Une cartographie des paiements ouest-africains en mutation rapide
Le 25 juin 2025, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest a publié une mise à jour de son registre officiel des établissements de paiement. Trois nouveaux venus – INTOUCH Guinée-Bissau, SAMIR Money Sénégal SA et INTOUCH Togo – rejoignent un club déjà riche de structures ivoiriennes, maliennes, nigériennes, burkinabè et sénégalaises. Le nombre total d’agréments délivrés depuis janvier atteint désormais quinze, seuil symbolique qui signale, selon le professeur Amadou Faye de l’Université Cheikh-Anta-Diop, « le basculement d’un modèle bancaire classique vers un écosystème de plateformes à haute valeur technologique ».
Les trajectoires fulgurantes d’INTOUCH et de SAMIR Money
Si l’on scrute les nouveaux lauréats, deux noms reviennent avec insistance. Le groupe sénégalais INTOUCH, déjà présent à Dakar, Bamako et Ouagadougou, étend simultanément ses activités à Bissau et à Lomé. Son cofondateur, Omar Cissé, souligne que « la combinaison d’un back-office mutualisé et de partenariats locaux réduit drastiquement le coût d’entrée sur de nouveaux marchés ». SAMIR Money, pour sa part, devient le cinquième établissement de paiement agréé au Sénégal en 2025. Cette densité témoigne de la vivacité d’un marché où l’ingénierie logicielle se conjugue avec un ancrage communautaire fort, indispensable pour convertir la population non bancarisée.
Un vecteur d’inclusion financière mesurable
Dans son communiqué, la BCEAO rappelle que près de 53 % des citoyens de l’UMOA utilisaient déjà des services financiers numériques fin 2024. Les nouveaux agréments visent à consolider cette tendance, tout en sécurisant les mécanismes de lutte contre le blanchiment et le financement illicite. Pour l’économiste béninois Mireille Gbaguidi, « la régulation agit comme un label de confiance auprès des investisseurs internationaux, ce qui accroît la taille des tours de table et accélère la création d’emplois qualifiés ».
Échos et opportunités pour la jeunesse congolaise
Depuis Brazzaville, beaucoup d’entrepreneurs observent cette dynamique avec intérêt. Le Congo-Brazzaville appartient à la zone CEMAC, mais les défis restent similaires : coût élevé des transactions, prédominance du cash et faible accès des TPE au crédit. Pour le développeur congolais Christ Banzouzi, la démarche de la BCEAO « montre que l’harmonisation régionale n’est pas un mirage ; elle peut servir de boussole pour structurer un cadre qui attire des capitaux et des talents locaux ». À l’heure où plusieurs start-up brazzavilloises testent des solutions de paiement mobile, l’expérience ouest-africaine offre un laboratoire grandeur nature pour concevoir des passerelles entre zones monétaires.
Perspectives transfrontalières et exigences de gouvernance
L’expansion des fintechs soulève cependant des défis. La supervision doit composer avec la rapidité des innovations, tandis que la résilience des infrastructures numériques devient une question de souveraineté. Le gouverneur de la BCEAO a insisté sur « l’obligation de conformité et de protection des données des usagers », point qui résonne particulièrement dans un contexte de cyberattaques en hausse. Pour la CEMAC comme pour l’UMOA, l’enjeu est de bâtir des ponts plutôt que des bastions : interopérabilité des systèmes de paiement, normalisation des protocoles de sécurité et stimulation d’une concurrence loyale. S’il est relevé, ce défi pourrait catalyser une croissance inclusive où la jeunesse congolaise, forte de sa créativité numérique, trouverait un terrain d’expression et de prospérité.