Le compte à rebours vers 2026
À moins d’un an du premier tour annoncé pour mars 2026, Brazzaville s’active déjà. Derrière la scène politique, une cinquantaine de femmes journalistes se sont réunies du 11 au 13 août 2025 à Pefaco Hôtel pour aiguiser plume, micro et caméra.
Le programme, porté par la représentation de l’Unesco et le ministère de la Communication, vise à doter ces professionnelles d’outils solides pour couvrir la campagne, dépouiller l’intox numérique et restituer, en toute sécurité, les enjeux d’un scrutin qui mobilisera toute la société.
C’est le ministre Thierry Moungala, porte-parole du gouvernement, qui a ouvert les travaux, insistant sur la « sensibilité et l’esprit maternel » des participantes, atouts susceptibles de donner un visage humain à l’actualité électorale et d’amplifier la voix de populations encore trop souvent invisibles.
Autour de lui, le président de la Cour suprême, Henri Bouka, désormais à la tête de la CNEI, et Médard Milandou, fraîchement élu au Conseil supérieur de la liberté de communication, ont rappelé la nécessité d’un journalisme impartial pour préserver le climat de paix.
La voix féminine monte en puissance
En Afrique centrale, seule une dépêche sur cinq est produite par une femme, selon l’Unesco. Cette formation répond donc à un déficit réel de participation et d’autorité éditoriale, expliquent les organisateurs, convaincus qu’une représentation accrue influencera la qualité et la portée de l’information électorale.
« Nous ne voulons plus rester cantonnées aux pages culture », insiste Nadège Bissila de Radio Congo, déjà présente lors des scrutins précédents. Sa collègue Huguette Mavoungou souligne que la sécurité en reportage reste un souci majeur, traité sans détour durant l’atelier.
Les modules couvrent droit de la presse, fact-checking et gestion des réseaux sociaux. En expliquant comment authentifier une vidéo ou une statistique, les formatrices veulent réduire l’espace des rumeurs, enjeu capital à l’heure où chaque smartphone tient lieu de rédaction mobile.
Unesco et institutions nationales en synergie
Pour Mme Fatoumata Barry Marega, représentante de l’Unesco, la crédibilité d’un scrutin se gagne aussi dans les salles de rédaction. Elle insiste sur la coordination entre organisations internationales et structures nationales afin d’accompagner les journalistes bien au-delà de l’atelier, notamment par un suivi en ligne continu.
Le Conseil supérieur de la liberté de communication prévoit ainsi d’actualiser son guide électoral, tandis que la CNEI mettra à disposition des bases de données ouvertes sur les circonscriptions et listes de candidats. Ces ressources, accessibles gratuitement, devraient faciliter l’investigation et éviter les confusions lors du dépouillement.
À Brazzaville, plusieurs rédactions annonceront des cellules mixtes de veille, initiative saluée par le ministère. Le modèle, testé aux législatives de 2022, avait permis de corriger rapidement de fausses projections largement partagées sur les réseaux sociaux.
Compétences clés pour un scrutin apaisé
La sécurité des journalistes reste prioritaire. Gaston Ololo, de la CNEI, a décrit des scénarios incluant attroupements hostiles ou coupures d’internet. Les participantes ont simulé des directs, apprenant à conserver distance et sang-froid tout en relayant des informations déjà vérifiées.
Un module particulier a porté sur la gestion du stress. Sous la conduite d’un psychologue militaire, des exercices de respiration, d’écoute active et de débriefing collectif ont été introduits. L’objectif est de réduire l’épuisement professionnel observé chez les reporters après de longues nuits de dépouillement.
Joachim Mbanza a martelé que « l’équilibre des sources est la clef de la démocratie ». Il a exhorté les stagiaires à confronter systématiquement données de campagne, observateurs indépendants et autorités locales afin d’éviter le piège des discours partisans.
Regards croisés des expertes
Claudia Pouka, rédactrice en chef adjointe d’un quotidien en ligne, estime que cette session marque une étape importante : « La parité ne se décrète pas seulement dans les lois, elle se gagne sur le terrain, par la compétence. » Son propos a fait écho à de nombreux sourires complices.
De son côté, Arsène Sévérin Ngouéla, coordinateur technique, promet un réseau d’entraide post-formation. Il planifie des ateliers mensuels en visioconférence pour suivre la mise en pratique, partager des difficultés et valoriser les productions les plus marquantes, une approche jugée stimulante par l’ensemble des participantes.
Quel impact pour le paysage médiatique congolais ?
Au terme des trois jours, un sentiment de responsabilité renouvelée domine. Les défis de la désinformation et de la pression politique demeurent, mais l’atelier annonce une couverture plus inclusive. En 2026, les jeunes auditeurs devraient entendre bien davantage de voix féminines sur les ondes.
Dans un pays où 60 % des habitants ont moins de 25 ans, cette féminisation du traitement de l’actualité pourrait doper la participation civique, selon des sociologues de l’université Marien-Ngouabi. Leur étude sur 2021 montre qu’une information diversifiée stimule le vote des primo-électeurs.
Rendez-vous est donc pris pour mars 2026. Les microphones sont chargés, les caméras révisées et les carnets prêts. À la veille d’un scrutin crucial, ces cinquante journalistes entendent conjuguer leurs talents pour que chaque bulletin déposé soit raconté avec rigueur, nuance et équilibre.
