Un capital démographique à convertir en dividende économique
Dans un pays où près d’un tiers de la population se situe entre vingt et trente-neuf ans, la question de l’employabilité juvénile n’est plus un simple dossier administratif : elle détermine, à court terme, la trajectoire sociale et économique de la nation. Le premier ministre Anatole Collinet Makosso l’a rappelé lors de l’ouverture des assises consacrées à l’employabilité et à l’entrepreneuriat des étudiants : « Trouver ou créer un emploi, c’est vous positionner comme acteurs actifs de la transformation du Congo ». À l’heure où l’économie mondiale s’automatise et se numérise, les caractéristiques démographiques congolaises constituent un atout stratégique, pour peu qu’elles soient mobilisées par des politiques adaptées et une responsabilité partagée entre institutions et citoyens.
Les assises de Brazzaville, laboratoire d’idées pragmatiques
Réunissant décideurs publics, universitaires, entrepreneurs et organisations estudiantines, la rencontre brazzavilloise s’est voulue un forum d’écoute avant d’être un catalogue de prescriptions. Le chef du gouvernement a insisté sur « la dynamique nationale impulsée par le président Denis Sassou Nguesso », prolongée jusqu’en 2025 afin de donner le temps à chaque mesure d’enraciner ses effets. Cette temporalité assumée a séduit les jeunes délégués, qui craignent davantage l’éphémère que le manque d’idées. Garly Chèrubin Will-Rudel Ibara, président de l’Union libre des élèves et étudiants du Congo, l’a exprimé sans détour : « Nous ne voulons plus seulement compter, mais participer, construire, transformer. »
Universités et entreprises, un tandem à consolider
La ministre de l’Enseignement supérieur, Delphine Edith Emmanuelle, a inscrit les travaux dans le sillage du Manifeste pour la diplomatie scientifique francophone et des nouvelles orientations du Cames favorables à la professionnalisation des cursus. Dans les coulisses, les recteurs des universités publiques ont multiplié les apartés avec des directeurs de petites et moyennes entreprises afin de préciser les contours des futurs parcours en alternance. Les représentants du patronat ont, de leur côté, plaidé pour une simplification des conventions de stage, estimant que le délai moyen d’instruction, six semaines actuellement, reste dissuasif pour les structures de moins de cinquante salariés. L’objectif consensuel est de faire de l’expérience pratique une composante intrinsèque de toute formation diplômante.
Innovations financières et numériques au service des start-up locales
Si la volonté politique sert de fil conducteur, la faisabilité financière demeure le nœud du projet entrepreneurial. Les assises ont vu la Banque postale du Congo dévoiler un produit d’épargne-garantie dédié aux primo-entrepreneurs âgés de moins de trente-cinq ans : un dépôt minimal de 100 000 FCFA ouvre droit à un micro-crédit trois fois supérieur, assorti d’un accompagnement comptable. Parallèlement, deux incubateurs numériques, Ogooué Labs et Likouala Tech Hub, ont annoncé la fusion de leurs plateformes de mentorat, offrant ainsi un guichet unique pour la formation au codage et la mise en réseau avec des investisseurs régionaux. L’ensemble esquisse un écosystème où la bancarisation, encore partielle, rencontre la révolution mobile, quasi-universelle chez les 20-35 ans.
Vers une culture de l’entrepreneuriat responsable et durable
Au-delà des chiffres, les intervenants ont insisté sur la nécessité d’installer une véritable culture de l’initiative. Des experts du Programme des Nations unies pour le développement ont souligné que la moitié des start-up africaines échouent avant leur troisième anniversaire, non par manque de marché mais faute de gestion interne rigoureuse. La question de la durabilité s’est donc imposée : comment aligner rentabilité, création d’emplois et responsabilité sociale ? La réponse passe, selon les chercheurs de l’Université Marien-Ngouabi, par l’intégration dans les programmes académiques d’unités d’enseignement dédiées à l’éthique des affaires et à la gestion des risques environnementaux. L’enjeu est de former des entrepreneurs capables d’inscrire leur projet dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine, sans sacrifier l’équilibre écologique du Bassin du Congo.
Perspectives partagées par les acteurs de la jeunesse
Au terme des travaux, un sentiment de convergence s’est dégagé. Le gouvernement entend poursuivre la réforme du cadre légal pour faciliter la création d’entreprise en quarante-huit heures, tandis que l’ensemble des représentants étudiants réclame la mise en place d’un observatoire permanent de l’insertion professionnelle, garant d’un suivi statistique fiable. Enfin, les partenaires techniques et financiers, dont l’Organisation internationale de la francophonie, envisagent de doubler le budget consacré aux formations certifiantes d’ici à 2026. Sur le parvis du Palais des congrès, les jeunes ont salué des engagements jugés réalistes : « Nous sortons avec des pistes concrètes, une feuille de route et l’assurance d’être partie prenante du processus », résume une étudiante en ingénierie agroalimentaire. L’ambition collective reste claire : transformer l’élan démographique en levier de prospérité partagée, symbole d’un Congo où les diplômés ne se ruent plus vers les guichets d’un emploi hypothétique, mais dessinent eux-mêmes les contours de leur avenir.