La salubrité, un impératif de santé publique
Dans un contexte où les maladies hydriques et vectorielles grèvent encore les indicateurs sanitaires nationaux, la question de l’assainissement ne relève plus du confort mais bien d’une urgence de santé publique. Les autorités sanitaires congolaises rappellent régulièrement que plus de la moitié des consultations pédiatriques sont liées à des pathologies favorisées par l’insalubrité. Face à cette réalité, la propreté urbaine devient un levier de prévention incontournable, doté désormais d’un pilotage politique dédié.
Au cœur de cette dynamique, le ministère de l’Assainissement, du Développement local et de l’Entretien routier, confié à Juste Désiré Mondélé, a érigé la salubrité en priorité stratégique. Entre gestion des déchets, curage des caniveaux et sensibilisation communautaire, l’action publique entend rompre avec la fatalité des épidémies saisonnières qui fragilisent les plus jeunes.
Une feuille de route ministérielle au diapason des urgences urbaines
Dès sa prise de fonctions, le ministre a décliné une feuille de route structurée autour de trois axes : amélioration du cadre de vie, mobilisation citoyenne et investissement dans les infrastructures. Les campagnes « Coup de poing », lancées en octobre 2023, illustrent cette approche pragmatique. Elles visent simultanément à libérer trottoirs et caniveaux, à dégager les marchés informels des déchets et à assainir les zones d’habitat précaire, notamment dans les arrondissements de Bacongo, Moungali et Talangaï à Brazzaville.
Cette méthode d’interventions rapides, couplée à des contrôles réguliers, traduit la volonté ministérielle de passer d’actions ponctuelles à une culture permanente de la propreté. Les communes périphériques, souvent oubliées des politiques centralisées, ont également bénéficié de brigades d’entretien routier chargées d’ouvrir les voies d’évacuation des eaux pluviales avant la grande saison des pluies.
Les campagnes citoyennes, laboratoire d’un civisme renouvelé
Au-delà de l’aspect technique, l’originalité de la démarche réside dans la mobilisation communautaire. L’opération « Ouenzé Bopeto », qui récompense les quartiers exemplaires, illustre la conviction selon laquelle la durabilité d’une politique d’assainissement dépend du changement de comportement collectif. « Il ne s’agit pas seulement de ramasser les ordures, mais de refranchir le pas du civisme », confie un membre du comité de quartier Chic, fier d’avoir remporté la première distinction.
Chaque premier samedi du mois, devenu journée nationale d’assainissement, jeunes volontaires, organisations de la société civile et comités scolaires convergent vers les points noirs identifiés. Les réseaux sociaux relaient images et témoignages, créant une émulation positive parmi les 20-35 ans, segment démographique le plus connecté et le plus exposé aux discours environnementaux internationaux.
Diagnostic des premiers résultats et reconnaissance institutionnelle
Un an et demi après le lancement des premières campagnes, Brazzaville présente une diminution sensible des dépotoirs sauvages recensés par la direction municipale de l’hygiène. Les opérations de curage ont permis de rétablir la fonctionnalité de 62 % des caniveaux prioritaires, réduisant l’ampleur des inondations éclairs en zone urbaine, selon une évaluation conjointe du ministère et de la mairie centrale.
Cette progression a valu au ministre Mondélé un certificat de distinction remis le 8 mai 2024 par les autorités sanitaires, saluant le lien établi entre politiques de propreté et prévention des pathologies diarrhéiques. Si les ONG environnementales souhaitent désormais des indicateurs plus désagrégés, elles reconnaissent que la dynamique actuelle rompt avec l’immobilisme longtemps décrié.
Vers une stratégie nationale intégrée inspirée du modèle japonais
Pour éviter la dispersion des initiatives, la première Conférence sur l’Assainissement Urbain, tenue à Brazzaville sous l’égide du ministère, a dégagé cinq chantiers prioritaires : gouvernance concertée, financement pérenne, éducation environnementale, modernisation de la collecte et valorisation des déchets. La mission effectuée au Japon au début de l’année a permis d’explorer des solutions de tri mécanisé et de valorisation énergétique adaptées aux contraintes budgétaires congolaises.
Grâce aux partenariats noués, une première flotte d’équipements de dépollution devrait être livrée avant fin 2025 à Pointe-Noire. L’objectif est de créer un réseau d’infrastructures capables de traiter localement les déchets, réduisant ainsi les coûts logistiques et l’empreinte carbone associés aux transferts interurbains.
Perspectives : impliquer durablement la jeunesse congolaise
Les prochaines étapes misent sur la créativité de la jeunesse, considérée par le ministre comme un « accélérateur de civisme ». Des hackathons dédiés à la gestion intelligente des déchets et des concours d’art urbain sur le thème de la propreté sont en préparation dans les universités de Brazzaville et d’Oyo. Cette ouverture donne corps à l’ambition présidentielle de faire de l’économie verte un moteur d’emplois qualifiés.
Si les défis financiers restent réels, la cohérence affichée entre santé, développement local et participation citoyenne confère à la stratégie d’assainissement un ancrage solide. Dans les rues assainies de Ouenzé ou sur les trottoirs libérés de Bacongo, la propreté devient peu à peu le reflet visible d’un nouveau pacte social, où chaque coup de balai renseigne sur la capacité de la cité à se projeter dans l’avenir.