Brazzaville en mode rire XXL
Brazzaville a fait peau neuve le temps d’un long week-end : du 23 au 25 octobre 2025, l’Institut français du Congo s’est métamorphosé en capitale du fou rire pour la 18ᵉ édition du Festival tuSeo, placée sous le slogan prometteur « Rire en grand ».
Trois soirées sold-out ont enchaîné sketches, improvisations et one-man-shows, confirmant la place centrale d’un rendez-vous lancé en 2004 par Lauryathe Céphise Bikouta, pionnière qui a ouvert la première scène dédiée aux humoristes dans la sous-région d’Afrique centrale.
Cette 18ᵉ édition se voulait un pont intergénérationnel, réunissant vedettes confirmées et novices pétris d’envie, sous les applaudissements d’un public venu de tous les arrondissements, curieux de vérifier si l’humour congolais pouvait toujours casser internet autant qu’il le faisait sur les réseaux sociaux.
Line-up international et vibes locales
Sur scène, la Guyanaise Nenette a charrié son accent chantant, l’inclassable Gabonais Bregeand a dynamité les clichés, tandis que le Malien Garibou Fama jonglait avec l’autodérision panafricaine.
Le Congo n’était pas en reste : Jojo La Légende, Juste Parfait et l’infatigable Esther Bass ont prouvé que l’école brazzavilloise de la vanne reste une pépinière de punchlines prêtes à exporter la bonne humeur du fleuve aux scènes du monde.
Pour la promotrice, inviter la diaspora artistique fait rayonner Brazzaville. « Lorsque les talents étrangers partagent l’affiche, ils embarquent nos artistes, nos expressions et notre ville dans leurs valises », souligne-t-elle, reconnaissante envers les partenaires ayant permis d’assurer transports, logistique et cachets.
Ateliers, yoga du rire et skills 2.0
Le festival ne se limite pas aux projecteurs. Chaque après-midi, des ateliers d’écriture humoristique décortiquaient la mécanique du punch, à grand renfort d’exemples venus de TikTok, pour aider les aspirants créateurs à transformer un simple mème en blague scénique calibrée.
Un coaching dédié à la prise de parole en public a ensuite plongé les participants dans la gestion du trac, la respiration abdominale et le storytelling express, compétences de plus en plus demandées sur un marché de la communication dominé par la vidéo courte.
Moment le plus inattendu, l’atelier Yoga du rire a transformé la cour de l’I.f.c en salle de sport de la zygomatique. Sous les flamboyants, novices et habitués ont enlacé l’air, relâché les épaules et déclenché des fou-rires contagieux, gage d’une belle détente collective.
Un tremplin culturel durable
Depuis son passage au rythme annuel, tuSeo sert d’incubateur à une génération d’humoristes passant du stand-up intimiste aux festivals de grande envergure. Plusieurs alumni, à l’image de Saï Saï ou de Herman Amisi, enchaînent désormais plateaux télé et tournées en Afrique de l’Ouest.
Dans la salle, de jeunes spectateurs confiaient vouloir suivre la même trajectoire. « Le festival nous montre que la blague peut devenir un métier sérieux, avec des contrats et un impact social », glisse Kevin, 21 ans, étudiant en commerce, téléphone rivé sur Instagram.
Les services culturels de l’ambassade de France, partenaires historiques, mettent en avant la diplomatie du rire : « Le rire crée des ponts invisibles que la politique seule ne peut bâtir », résume un attaché, convaincu qu’un artiste qui fait salle comble inspire autant qu’un sportif médaillé.
Cap sur 2026 : ambitions et impacts
Clap de fin le 25 octobre, mais déjà, l’équipe projette l’édition 2026. Objectif annoncé : renforcer la formation, inviter davantage d’humoristes féminines et installer une scène open-air sur la corniche, histoire de marier coucher de soleil, brise du fleuve et punchlines affûtées.
Autre ambition : développer le versant européen, après les escales réussies à Mantes-la-Jolie, Paris et Rouen. « Exporter tuSeo, c’est exporter une vision congolaise de la joie », assure Bikouta, persuadée que l’hexagone offre un terrain fertile pour le stand-up afrodescendant.
Les organisateurs envisagent également un programme d’inclusion numérique : captations en direct, sous-titres interactifs et distribution sur WhatsApp pour toucher les zones où le théâtre reste inaccessible. De quoi répondre aux attentes d’une jeunesse mobile-first qui consomme la culture comme elle scrolle son fil d’actualité.
Derrière les éclats de rire, tuSeo contribue sérieusement à l’économie créative de Brazzaville. Hôtels pleins, vendeurs ambulants ravis et artisans du son ou de la lumière embauchés : en trois jours, le festival dope l’activité d’un quartier entier et renforce la chaîne de valeur culturelle.
À l’heure où le gouvernement encourage l’entrepreneuriat artistique, cet exemple démontre qu’un projet durable peut grandir sans renoncer à ses racines. Si l’édition 2025 a valu à Brazzaville un grand sourire, l’édition prochaine pourrait bien lui offrir un rire encore plus contagieux.
En coulisses, les sponsors constatent un retour sur image immédiat. Les marques de boissons gazeuses se sont associées à des challenges TikTok diffusés depuis la pelouse de l’I.f.c, générant des milliers de vues et prouvant que le marketing d’influence se marie parfaitement avec le rire live.
Rendez-vous donc en octobre prochain pour vérifier si le rire peut, une nouvelle fois, dépasser les décibels des vuvuzelas brazzavilloises.