Des chaussées stratégiques pour un territoire aux contours multiples
Du Littoral atlantique aux plateaux Batéké, le réseau routier congolais sillonne des réalités géographiques contrastées. De l’avis des économistes, près de 85 % des échanges commerciaux domestiques transitent encore par la voie terrestre, opérant comme un système sanguin qui irrigue marchés, écoles et structures médicales. Or l’âge avancé de nombreuses chaussées, combiné à l’effet accélérateur des pluies équatoriales, entraîne une dégradation visible dont les nids-de-poule ne sont que la manifestation la plus photographiée sur les réseaux sociaux congolais. Dans ce contexte, l’entretien routier n’est plus une option d’esthétique urbaine, mais un déterminant de compétitivité nationale.
Le Fonds routier, catalyseur financier sous examen
Créé il y a plus de vingt ans pour doter l’État d’un instrument technique et financier durable, le Fonds routier se voit aujourd’hui réinvesti d’une mission élargie. Lors d’une réunion stratégique organisée à Brazzaville, le ministre de l’Assainissement urbain, du développement local et de l’entretien routier, Juste Désiré Mondélé, a rappelé que l’organe concentre « la quintessence de notre politique nationale d’entretien ». Le constat est clair : des efforts substantiels ont permis le bitumage de plusieurs centaines de kilomètres, mais l’intensité des besoins dépasse la cadence actuelle de mobilisation des ressources. Selon les chiffres communiqués au ministère des Finances, la taxe sur les produits pétroliers, principal levier de financement, couvre à peine 40 % des besoins annuels d’entretien estimés.
Gouvernance et transparence : les impératifs d’une gestion performante
La récente feuille de route ministérielle insiste sur une gouvernance « permanente et exemplaire ». Dans les couloirs du Fonds routier, l’on évoque l’introduction d’un tableau de bord numérique qui rendra publiques les allocations budgétaires, l’état d’avancement des chantiers et les écarts de coûts. L’idée répond à une double exigence : rassurer les partenaires techniques et financiers quant à la rigueur de la chaîne de dépenses, mais aussi alimenter la confiance populaire. « La route est un bien collectif ; sa gestion doit s’inscrire dans le registre de la redevabilité », souligne l’expert en marchés publics Martial Okamba. Des audits externes réguliers et la professionnalisation des gestionnaires devraient réduire les retards ainsi que le surcoût moyen, évalué à près de 18 % sur certains projets.
Innovation et participation des jeunes : vers un engagement citoyen
L’entretien ne relève plus uniquement des équipes de cantonnage traditionnelles. Les pouvoirs publics envisagent d’ouvrir l’appel d’offres à des start-up congolaises spécialisées dans les matériaux recyclés, encouragées par des exonérations fiscales ciblées. En parallèle, un programme pilote de géolocalisation participative, porté par l’association de jeunes ingénieurs « Map&Act », propose aux usagers de signaler fissures et affaissements via une application mobile. La data collectée irriguerait directement les plannings du Fonds routier, favorisant une intervention plus chirurgicale et donc moins coûteuse. Pour la sociologue Arielle Tamba, cette approche « permet de transformer la plainte numérique en ressource civique » et de cultiver un nouveau pacte de coresponsabilité entre l’État et sa jeunesse.
Perspectives et signaux d’avenir pour le réseau routier national
L’opération de cantonnage prévue dès juillet prochain constitue la première étape tangible des réformes annoncées. Elle sera suivie d’un plan d’urgence triennal tablant sur la réhabilitation de 2 000 km de routes prioritaires et la création de soixante-dix aires de repos sécurisées. Le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, a fixé une ligne directrice claire : des résultats visibles, adossés à des indicateurs mesurables, conditionneront la pérennité des dotations budgétaires. En écho, le directeur général du Fonds routier, Elenga Obat Nzenguet, évoque déjà l’option d’un emprunt obligataire vert pour diversifier les sources de financement et aligner la stratégie nationale sur les standards environnementaux internationaux. Si la gouvernance renouvelée tient ses promesses, les routes congolaises pourraient ainsi devenir le symbole concret d’un développement inclusif autant que durable.
