plus tôt, il enregistrait « Rumba mokili mobimba » dans le studio tourangeau de Cyril Solnais, épaulé par The Ligerians. Ce titre, mélange suave de rumba et de pulsations roots, annonçait déjà la coloration cosmopolite et engagée de sa tournée européenne.
Le 25 octobre, la salle des fêtes de la mairie du XXe arrondissement s’est transformée en plateau haut en couleurs. Programmée en clôture, la prestation de l’artiste congolais promettait d’être le pic émotionnel d’une Journée culturelle et solidaire à l’agenda chargé.
Une Journée culturelle bouillonnante au cœur du XXe
Dès 10 heures, les couloirs baignés de soleil accueillaient créatrices de bijoux wax, designers upcycling et férus de littérature afro. Entre deux stands, le public testait un atelier de tissage, s’initiait au djembé ou posait devant des fresques Instagram-friendly sur le thème de l’unité.
Les gourmets n’étaient pas oubliés : poulet yassa, saka-saka et beignets pimentés parfumaient l’air. Un coin mocktails fusion banane-gingembre côtoyait un food-truck vegan, preuve que la diaspora innove sans renier ses racines culinaires.
Au micro, la conteuse burkinabè Awa Traoré a fait voyager l’assemblée jusqu’aux berges du Niger. Puis le saxophoniste Fordha Blow a esquissé des notes jazzy, relayé par la violoncelliste Laure Volpato qui, d’un archet précis, a saupoudré la salle d’accents néo-classiques.
Au rayon débats, une table ronde conduite par la sociologue Sylvie Mbemba a décortiqué les enjeux de l’adoption en Afrique centrale. Conclusion : inclure davantage d’artistes dans les dispositifs de sensibilisation favorise l’ancrage local des politiques de protection de l’enfance.
L’orphelinat Éliora, un projet qui rassemble au-delà des frontières
Basé à Libreville puis étendu vers Brazzaville, l’orphelinat Éliora accompagne depuis 2012 des enfants privés de soutien familial. L’association finance scolarité, soins et repas équilibrés grâce à des partenariats avec des donateurs privés et des institutions installées entre l’Afrique centrale et l’Europe.
Selon la cofondatrice Prisca Mouanda, « chaque place en foyer coûte moins qu’un café parisien quotidien ». Son objectif est de quadrupler la capacité d’accueil d’ici deux ans, en misant sur les synergies diaspora-territoire pour pérenniser les infrastructures éducatives.
La Journée culturelle parisienne visait ainsi à lever 10 000 euros, somme destinée à l’achat de manuels scolaires et à l’installation de panneaux solaires dans les centres d’hébergement. L’association affirme avoir franchi la barre des 8 500 euros avant même le final musical.
« Ce qui me touche, c’est la transparence de leur travail », confie Lucie Nkouka, étudiante congolaise à la Sorbonne, venue prêter main-forte à la billetterie. Comme beaucoup, elle partageait le live sur Instagram pour inciter amis et cousins restés au pays à contribuer.
La scène comme levier de solidarité
Vers 18 h 30, les premières notes de « Mwana Mboka » ont fait lever la foule. Djoson Philosophe, chemise aux couleurs panafricaines, a enchaîné messages d’amour et appels à la responsabilité collective. Son flow reggae-rumba créait un pont émotionnel entre Paris et Brazzaville.
« Si un refrain peut nourrir un enfant, chantons plus fort ! » a-t-il lancé, sous les applaudissements. Le maire du XXe, François Vauglin, a salué « un bel exemple de diplomatie culturelle citoyenne », rappelant que son arrondissement abrite près de 5 000 résidents originaires du Congo.
Les artistes invités sont revenus pour un bœuf final mêlant sax, violoncelle et percussions bantoues. Cette improvisation a donné corps au slogan de la journée : « un même battement pour Éliora ». Les spectateurs ont quitté la salle en scannant le QR code de don affiché sur écran géant.
En coulisses, Djoson a remercié The Ligerians pour leur présence discrète dans le public : « Ils m’ont porté en studio, ils me portent ce soir ». Sa team promet de publier prochainement un EP live dont 30 % des ventes iront directement à l’orphelinat.
Et après Paris, quelles perspectives pour la scène congolaise ?
Cet événement illustre la nouvelle carte des circuits courts de la solidarité musicale. Artiste, associations et municipalité fabriquent un modèle duplicable à Pointe-Noire, Montréal ou Abidjan, où la diaspora congolaise s’appuie sur les réseaux sociaux pour financer projets éducatifs et sessions de studio.
Djoson Philosophe annonce déjà une date à Brazzaville en février, avant un passage espéré au festival PanoraMix de Ouesso. « J’apporterai sur scène les cris des quartiers, mais aussi leurs solutions », glisse-t-il, déterminé à garder l’équilibre entre groove festif et message citoyen.
Les organisateurs, eux, souhaitent pérenniser la Journée culturelle parisienne, persuadés que le storytelling d’afro-optimisme parle à la génération TikTok. Un rapport d’impact détaillé sera publié sur les réseaux labellisés Éliora afin de rendre compte de chaque euro collecté.
Pour les fans présents, la soirée a prouvé qu’un riff de guitare peut faire germer un manuel scolaire. Et pour l’artiste, c’est la démonstration que la rumba congolaise, même revisitée à la sauce reggae, demeure un vecteur crédible d’action sociale sur la scène internationale.
