Clap de fin pour CanalOlympia au Congo
Trois complexes CanalOlympia, situés à Brazzaville, Pointe-Noire et Oyo, fermeront définitivement leurs portes le 26 octobre. L’information, confirmée par un communiqué officiel daté du 11 octobre, marque l’issue d’une aventure de six ans pour ces salles ultra-modernes inaugurées en 2019 dans la capitale, puis déployées dans le pays.
Le texte remercie le public pour « six belles années d’émotions partagées » et précise que la fermeture s’inscrit dans « la rétrocession des infrastructures ». En clair, le groupe cède la gestion des bâtiments à un nouvel opérateur dont l’identité n’a pas encore été rendue publique.
Six ans d’émotions partagées
Depuis leur lancement, les CanalOlympia ont offert aux jeunes urbains une expérience cinéma comparable aux multiplexes internationaux. Pré-ventes en ligne, son Dolby, écrans géants : la formule a séduit une génération habituée aux séries en streaming, mais toujours friande du grand écran et du pop-corn.
Les programmations mêlaient blockbusters hollywoodiens, cartoons pour enfants et, surtout, avant-premières de productions congolaises. Les cinéastes locaux profitaient d’un projecteur 4K et d’un public curieux pour tester leurs récits urbains. Plusieurs festivals étudiants y ont même trouvé un toit, transformant la salle en incubateur culturel.
Une transition soutenue par les autorités
Lors d’une rencontre en mars entre la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Lydie Pongault, et la présidente du réseau, Christine Pujade, la décision de mettre fin aux activités a été actée. La ministre a réaffirmé l’engagement de l’État à « garantir la continuité de l’exploitation cinématographique ».
Un accompagnement institutionnel est donc prévu pour que le futur opérateur reprenne rapidement la programmation. Les discussions portent sur la maintenance des équipements, la formation du personnel et la sauvegarde des archives numériques créées depuis 2019.
Quel avenir pour les écrans urbains ?
La fermeture laisse un vide symbolique : peu d’alternatives modernes existent pour diffuser un long-métrage sur bobine numérique. Les cinéphiles s’inquiètent, mais certains producteurs y voient une opportunité. Selon le réalisateur Narcisse Mouembe, « ce départ peut inspirer un modèle plus ancré dans la réalité locale, moins coûteux en frais de licence ».
Plusieurs entrepreneurs tech réfléchissent à un concept de micro-cinémas installés dans les quartiers populaires, utilisant des projecteurs LED et des fauteuils modulaires. Des partenariats public-privé sont à l’étude pour financer ces mini-salles, en échange d’une programmation axée sur les films congolais et africains.
Les témoignages d’une communauté soudée
Sur Instagram, les réactions pleuvent. « Notre seul endroit climatisé pour voir un Marvel va disparaître », écrit la blogueuse Sugar Essy. Uriel Biyimi-N’Sayi s’inquiète pour « les sorties famille du week-end ». Christ Nkounkou rappelle que « des emplois sont en jeu ». La publication officielle a généré plus de 2 000 commentaires en une journée.
Le hashtag #SauvezNosSalles a émergé, rassemblant critiques cinéma, influenceurs et étudiants en audiovisuel. Tous demandent de la transparence sur l’identité du repreneur et sur la date de réouverture. Certains proposent même une campagne de financement participatif pour soutenir la première programmation post-transition.
Un mouvement continental en marche
CanalOlympia réduit progressivement la voilure en Afrique centrale. Yaoundé a cédé ses infrastructures à l’Université de la capitale camerounaise en juin. Port-Gentil au Gabon a connu un scénario similaire fin juin. Le groupe, propriété de Vivendi, semble réorienter sa stratégie vers l’événementiel musical et le streaming.
Cette reconfiguration n’est pas perçue comme un retrait total. Les salles existantes au Bénin ou en Côte d’Ivoire poursuivent leurs activités, souvent adossées à des concerts ou à des avant-premières sponsorisées. Au Congo, le futur exploitant pourrait s’inspirer de ce modèle hybride mêlant film, stand-up et showcase live.
Vers un modèle congolais du cinéma
Au-delà de la nostalgie, la fermeture alimente une réflexion nationale sur l’économie du 7ᵉ art. Le Centre national du cinéma congolais prépare un livre blanc pour cadrer la fiscalité des billets, encourager la production locale et attirer des coproductions régionales.
Le producteur Alain Ndinga estime que « la clé réside dans la formation des équipes techniques et dans l’accès au micro-crédit pour les jeunes créateurs ». Il plaide pour une plate-forme de VOD congolexplosion qui diffuserait les succès locaux après leur sortie en salle, garantissant une seconde vie numérique aux films.
En attendant, le rideau tombe sur l’enseigne rouge CanalOlympia. Les projecteurs s’éteignent, mais la pellicule continue de tourner dans les esprits des cinéphiles de Brazzaville, Pointe-Noire et Oyo. Pour eux, l’histoire du cinéma congolais ne connaît jamais de générique final, seulement de nouveaux chapitres à écrire.