La légende brassicole autrichienne lorgne la Cuvette
Fondée en 1270 dans les contreforts alpins de Carinthie, la brasserie Hirt appartient à ce cercle limité d’entreprises européennes qui conjuguent patrimoine pluriséculaire et modernité industrielle. Le 25 juin, à Vienne, ses dirigeants ont reçu Jean-Marc Thystère Tchicaya, ministre congolais des Zones économiques spéciales et de la Diversification économique, accompagné de Rosalie Matondo, ministre de l’Économie forestière. Au terme d’une visite ponctuée par la dégustation de brassins issus de cuves en cuivre étincelantes, Hirt a fait part de son intention d’explorer, à brève échéance, les opportunités offertes par la Zone économique spéciale d’Oyo-Ollombo, dans le département de la Cuvette.
« Nous croyons en la complémentarité de nos savoir-faire et du potentiel agricole congolais », a confié, sous couvert d’anonymat, un membre du directoire de la brasserie. Cette déclaration, formulée dans un palais viennois chargé d’histoire, marque la première étape d’un projet qui pourrait associer production de malt local, fabrication de boissons artisanales et transfert de compétences vers les techniciens congolais.
Un climat d’affaires congolais en pleine mutation
Depuis l’adoption de la loi portant création des Zones économiques spéciales, Brazzaville mise sur une fiscalité incitative et sur des guichets uniques pour accélérer l’industrialisation. Les investissements déjà annoncés dans la pétrochimie, la transformation du bois ou l’assemblage de panneaux solaires témoignent d’une dynamique que vient renforcer l’intérêt affiché par Hirt.
Pour le ministre Jean-Marc Thystère Tchicaya, « le Congo se projette désormais comme un hub régional de la transformation agro-industrielle ». Cette stratégie, arrimée au Plan national de développement en cours, table sur la stabilité institutionnelle et sur le lancement d’infrastructures lourdes, à l’instar de la route Ouesso-Brazzaville et du port en eau profonde de Pointe-Noire, afin de sécuriser l’acheminement des intrants et des produits finis.
La Zes d’Oyo-Ollombo, vitrine de la diversification
Implantée sur plus de 1 500 hectares à proximité de l’aéroport international d’Ollombo, la Zes d’Oyo ambitionne de devenir un laboratoire de la transformation agricole. Les autorités y réservent des parcelles dédiées aux cultures céréalières, indispensables à la production de malt, ainsi qu’un cluster logistique doté d’installations de stockage sous température contrôlée.
Le site se distingue également par une offre énergétique compétitive. Les ingénieurs de la Société nationale d’électricité travaillent à l’extension d’un réseau basse émission alimenté par le barrage hydraulique de Liouesso. Un atout que les brasseurs considèrent stratégique, les phases de brassage et de fermentation étant très gourmandes en énergie thermique et frigorifique.
Innovation verte : l’exemple du bois lamellé-collé autrichien
Profitant de leur séjour, les ministres congolais ont visité l’usine Hasslacher Holzindustrie, référence européenne du bois lamellé-collé. Ils y ont découvert la valorisation énergétique des résidus ligneux par biomasse, technologie conforme aux standards FSC et PEFC. Cette immersion n’a rien d’anecdotique : elle préfigure l’intégration, dans la Zes d’Oyo, d’unités capables de transformer les déchets agricoles et forestiers en énergie renouvelable.
Une telle synergie réduirait l’empreinte carbone de la future brasserie et ouvrirait la voie à un étiquetage « zéro émission nette », différenciant les produits congolais sur un marché mondial où la traçabilité environnementale devient décisive.
Jeunesse et emploi : quelles retombées attendues ?
Pour les 20-35 ans, première tranche démographique du pays, le projet Hirt représente une promesse d’emplois qualifiés dans la maintenance industrielle, le contrôle qualité ou le marketing agro-alimentaire. D’après des estimations préliminaires confiées par l’Agence de promotion des investissements, une brasserie de capacité moyenne pourrait générer 200 postes directs et 600 indirects, entre champs céréaliers et logistique de distribution.
Au-delà des chiffres, l’arrivée d’un acteur européen réputé pour sa politique de formation continue peut accélérer la mise en place de filières professionnelles. « Nous souhaitons accueillir des stagiaires congolais dès la phase pilote », assure un cadre de Hirt. De quoi conforter la stratégie gouvernementale qui place la montée en compétence de la jeunesse au cœur du Pacte social et solidaire.
Perspectives et calendrier de la mission exploratoire
Une délégation technique de la brasserie est attendue à Brazzaville avant la fin du troisième trimestre. Au programme : rencontres avec les autorités locales, visites de sites agricoles dans la Cuvette, analyses hydrologiques afin d’évaluer la qualité de l’eau, composante déterminante pour le profil organoleptique des bières.
Si les indicateurs se confirment, une lettre d’intention pourrait être signée d’ici la fin de l’année, ouvrant la voie à un contrat d’implantation dont les contours financiers restent confidentiels. « Le Congo est prêt à offrir un cadre stable et transparent », rappelle Rosalie Matondo. Faisant écho à cette assurance, les dirigeants d’Hirt insistent sur leur recherche d’un partenariat durable, « gagnant-gagnant », alliant croissance économique, création d’emplois et respect scrupuleux de l’environnement.