Un engouement pour l’auto-emploi féminin
À Kinshasa, mégapole aussi foisonnante que contrastée, l’annonce de la fondation Team Dr Balako Liyanza a suscité un intérêt palpable dans les cercles universitaires et associatifs. L’organisation, créée en 2022, promet pour le troisième trimestre un renforcement de ses programmes d’incubation destinés prioritairement aux jeunes filles, segment souvent minoré dans les statistiques nationales de création d’entreprises. Son président, le Dr Jean Dénis Balako Liyanza, s’est voulu clair : « Notre mission est de redonner espoir à la jeunesse, en particulier aux jeunes filles, en leur offrant des outils concrets pour construire leur avenir », insiste-t-il lors d’un entretien accordé à l’Agence congolaise d’information.
Sur les artères de Matonge ou de Bandalungwa, la percée des micro-unités dirigées par des femmes témoigne d’un terrain fertile. Les sociologues rappellent que l’entrepreneuriat féminin réduit non seulement le chômage mais agit comme levier d’empowerment sociétal, reconfigurant les rapports de genre au sein des communautés urbaines. Dans ce contexte, la fondation entend distribuer de petites dotations initiales, encadrées par des sessions de mentorat, afin d’éviter l’écueil récurrent des projets avortés faute de suivi.
Des passerelles entre formation et marché
L’un des paradoxes de l’économie congolaise demeure l’abondance de jeunes diplômés côtoyant un marché du travail formel restreint. Les statistiques de l’Organisation internationale du travail estiment à plus de 70 % le taux d’emploi informel chez les moins de trente-cinq ans. C’est là que la fondation place son curseur : certifier des compétences pratiques en gestion, en numérique ou en métiers verts, puis connecter directement les porteurs de projets à des réseaux d’investisseurs locaux et de diaspora.
Pour matérialiser cette ambition, un partenariat avec deux instituts supérieurs techniques de Kinshasa a été conclu. Les lauréats bénéficieront d’un accompagnement de douze mois, mêlant formation académique, immersion sur le terrain et coaching personnalisé. « Nous voulons casser la frontière symbolique entre l’école et l’entreprise », détaille la coordinatrice pédagogique, Mme Christelle Kapinga, jointe par téléphone depuis Brazzaville, où elle animera bientôt un webinaire transfrontalier. Cette passerelle illustre l’aspiration de nombreux jeunes Congolais d’accéder à une économie diversifiée sans devoir s’expatrier.
La dimension sanitaire et environnementale
Au-delà de l’accompagnement entrepreneurial, la fondation revendique une approche holistique englobant santé communautaire et écologie. Dans certains quartiers de la capitale voisine, les inondations récurrentes et l’érosion des ravins menacent habitations et activités économiques. Les équipes de Dr Balako Liyanza ont ainsi planifié des campagnes de sensibilisation à la gestion des déchets plastiques, mais aussi des ateliers sur la fabrication de pavés à base de matériaux recyclés, une innovation saluée par des urbanistes locaux.
Sur le volet sanitaire, un programme mobile de dépistage du paludisme et de soins prénataux est annoncé. Il s’articulera avec les Centres de santé de référence et comptera sur des étudiants en sciences infirmières volontaires. L’idée, précise la responsable médicale, Mme Nadine Ilunga, est de « créer une synergie où l’entreprise sociale finance des actions de prévention, et où la bonne santé des populations alimente un cercle vertueux de productivité ». Cette articulation répond aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé sur l’intégration de la santé publique aux politiques de développement.
Enjeux politiques et rayonnement sous-régional
Fondateur de la structure, le Dr Liyanza assume également son rôle de cadre au sein du Mouvement de libération du Congo. Pour autant, il insiste sur la neutralité institutionnelle de la fondation : les financements proviendront de mécènes, de partenariats public-privé et d’appels à projets internationaux. À Brazzaville, certains observateurs saluent la démarche, y voyant un signe supplémentaire de la vitalité associative dans la zone CEEAC, sans pour autant éluder les défis de soutenabilité financière.
Plus largement, le projet réactive le débat sur la coopération sud-sud. Des ONG basées sur les deux rives du fleuve Congo envisagent déjà des échanges d’expertise, convaincues que l’économie numérique ou le recyclage urbain ne connaissent pas de frontières politiques. Un économiste de l’Université Marien-Ngouabi rappelle que « le bassin du Congo dispose d’un marché intérieur jeune de plus de 90 millions d’habitants ; toute initiative qui favorise la circulation des compétences contribuera à consolider la stabilité de la sous-région ».
En définitive, la fondation Team Dr Balako Liyanza s’affirme comme un laboratoire d’initiatives où l’énergie de la jeunesse, le souci de la santé publique et l’urgence climatique convergent. Si les obstacles matériels demeurent, la traction qu’elle génère atteste d’une conviction partagée : le futur économique de la région se joue dans la capacité des jeunes à transformer leurs idées en entreprises pérennes, et des acteurs civiques à leur fournir un écosystème propice. À Kinshasa comme à Brazzaville, l’enjeu n’est plus seulement de créer des emplois, mais de cultiver un état d’esprit entrepreneurial capable de résister aux vents contraires et de bâtir des passerelles durables entre les deux capitales sœurs.
