La vibrante ouverture du Fespam 2025
Brazzaville résonne cette semaine d’une pulsation singulière : celle du Festival panafricain de musique, douzième du nom, qui irrigue la capitale d’une énergie artistique sans équivalent sur le continent. Sur les berges du fleuve Congo, le tumulte des répétitions répond aux applaudissements d’un public déjà conquis, tandis que le Musée panafricain de la musique reçoit, loin des scènes, un précieux renfort d’âmes sonores.
La réception officielle de nouveaux instruments traditionnels, placée sous le patronage de la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Marie Hélène Lydie Pongault, s’est déroulée le 21 juillet devant un parterre de diplomates, d’universitaires et de jeunes créateurs. Chacun a pu mesurer l’envergure d’un projet dont le souffle remonte aux années 1990 : faire de Brazzaville le coffre-fort vivant de la mémoire musicale africaine.
Un geste d’unité qui dépasse la scène
En faisant acheminer un pendé, un tambour, un goni, un inanga, un umuduri, un inyahura et un xylophone, la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, le Rwanda et le Sénégal ont posé un acte dépassant la simple générosité. Ces instruments sont autant de passeports symboliques que de messages politiques, rappelant qu’aucune frontière ne saurait contraindre la circulation des rythmes, des mythes et des imaginaires.
« Le goni n’est pas qu’une flûte ; il magnifie les valeurs de nos sociétés », a rappelé Abdou Sambadjiata, haut responsable ivoirien, pendant que Vienvona Bobajidou, envoyée de Mauritanie, soulignait la portée cérémonielle de l’inanga traditionnellement réservé aux hommes. De son côté, le commissaire général du Fespam, Hugues Gervais Ondaye, s’est félicité de voir la diplomatie culturelle prolonger le dialogue politique continental « par la seule langue réellement commune : la musique ».
Au cœur d’une organologie en devenir
Chaque instrument raconte un chapitre distinct d’une histoire globale : le pendé, tambour à membrane unique, ouvre la voie aux transes initiatiques du Bandundu ; le goni, sifflant dans les célébrations sénoufo, épouse les complaintes des griots ; le xylophone sénégalais, à lames résonnantes, recrée les veillées wolof ; l’umuduri rwandais apaise la frénésie urbaine par ses cordes berçantes. Chacun survit grâce à la transmission d’artisans dont la main perpétue des savoir-faire ancestraux trop souvent menacés par la standardisation globale.
En étoffant sa collection, le Musée panafricain de la musique atteint désormais une masse critique qui intéresse chercheurs, facteurs d’instruments et ingénieurs du son. Honoré Mobonda, son directeur, rappelle que les nouvelles acquisitions seront rapidement documentées : essences de bois, allégories mythologiques, conditions climatiques de conservation. Autant d’éléments indispensables pour bâtir une science organologique africaine, angle mort persistant des universités occidentales.
Jeunesse connectée, patrimoine à portée de clic
Le projet Prima, conduit en partenariat avec le Musée des instruments de musique de Bruxelles, a déjà permis la numérisation haute définition d’une partie des collections. Pour de nombreux beatmakers congolais, ces archives en ligne sont devenues un laboratoire sonore où s’inventent de nouvelles textures afro-électroniques, mêlant la séculaire fibre du inanga aux basses contemporaines. La ministre Lydie Pongault voit dans cet accès libre un outil pédagogique majeur pour les écoles de musique régionales.
Les jeunes adultes, public principal du Fespam, n’ont plus besoin de franchir les portes du bâtiment historique pour dialoguer avec leurs aînés ; quelques mégabits suffisent. Cette porosité générationnelle, accentuée par les réseaux sociaux, garantit que la sauvegarde du patrimoine ne soit pas figée dans une contemplation muséale, mais s’accomplisse dans l’appropriation créative, l’échantillonnage et le remix, pratiques familières aux studios de Talangaï ou de Bacongo.
Perspectives harmonieuses pour Brazzaville et l’Afrique
Alors que le Fespam 2025 déroule son calendrier de concerts, d’ateliers et de conférences, l’arrivée de ces instruments conforte Brazzaville dans sa vocation de carrefour culturel continental, aux côtés de Dakar pour le cinéma ou d’Accra pour les arts numériques. La volonté présidentielle de soutenir les industries créatives trouve ici un terrain d’expression tangible qui combine attractivité touristique, rayonnement diplomatique et retombées économiques pour l’écosystème local.
À la veille de la clôture du festival, les regards se tournent vers l’avenir : incubateurs de start-ups musicales, résidences d’artistes transfrontalières, formations à la lutherie de conservation. Autant de chantiers où la jeunesse congolaise est invitée à jouer la première note. Si les tambours sont neufs, la mémoire, elle, demeure intacte ; et c’est justement cette permanence qui, d’année en année, fait du Fespam non seulement une fête, mais un contrat de confiance entre passé et futur.