Brazzaville se prépare à accueillir un laboratoire panafricain de solidarité
Dans les salons feutrés du ministère de la Promotion de la femme et de l’économie informelle, l’annonce a résonné comme une promesse d’avenir: du 20 au 24 janvier 2026, Brazzaville deviendra l’épicentre continental de l’économie sociale et solidaire. Sous l’impulsion de la ministre Ines Nefer Ingani, les travaux préparatoires du deuxième Forum africain de l’Économie sociale et solidaire ont été officiellement lancés le 9 juillet 2025. Au-delà de la simple organisation logistique, l’enjeu est d’inscrire le Congo dans la cartographie des capitales africaines capables de conjuguer inclusion, entrepreneuriat et innovation sociale.
Le choix de Brazzaville n’est pas fortuit. Capitale stratégique traversée par le fleuve Congo, la ville offre un carrefour culturel et économique propice au dialogue. «Nous voulons faire de ce forum un espace d’intelligence collective où chaque délégation pourra repartir avec des solutions concrètes», confie une source proche du comité d’organisation, soulignant la volonté gouvernementale de promouvoir des modèles alternatifs de développement adaptés aux réalités africaines.
Un levier pour l’emploi informel et l’autonomisation féminine
Dans un pays où le secteur informel représente plus de la moitié des emplois urbains, l’économie sociale et solidaire apparaît comme une voie d’émancipation. La ministre Ingani ne cesse de rappeler que l’inclusion des femmes constitue un axe cardinal de la politique publique. Selon elle, les coopératives féminines et les associations de micro-crédit local démontrent déjà leur capacité à générer des revenus stables tout en renforçant la cohésion communautaire.
Cette perspective rejoint les conclusions de la 110e Conférence internationale du travail, qui a reconnu l’économie sociale et solidaire comme vecteur de “travail décent” (Organisation internationale du travail). En inscrivant ces principes dans sa feuille de route, le Congo poursuit une trajectoire de résilience économique sans renier les engagements pris au niveau multilatéral.
Partenariats stratégiques: l’État et l’OIT en synergie constructive
L’organisation de la deuxième édition du Fora’ess repose sur une alliance tripartite. Le gouvernement congolais, l’Organisation internationale du travail et la présidence du forum, assurée par l’entrepreneur sénégalais Malick Diop, conjuguent leurs expertises pour donner corps à cet événement. À l’instar des précédents sommets sous-régionaux, la méthodologie participative consiste à impliquer à la fois ministères techniques, collectivités locales et réseaux associatifs.
«L’écosystème doit être pensé comme une chaîne de valeur complète, depuis la formation jusqu’à l’accès au marché», explique Malick Diop, rappelant que l’enjeu central est de transformer les initiatives dispersées en véritables grappes d’entreprises solidaires. Pour les jeunes porteurs de projets, cette approche ouvre des perspectives de mentorat, de financement et de visibilité panafricaine.
Marché Fora’ess: vitrine des initiatives congolaises
Parallèlement aux conférences, un «Marché Fora’ess» sera adossé à la manifestation. Pensé comme un carrefour commercial et culturel, il réunira artisans, start-ups vertes, coopératives agricoles et fintechs inclusives. Les visiteurs pourront y découvrir des produits locaux certifiés éthiques, du cacao nord-congolais aux applications mobiles facilitant la traçabilité des chaînes d’approvisionnement.
Au-delà de l’aspect marchand, cette plateforme constituera un observatoire grandeur nature des innovations sociales du pays. Les initiateurs espèrent générer des synergies immédiates entre créateurs congolais et investisseurs étrangers, tout en valorisant des savoir-faire souvent méconnus du grand public.
Un agenda dense entre ateliers et diplomatie économique
Durant cinq jours, la programmation s’annonce particulièrement dense. Des ateliers techniques aborderont la formalisation des entreprises communautaires, la gestion numérique des tontines ou encore le financement climatique des projets ruraux. Les sessions plénières, quant à elles, donneront la parole à des décideurs publics, chercheurs et représentants syndicaux pour questionner la durabilité des modèles émergents.
Moment fort attendu, la table ronde ministérielle réunira plusieurs portefeuilles africains de l’Emploi, des Finances et de la Jeunesse. Objectif: harmoniser les cadres législatifs favorisant la création d’emplois verts et solidaires sur le continent. Une déclaration finale devrait consacrer l’engagement des États signataires à soutenir l’entrepreneuriat social, en cohérence avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Vers une nouvelle boussole pour la résilience des jeunes
Pour la génération qui entre dans la vie active, l’économie sociale et solidaire offre une alternative crédible entre salariat classique et informel précaire. Les incubateurs universitaires brazzavillois s’en saisissent déjà, misant sur des projets hybrides mêlant impact communautaire et viabilité financière. Le Forum servira de caisse de résonance à ces initiatives, tout en leur permettant de s’inscrire dans des chaînes de valeur régionales.
En définitive, la tenue du Fora’ess à Brazzaville participe d’une dynamique plus large de diversification économique engagée sous l’impulsion des autorités nationales. En érigeant la solidarité en principe de gouvernance économique, le Congo affirme son ambition d’innover sans laisser personne à la marge. Janvier 2026 devrait ainsi marquer l’étape décisive où la jeunesse congolaise, férue de solutions technologiques et sociales, trouvera une scène à la mesure de ses attentes et de son talent.