Une visite sous le signe du dialogue Sud-Sud
Du 29 juin au 3 juillet, Abidjan a accueilli la délégation conduite par Isidore Mvouba, troisième personnage de l’État congolais. L’agenda, dense, culminait le 2 juillet par une audience auprès du président Alassane Ouattara. Cette étape protocolaire, incontournable, a servi d’écrin à la remise d’un message de paix venu de Brazzaville. Dans les couloirs de la présidence ivoirienne, l’on souligne que Denis Sassou Nguesso « entretient une constance rare dans la promotion du dialogue politique », démarche saluée par Abidjan qui en chérit les dividendes après une décennie de stabilisation.
Le mémorandum, un instrument au service des Assemblées
Signé par Isidore Mvouba et son homologue Adama Bictogo, le mémorandum d’entente entérine un partenariat structurel entre les Chambres basses des deux pays. Le document institue des échanges réguliers de commissions, la formation croisée des cadres et la mutualisation des travaux législatifs relatifs au développement durable. Pour les observateurs, l’initiative s’inscrit dans une tendance continentale où les parlements cherchent à gagner en influence au-delà du contrôle gouvernemental classique.
En paraphe le 2 juillet, Adama Bictogo a rappelé que « la paix on ne la mange pas, mais l’on mange en paix ». La formule, certes imagée, souligne la vocation du texte : offrir un cadre de travail « mano à mano » face aux défis d’un monde en mutation, qu’il s’agisse de résilience économique post-pandémie ou de transition énergétique.
Paix et climat, tandem diplomatique
La délégation congolaise n’a pas éludé les questions environnementales. Brazzaville défend, depuis le Sommet de la Terre de 1992, une posture de « pays-pont » entre le Bassin du Congo et les communautés internationales engagées contre le dérèglement climatique. Isidore Mvouba l’a rappelé en citant le chef de l’État congolais qualifié de « champion de l’écologie en Afrique » par l’Union africaine lors du sommet de Nairobi (2023). Pour Abidjan, qui mise sur la croissance verte afin de diversifier son économie au-delà du cacao, l’alignement apparaît stratégique.
Le mémorandum prévoit la création d’un groupe de travail mixte dédié aux politiques climatiques. À court terme, il s’agira d’harmoniser les approches législatives concernant la séquestration du carbone forestier et la promotion des énergies renouvelables auprès de la jeunesse entrepreneuriale.
Une tradition de concertations présidentielles
L’entente parlementaire trouve son origine dans des liens anciens tissés entre chefs d’État. Denis Sassou Nguesso rappelle volontiers ses entretiens avec feu Félix Houphouët-Boigny, figure tutélaire ivoirienne dont les conseils demeurent, selon ses propres mots, un « vadémécum ». Ce continuum historique confère un supplément d’âme au geste accompli à l’Assemblée nationale ivoirienne où le livre d’or a, ce jour-là, recueilli les souvenirs d’un demi-siècle de fraternité politique.
En écho, Alassane Ouattara cultive une diplomatie d’ouverture qui valorise la médiation institutionnelle. La dynamique Congo–Côte d’Ivoire illustre ainsi la montée en puissance d’un axe d’influence au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et de la CEDEAO, deux organisations régionales appelées à collaborer davantage sur les grandes affaires du continent.
Des retombées attendues pour les jeunesses des deux rives
Au-delà des considérations géopolitiques, les regards se tournent vers la jeunesse qui compose plus de 60 % des populations congolaises et ivoiriennes. Dans un entretien accordé à la presse, Fernand Sabaye, premier secrétaire de l’Assemblée nationale du Congo, a affirmé que « les futurs chantiers législatifs porteront sur l’employabilité, l’économie numérique et la mobilité estudiantine ». Les deux parlements entendent promouvoir des textes facilitant les stages, l’équivalence des diplômes et l’accès aux financements verts pour les start-ups locales.
En coulisses, plusieurs incubateurs numériques de Brazzaville et d’Abidjan planchent déjà sur des hackathons communs sponsorisés par les deux Assemblées. Les premiers projets pilotes, dédiés à la cartographie des zones inondables et à l’agritech durable, devraient voir le jour avant la fin de l’année, signe tangible de la volonté de « dépasser les chantiers battus de la parole ».
Vers une diplomatie parlementaire africaine renforcée
La cérémonie de signature, conclue par une conférence de presse conjointe, n’est pas un simple épisode symbolique. Elle s’inscrit dans une reconfiguration plus large des relations interparlementaires africaines. À mesure que s’affirment les enjeux transfrontaliers — sécurité sanitaire, cybersécurité, migration — les Chambres nationales cherchent des canaux d’influence complémentaires des exécutifs.
Le mémorandum Brazzaville-Abidjan pourrait dès lors servir de modèle à d’autres entités législatives du continent en quête de synergies. Plusieurs observateurs évoquent déjà la possibilité d’un réseau parlementaire panafricain axé sur la diplomatie climatique, secteur où le Congo et la Côte d’Ivoire comptent se positionner en éclaireurs.
En décidant de formaliser leur partenariat, les deux Assemblées confirment que la paix, le dialogue et l’engagement environnemental ne sont pas des slogans mais les pierres angulaires d’une influence partagée. Pour les jeunes adultes des deux nations, la route s’ouvre désormais vers de nouvelles opportunités académiques, économiques et citoyennes, dans le respect d’un idéal : bâtir un avenir où l’on « mange mieux parce que l’on est en paix ».
