Fête nationale : l’émotion monte à Mossendjo
À Mossendjo, l’approche du 15 août anime rues, cafés et réseaux sociaux. Jeunes salariés, étudiants et commerçants commentent l’anniversaire de l’indépendance, parfois avec nostalgie, souvent avec fierté. La conversation revient pourtant immanquablement sur un symbole : le drapeau qui s’effiloche devant le commissariat Bouali.
Sur le mât métallique, les couleurs nationales virent au pastel. La bande jaune rosit, le vert pâlit, le rouge se confond presque avec la rouille. « On dirait une chemise oubliée au soleil », glisse Mireille, étudiante de vingt-deux ans, téléphone levé pour immortaliser la scène.
Le commissariat Bouali sous l’œil des habitants
Pour les riverains, l’état du pavillon tricolore résume un défi plus large : l’entretien du patrimoine public. « Le drapeau n’est pas qu’un tissu, c’est notre carte d’identité collective », rappelle le lieutenant Patrice Makaya, chef adjoint du poste, ravi d’échanger avec les passants.
L’officier confie avoir déjà sollicité une nouvelle bannière auprès de la mairie. Le budget municipal, dit-il, vise d’abord l’éclairage public et la réparation des routes, fortes priorités avant la saison des pluies. « Nous sommes en liste d’attente, mais déterminés », affirme-t-il, serein.
Pourquoi les drapeaux se dégradent-ils si vite ?
Dans le climat équatorial du Niari, vents, pluies acides et ensoleillement intense réduisent l’espérance de vie des fibres textiles. Le chef d’antenne de l’Agence congolaise de normalisation, Armand Bissila, estime qu’un drapeau extérieur doit être remplacé tous les huit mois pour conserver son éclat.
Le drapeau du commissariat Bouali a plus de deux ans, confie un agent d’entretien. « Les coutures tiennent encore, mais la couleur part », explique-t-il. Faute de fournisseurs locaux spécialisés, la ville commande souvent à Pointe-Noire ou Brazzaville, rallongeant les délais.
Les jeunes s’organisent pour raviver les couleurs
Face à l’urgence symbolique, des associations étudiantes se concertent. L’antenne du Mouvement des Jeunes Leaders a lancé une cagnotte mobile destinée à financer dix nouveaux drapeaux pour écoles, centres de santé et postes de police. En deux jours, 85 000 francs CFA ont été collectés.
Sandra Mabiala, coordinatrice du projet, voit plus loin : « Nous voulons aussi former des volontaires à plier, hisser et ranger correctement le pavillon. Prendre soin des symboles commence par des gestes simples ». Son idée séduit les lycéens, habitués aux regroupements scouts.
Les autorités locales à l’écoute des initiatives
Le maire de Mossendjo, Jacques Ngatsé, salue l’engagement citoyen. Dans un communiqué, il annonce la création d’un fonds participatif destiné à l’entretien des édifices publics, alimenté à parité par la municipalité et les contributions privées. La première enveloppe sera débloquée début septembre.
Du côté de la préfecture, le secrétaire général, Antoine Samba, assure que la campagne nationale de revalorisation des emblèmes, lancée en 2022, suit son cours. Quatre-vingt-dix-neuf écoles du département ont déjà reçu de nouveaux drapeaux et supports métalliques plus résistants.
Un enjeu de mémoire et d’unité nationale
Pour l’historienne Clarisse Okouango, spécialiste des rites civiques, l’état d’un drapeau influence la mémoire collective. « Quand la bannière se déchire, c’est la narration nationale qui s’effrite », note-t-elle. Elle plaide pour des ateliers de sensibilisation dès l’école primaire, afin de pérenniser les bonnes pratiques.
D’autres voix soulignent la dimension économique. Les commandes régulières stimuleraient l’industrie textile locale. L’atelier Sub-Sahara Tissus, installé à Dolisie, affirme pouvoir produire cent drapeaux par jour. Son responsable, Alain Mopongui, estime que « l’entretien des symboles peut aussi devenir un vecteur d’emplois durables ».
Le quotidien d’un symbole en sursis
En attendant, le vieux drapeau de Bouali continue de flotter, rappel discret de l’urgence. Chaque matin, les mototaxis ralentissent pour le saluer, comme un réflexe collectif. « On ne veut pas le décrocher avant d’avoir son remplaçant », confie un agent, respectueux du protocole.
Le service de communication de la Direction générale de la police confirme qu’un lot de pavillons neufs est en chemin depuis Brazzaville. La livraison couvre tous les commissariats du Niari, avec un tissu traité anti-UV. L’arrivée est prévue avant les festivités nationales.
Entretenir l’emblème, un chantier permanent
Au-delà des dates symboliques, experts et citoyens convergent : l’entretien des emblèmes n’est pas un événement, mais un processus. Comme la maintenance d’une route ou d’un réseau numérique, il demande calendrier, budget et formation. C’est le prix d’un sentiment commun d’appartenance.
À Mossendjo, la jeunesse l’a compris. Entre cagnottes virtuelles, ateliers et dialogues avec les autorités, elle expérimente une démocratie quotidienne, tissée de petites actions visibles. Et lorsque le nouveau drapeau flottera, beaucoup y verront la preuve qu’un simple geste peut rallumer les couleurs.
Le numérique au service du civisme
Sur Instagram et TikTok, le hashtag #CongoCouleurs dépasse désormais 12 000 vues locales. De courts reels montrent la confection d’un drapeau, la montée des couleurs ou des défis ludiques invitant les abonnés à chanter l’hymne. Les influenceurs locaux y voient un outil pédagogique puissant.
L’entrepreneur numérique Axel Loukakou prépare même une application interactive. Elle alertera les gestionnaires d’édifices lorsqu’un drapeau approche de sa durée critique, sur la base d’un simple scan photo. « La tech peut sauver nos symboles », résume-t-il, prototype en main, entouré d’étudiants curieux.
Un partenariat avec le ministère de la Jeunesse est envisagé pour déployer l’outil dans tout le pays dès 2024.