Festival Nzola illumine Mbanza-Ngungu
La première édition du Festival Nzola a transformé, le temps d’un week-end, la cité ferroviaire de Mbanza-Ngungu en epicentre culturel. Entre concerts, expositions et dégustations, la ville du Kongo-Central a accueilli plusieurs milliers de festivaliers impatients de renouer avec des rendez-vous artistiques d’envergure.
Conçu comme un carrefour des talents du bassin du fleuve, l’événement a bénéficié du soutien logistique des autorités locales, d’entrepreneurs créatifs et d’une jeunesse volontaire, soucieuse d’offrir à la province une vitrine moderne compatible avec l’élan national de diversification culturelle.
Un prix Pool Malebo à portée régionale
Au cœur de cette effervescence, le Prix Pool Malebo, décerné à l’artiste brazzavillois Djoson Philosophe, a symbolisé la connexion naturelle entre les deux rives du fleuve Congo, rappelant que la musique ignore les frontières administratives pour valoriser les affinités culturelles.
Sélectionné par un jury composé de programmateurs, journalistes et experts indépendants, le trophée distingue une performance scénique, mais également une démarche de professionnalisation durable, critère devenu prioritaire pour les festivals africains cherchant à rayonner sur les plateformes numériques.
Djoson Philosophe, ambassadeur brazzavillois
De son vrai nom Jean-Joseph Loubela, Djoson Philosophe s’est forgé une réputation de conteur urbain, mariant rumba, soukous et accents jazz pour dépeindre le quotidien de Brazzaville avec tendresse et lucidité.
Sur la grande scène du site Ndombasi, lui et son orchestre Super Nkolo Mboka ont offert un set énergique, mêlant riffs de guitare, chœurs polyphoniques et pas de danse hérités des rues de Poto-Poto, avant de conclure par le titre « Bakoko » acclamé.
Une scène ouverte aux jeunes créateurs
Outre la tête d’affiche brazzavilloise, de nombreux artistes émergents du Kongo-Central ont profité de créneaux diurnes pour tester de nouvelles compositions auprès d’un public métissé d’étudiants, d’artisans et de touristes nationaux en excursion sur la route Matadi.
Les organisateurs affirment avoir privilégié des cachets transparents, financés par un partenariat public-privé qui associe opérateurs de téléphonie, petites brasseries et mairie, un modèle salué par la fondation Music in Africa présente sur place.
Célébrer le patrimoine kongo
Entre deux concerts, le village gastronomique proposait du saka-saka relevé, du poisson salé fumé et des beignets de manioc, préparations qui, selon la chef Aurélie Babela, « racontent l’histoire de nos ancêtres autant que nos chansons ».
Des ateliers de tissage, de peinture sur raphia et de littérature en langue kikongo complétaient le programme, contribuant à la transmission intergénérationnelle que revendique le projet Nzola, terme signifiant « Amour » dans plusieurs dialectes locaux.
Climat, altitude et inspiration artistique
Située à 785 mètres, Mbanza-Ngungu offre des nuits fraîches rares sous les tropiques, un atout logistique qui a permis aux techniciens son et lumière de préserver les équipements, mais aussi aux spectateurs de rester jusqu’à l’aube sans craindre la chaleur.
Interrogé en coulisses, Djoson Philosophe a confié que « la brise nocturne rappelle Bruxelles en octobre », soulignant combien l’environnement peut influencer la qualité d’une performance vocale, notamment pour les registres altos qui exigent une bonne maîtrise respiratoire.
Regards croisés Kinshasa-Brazzaville-Angola
Le slogan officieux du festival, entendu dans les allées, tenait en trois mots : « Trois pays, une culture ». Plusieurs représentants de Luanda et de Kinshasa ont évoqué la possibilité d’une tournée commune afin de renforcer la diplomatie culturelle du Pool Malebo.
Pour Frédéric Tchissambou, conseiller au ministère congolais de la Culture, « cet échange Sud-Sud est complémentaire aux coopérations Nord-Sud et facilite la circulation des artistes sans formalités excessives ni coûts prohibitifs ».
Perspectives pour l’industrie musicale congolaise
Le succès du Festival Nzola intervient dans un contexte où les plateformes de streaming enregistrent une hausse de 27 % des écoutes de musique congolaise, selon la société Mdundo, signe d’un intérêt renouvelé que les acteurs veulent convertir en opportunités économiques locales.
Djoson Philosophe, aujourd’hui en négociations avec un distributeur basé à Abidjan, espère lancer un EP avant décembre, tandis que la direction du festival envisage déjà une deuxième édition plus étendue, avec des sessions de formation en management artistique.
Les observateurs soulignent toutefois l’importance de consolider les infrastructures routières et télécoms afin de garantir la diffusion en direct, enjeu majeur pour attirer des sponsors internationaux et prolonger la portée de la scène congolaise au-delà du week-end festif.
Le coordinateur du comité Nzola, Marcel Mayitoukou, résume la vision future : « Offrir à chaque édition un espace de dialogue, d’emploi et de créativité pour que nos jeunes regardent l’avenir avec optimisme ». Un engagement qui s’inscrit dans la stratégie nationale de valorisation des industries culturelles.
