Brazzaville se pare pour sa vitrine musicale continentale
Sous le soleil de juillet, l’avenue du Palais des Congrès s’anime au rythme d’un ballet de camions de régie, de techniciens et de bénévoles. Le compte à rebours est lancé : le 19 juillet, la grande salle emblématique de Brazzaville accueillera l’ouverture officielle du Festival panafricain de musique, mieux connu sous l’acronyme Fespam. Initié en 1996, l’événement soufflera cette année ses trente bougies et ambitionne de franchir un nouveau cap, aussi bien artistique que technologique.
En toile de fond, les jeunes mélomanes congolais guettent la moindre affiche colorée. Pour beaucoup, la manifestation représente davantage qu’un simple divertissement : elle offre une fenêtre sur le continent et sur eux-mêmes, un miroir où se lisent les aspirations créatives d’une génération connectée.
Une effervescence créative sous le regard attentif de l’État
Au Centre culturel Sony Labou Tansi, les répétitions s’enchaînent avec une cadence quasi militaire. La ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Marie-France Hélène Lydie Pongault, y a fait une incursion remarquée le 12 juillet pour encourager les troupes. « Je constate une énergie formidable et un sens aigu du professionnalisme », a-t-elle confié, soulignant l’importance de l’appui institutionnel dans la maturation des talents.
Sa présence, aux côtés du commissaire général Gervais Hugues Ondaye, illustre la volonté gouvernementale de positionner le Fespam comme vitrine diplomatique et économique. L’État ne se contente plus de financer ; il accompagne, forme et promeut, conscient que la culture irrigue désormais des secteurs clés tels que le tourisme et l’économie numérique.
La rigueur chorégraphique face aux réalités logistiques
Dirigée par le chorégraphe franco-congolais Gervais Tomadiatounga, la cinquantaine de danseurs mobilisés répète jusqu’à huit heures par jour. Leurs pas millimétrés fusionnent les rythmes kongo, téké et fang à des influences urbaines de Johannesburg et de Lagos. Si les infrastructures ne répondent pas toujours aux standards internationaux, la créativité pallie souvent les manques matériels. « Transformer les contraintes en atouts est une seconde nature pour nous », glisse le chorégraphe, le sourire confiant.
En dépit d’une conjoncture budgétaire resserrée, la direction artistique a opté pour une scénographie agile : plateformes modulables, éclairages LED basse consommation et captation numérique destinée aux réseaux sociaux. Le dispositif démontre que l’innovation n’est pas seulement affaire de moyens, mais aussi d’ingéniosité.
Numérique et économie musicale, le fil conducteur de l’édition
Placée sous le thème « Musique et enjeux économiques en Afrique à l’ère du numérique », cette édition 2023 parie sur une réflexion de fond : comment monétiser la création sans la dénaturer ? Des conférences-débats réuniront économistes, start-upers et majors du streaming pour explorer les modèles viables, de la blockchain à la gestion collective des droits.
L’angle séduit particulièrement les artistes de la diaspora, nombreux à avoir répondu à l’appel. Selon le producteur parisien Joris Mbemba, invité pour une master class, « le Fespam offre un laboratoire grandeur nature où l’on peut tester de nouvelles synergies entre scène et cloud ». Une déclaration qui trouve un écho favorable auprès des jeunes développeurs brazzavillois, prêts à proposer des solutions de billetterie dématérialisée.
Compétences locales et diaspora, un échange gagnant-gagnant
Afin de maximiser l’impact, le comité d’organisation a misé sur la formation croisée. Des virtuoses du balafon côtoient des beatmakers formés à Montréal, tandis que des danseurs contemporains échangent des conseils d’étirement avec des maîtres du Ndombolo. « En temps normal, se former à ces pratiques coûterait des sommes conséquentes. Ici, l’apprentissage est offert, l’expérience est inestimable », rappelle la ministre Pongault, soulignant le caractère inclusif de l’initiative.
Les retombées vont au-delà de la scène. Des entreprises locales de textile ont été sollicitées pour la confection des costumes, créant ainsi de l’emploi et valorisant le savoir-faire congolais. L’écosystème entier se met en mouvement, du transporteur aérien aux petites tables de restauration improvisées dans les rues adjacentes.
Vers une semaine de célébration placée sous le signe de l’unité
Le programme dévoile déjà une mosaïque d’événements : nuits des musiques africaines, expositions photographiques, ateliers de percussions pour enfants et hommages aux figures fondatrices. La cérémonie d’ouverture promet, selon les organisateurs, une immersion sensorielle totale où tambours ancestraux et projections holographiques dialogueront.
Au-delà des scènes, le Fespam 2023 s’érige en symbole d’un Congo résolument tourné vers l’avenir, attaché à ses racines mais conscient des nécessités de la modernité. Les défis subsistent, certes, mais l’élan collectif démontre qu’une nation peut vibrer à l’unisson dès lors qu’elle accorde ses violons. Les projecteurs s’apprêtent à s’allumer ; le tempo est donné ; Brazzaville n’attend plus que la première mesure.