Edouarda Diayoka, étoile de la mode congolaise
Le 3 septembre marque une première historique pour la mode congolaise : Edouarda Diayoka, fondatrice de la griffe Louata, entre dans la sélection des Talents d’Or 2025, concours panafricain prisé qui récompense l’audace, l’artisanat et la vision des stylistes du continent.
Talents d’Or 2025, un tremplin panafricain
Créé en 2010, le prix réunit chaque année des créateurs venus du Congo, du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso ou du Gabon, offrant une vitrine où les tendances locales dialoguent avec les attentes d’un public panafricain toujours plus exigeant.
Être nominé constitue déjà un label de qualité, mais le défi décisif repose sur le vote populaire, ouvert pendant six semaines. Chaque suffrage fixé à 105 F CFA permettra de financer l’organisation et de déterminer les trois finalistes qui défileront ensuite dans le pays de leur choix.
Selon le comité des Talents d’Or, la précédente édition a enregistré plus de 120 000 voix, signe d’une mobilisation numérique croissante parmi les jeunes. Les organisateurs ambitionnent de dépasser ce palier en 2025 grâce à des partenariats avec les opérateurs mobiles d’Afrique centrale.
Louata, modernité ancrée dans la culture
La signature chromatique d’Edouarda s’illustre par sa tenue jaune et bleue rendue virale sur Instagram, approche qu’elle décrit comme « un flash d’optimisme et de confiance ». Les coupes asymétriques, inspirées des boubous, revisitent la tradition sans la figer, souligne-t-elle.
Chez Louata, le choix des tissus reflète une démarche écologique mesurée ; cotons bio, raphia local et teintures végétales structurent des silhouettes pensées pour la ville. La créatrice insiste sur l’importance de « pièces qui durent, pas de collections jetables », un positionnement rare sur le marché régional.
Le vote, moteur du concours
Contrairement à d’autres compétitions façonnées principalement par les jurys, le processus des Talents d’Or place le public au centre. Pour voter, il suffit d’envoyer le code dédié par SMS. Cette mécanique, familière aux fans de télé-réalité, transforme chaque supporter en acteur direct de l’événement.
Mais derrière l’aspect ludique, la participation financière, modique à l’échelle individuelle, forme un micro-financement collectif significatif. Près de 80 % des recettes retournent vers les créateurs finalistes, selon l’organisation, subventionnant tissus, logistique et communication, autant de leviers souvent coûteux dans l’écosystème mode.
Une jeunesse inspirée
Pour de nombreux jeunes diplômés des écoles de stylisme de Brazzaville, l’itinéraire d’Edouarda démontre qu’un parcours local peut déboucher sur une visibilité africaine. « Elle a commencé avec une machine familiale à Makélékélé », rappelle la professeure Rosine Ngoma, qui voit dans cette nomination « un encouragement concret ».
Les réseaux sociaux jouent ici le rôle d’accélérateur. En moins de deux ans, Louata a cumulé 32 000 abonnés, principalement des 18-30 ans basés à Pointe-Noire, Libreville ou Abidjan. Leur relais numérique peut faire basculer le classement final, avertissent les analystes marketing.
Regards d’experts
Invité sur Radio Congo, le consultant en mode Auguste Kouka souligne que « la nomination d’Edouarda témoigne du potentiel inexploité de la filière textile nationale ». Selon lui, un succès aux Talents d’Or « pourrait susciter un regain d’intérêt des investisseurs privés ».
Dans son studio, la jeune créatrice reste concentrée sur sa collection capsule. « Mon rêve est d’ouvrir un atelier-école à Brazzaville », confie-t-elle. Elle estime qu’une partie des gains servirait à financer des formations gratuites pour apprentis modélistes.
Un atout pour l’image du Congo
Au-delà de la compétition, l’événement participe à l’image douce du Congo, complémentaire aux initiatives officielles de diplomatie culturelle. La styliste pourrait, si elle est classée parmi les lauréats, choisir de défiler à Lomé ou Abidjan, portant ainsi un message d’ouverture.
Cette stratégie s’inscrit dans une tendance repérée par l’UNESCO : la mode est devenue un vecteur d’attractivité touristique pour plusieurs capitales africaines. En accrochant son nom aux Talents d’Or, Louata renforce également la narrative d’un Congo source d’innovation, d’artisanat et de perspectives économiques.
Mobilisation jusqu’au 15 octobre
La fenêtre de vote court jusqu’au 15 octobre. D’ici là, Edouarda multipliera les pop-up stores et les interviews afin de convaincre la diaspora et les étudiants. « Chaque SMS compte, même envoyé depuis un cybercafé », répète-t-elle à ses soutiens.
Qu’elle remporte ou non le trophée, son aventure illustre une vérité partagée par nombre de jeunes créateurs : la visibilité se conquiert désormais en réseau, à la croisée de la passion, de la technologie mobile et d’un sentiment collectif d’appartenance.
Vers une industrie mode plus durable
Le cabinet Deloitte Afrique évalue à 1,4 milliard de dollars l’économie circulaire du textile sur le continent. En s’orientant vers des fibres locales et des chutes réemployées, Louata s’inscrit dans ce marché naissant, salué par plusieurs ONG environnementales.
Dans un rapport publié en juillet, l’Agence congolaise pour l’environnement note que la filière pourrait créer 2 000 emplois verts d’ici 2026 si les marques s’engagent sur des circuits courts. « Les jeunes stylistes doivent saisir cette fenêtre », insiste la chercheuse Diane Mouyabi.
En combinant prestige artistique et conscience écologique, Edouarda veut prouver que l’excellence congolaise peut aussi rimer avec durabilité. Reste au public de transformer l’essai en votant massivement pour porter ce message au-delà des podiums.