Un festival panafricain ouvert sur le monde
Au fil de ses douze éditions, le Festival panafricain de musique s’est imposé comme un trait d’union entre les scènes africaines et les expressions artistiques venues d’autres horizons. Créé en 1996 sous l’égide des autorités congolaises soucieuses de promouvoir une diplomatie culturelle dynamique, le Fespam est aujourd’hui perçu comme l’un des rares espaces où l’on peut simultanément célébrer la diversité musicale du continent et encourager le dialogue interculturel. L’édition 2023 ne déroge pas à cette vocation d’ouverture : pour la première fois de son histoire, une formation vénézuélienne, le groupe Madera, figure à l’affiche officielle.
Cette présence illustre la volonté du comité d’organisation, soutenu par le ministère de la Culture et des Arts, d’inscrire Brazzaville sur la carte des capitales musicales internationales. Dans un contexte géopolitique en constante recomposition, la musique sert ici de vecteur de rapprochement entre l’Afrique centrale et l’Amérique latine, deux régions qui partagent une mémoire marquée par la diaspora et un goût commun pour les rythmes syncopés.
La délégation vénézuélienne, un symbole de coopération Sud-Sud
Dirigé par le percussionniste José ‘Cheo’ Hurtado, Madera revendique un répertoire où le joropo des plaines côtoie les influences afro-caribéennes. « Notre venue à Brazzaville dépasse la simple prestation scénique ; elle représente l’espoir d’unir deux peuples liés par l’histoire des migrations et la passion des tambours », confie l’artiste rencontré peu avant son départ de Caracas. Afin de préparer son escale congolaise, le sextet a revisité plusieurs standards d’orchestres centrafricains, une manière de rendre hommage aux musiciens locaux tout en tissant un dialogue sonore.
De son côté, l’ambassadrice de la République bolivarienne du Venezuela au Congo, Laura Evangelia Suarez, souligne que ce déplacement répond à la feuille de route d’une coopération Sud-Sud valorisant la culture comme moteur de rapprochement. « Nous souhaitons nourrir un échange permanent où se conjuguent créations artistiques, initiatives sociales et formation des jeunes », précise la diplomate, rappelant que des ateliers de percussion et de chant seront offerts, en marge du concert, à plusieurs écoles de musique de Brazzaville.
Une scène inédite à l’orphelinat de Kombé
Le choix de l’orphelinat village des enfants cardinal Emile-Biayenda, au cœur du quartier Kombé, résonne comme un acte militant en faveur de la solidarité. Fondé en 1989 grâce à l’engagement d’ONG locales et au soutien constant des pouvoirs publics, le centre accueille aujourd’hui près de deux cents enfants. Selon sœur Angélique, directrice de l’établissement, « offrir un concert à ces jeunes, souvent éloignés des événements culturels, représente un cadeau inestimable qui participe à leur épanouissement affectif ».
Pour transformer la cour principale en salle de spectacle, une scène mobile a été installée par les techniciens du Fespam, rejoints par un contingent de volontaires étudiants issus de l’Institut national des arts. Les responsables sanitaires veillent à ce que toutes les mesures de sécurité soient respectées, dans un esprit de responsabilité partagée. Les organisateurs rappellent qu’aucun ticket ne sera vendu : l’accès demeure gratuit, afin de garantir l’inclusivité chère au festival.
Échos des répétitions et attentes du public jeune
Depuis quelques jours, les répétitions résonnent dans le hall du Palais des congrès où Madera partage ses arrangements avec les groupes congolais Kongo Salsa et Tam-Tam sans frontières. Frankenstein Mayanda, batteur de la formation locale, se réjouit « d’une émulation artistique qui pousse chacun à élever son niveau d’exigence ». Plusieurs influenceurs culturels de la capitale, actifs sur les réseaux sociaux, relaieront l’événement en direct, dans un langage familier à la génération connectée, stimulant ainsi une audience au-delà des frontières.
À l’université Marien-Ngouabi, nombre d’étudiants perçoivent ce concert comme une opportunité d’enrichir leur culture musicale tout en mesurant l’importance du soft power dans un monde globalisé. Angèle Ntouka, étudiante en sociologie, estime que « ces échanges démontrent que la jeunesse congolaise peut s’approprier des répertoires extérieurs sans renoncer à ses identités ». Cette perspective rejoint l’ambition des autorités qui encouragent, depuis plusieurs années, la création d’incubateurs culturels capables de professionnaliser les talents émergents.
Au-delà du spectacle, un message de fraternité
En inscrivant un concert caritatif à Kombé dans la programmation officielle, le Fespam rappelle que la musique est d’abord un langage du cœur. Le gouvernement congolais, par la voix du ministre de la Jeunesse et des Sports, a salué « une démarche qui épouse la vision d’un Congo où l’art reste au service de l’humain ». À l’heure où de nombreuses nations redéfinissent leurs priorités budgétaires, cet engagement réaffirme la place centrale de la culture dans les politiques publiques nationales.
La venue de Madera ouvre aussi la voie à des résidences croisées, déjà envisagées pour l’édition 2025, entre orchestres symphoniques bolivariens et académies musicales congolaises. Un tel horizon illustre la capacité du Fespam à fédérer des énergies autour d’une ambition partagée : faire de Brazzaville un laboratoire d’échanges, où chaque accord musical devient une note d’espoir. À Kombé, les enfants le savent déjà : les chansons de demain se composent à plusieurs, et leurs refrains n’ont pas de frontière.
Perspectives après les dernières notes
Lorsque les percussions de Madera s’éteindront dans la matinée du 24 juillet, subsistera un écho vibrant porteur de multiples promesses. Au-delà des photographies souvenirs, l’essentiel demeurera sans doute la conviction partagée que la culture, lorsqu’elle se met au service de la solidarité, décuple son pouvoir de transformation sociale. Les jeunes adultes du Congo-Brazzaville, nombreux à suivre l’événement, pourront mesurer que la mondialisation est aussi une chance lorsqu’elle se fonde sur l’estime mutuelle et le respect des identités.
Ainsi, le Fespam confirme son rôle de plateforme où se nouent des complicités artistiques et diplomatiques, sous le regard bienveillant des institutions nationales. En accueillant le Venezuela, Brazzaville salue un partenaire du grand Sud, renforçant ainsi la voix des peuples qui misent sur la créativité pour tracer leur avenir. Rendez-vous est déjà pris pour les prochaines partitions, celles qui, selon les mots de l’ambassadrice Suarez, « feront danser les cœurs et réfléchir les esprits, dans un même mouvement de fraternité ».