Un festival porté par les créatrices
À Brazzaville, le festival Mwassi poursuit sa cinquième édition en célébrant le talent des femmes derrière et devant la caméra. Au-delà des projections, l’événement se démarque par ses discussions publiques, invitant le public à questionner la place des créatrices dans les industries africaines.
Le 27 août, la salle de conférence du Programme des Nations unies pour le développement a servi d’arène à un panel intitulé « Dynamiques de genre et création cinématographique dans les contextes africains », point d’orgue d’une journée consacrée à l’analyse critique.
L’engagement affirmé du Pnud
Henry-René Diouf, représentant adjoint du Pnud-Congo, a ouvert les échanges d’une voix chaleureuse. Il a rappelé que l’égalité entre les sexes figure parmi les Objectifs de développement durable et a salué « une contribution capitale au progrès culturel et économique du pays ».
En associant son logo à la manifestation, l’agence onusienne affirme accompagner la stratégie nationale du genre, sans se substituer aux artistes mais en leur offrant un espace sécurisé pour débattre d’enjeux parfois sensibles.
Obstacles et résilience féminine
Autour de la table, quatre cinéastes et une actrice gabonaise ont partagé un constat : la route reste longue avant que les femmes obtiennent un accès équitable au financement, à la distribution et aux postes de décision.
Adriella Lou a décrit les pratiques de favoritisme et les avances insistantes qui barrent l’entrée des plateaux à de nombreuses comédiennes, avant d’asséner : « On ne brise pas les rêves d’une génération prête à se lever ».
Pour la réalisatrice-productrice Divana Cate, l’autocensure est une barrière redoutable. Elle observe que beaucoup intériorisent l’idée qu’un scénario porté par une femme trouvera moins de financeurs.
Son conseil résonne simplement : « Écrivez grand, même quand le budget paraît minuscule, car la vision attire la confiance ».
Le pouvoir symbolique de l’écran
L’écrivain et critique Emeraude Kouka a préféré déplacer la focale vers l’écran lui-même, lieu où se construisent ou se défont les imaginaires.
« Je ne distingue pas une création féminine d’une création masculine ; l’art est universel, mais l’accès doit l’être aussi », a-t-il lancé, déclenchant la réflexion sur le poids du regard dominant.
Aude May, réalisatrice et photographe, a renchéri en soulignant que la caméra peut aussi devenir outil de libération lorsque les personnes filmées contrôlent leur narration.
Elle recommande de « se connaître soi-même et de poser des choix fermes », afin de résister aux pressions visant à replier les héroïnes sur des archétypes.
Une nouvelle génération en marche
Razzia Lelahel, actrice-réalisatrice algérienne, a rappelé que la compétence prime sur le genre : « Au cinéma, il n’y a pas de sexe, seulement des angles de vue et des équipes capables de les porter ».
Dans la salle, des étudiants en audiovisuel de l’Institut national des arts et de la culture ont confirmé cette soif d’égalité, interrogeant les intervenantes sur les méthodes pour lever les freins financiers.
Les panélistes ont cité le réseautage, la coproduction régionale et des formations ciblées comme leviers, tout en appelant les diffuseurs africains à programmer plus d’œuvres féminines pour stimuler la demande.
Vers un horizon plus inclusif
En clôture, la directrice du festival, Pierre Man’s, a insisté sur la puissance de ces débats pour déconstruire des stéréotypes persistants.
Elle a rappelé que les pionnières du continent restent trop souvent invisibles dans les manuels, alors même qu’une nouvelle vague de cinéastes s’affirme et réclame sa place dans l’histoire du septième art africain.
Les conversations ouvertes à Mwassi se poursuivent cette semaine à Brazzaville, entre projections, ateliers et rencontres, avec l’ambition de transformer le cinéma en un véritable terrain d’égalité, d’inspiration et de développement pour la jeunesse.
