Brazzaville sur la carte des économies solidaires
La nouvelle est tombée comme une bourrasque tropicale : du 20 au 24 janvier 2026, Brazzaville deviendra la capitale africaine de l’économie sociale et solidaire. En hébergeant la deuxième édition du Forum africain de l’économie sociale et solidaire, plus connu sous l’acronyme Fora’ess, la cité des trois rivières place le Congo au cœur d’un débat mondial sur la résilience socio-économique. Pour la jeunesse congolaise, souvent en quête d’espaces d’expression et d’opportunités professionnelles, l’évènement ressemble à une rampe de lancement vers des modèles d’affaires plus inclusifs.
Un levier de croissance inclusive
Le président du forum, Malick Diop, défend l’idée selon laquelle l’économie sociale et solidaire n’est pas une utopie philanthropique, mais un « levier fondamental susceptible de booster le développement durable en Afrique ». Derrière la formule, se lit une conviction appuyée par de récents rapports onusiens soulignant que les coopératives représenteraient déjà 10 % des emplois formels sur le continent (ONU, 2024). L’approche n’est donc pas marginale : elle absorbe des pans entiers du secteur informel et garantit une répartition plus équilibrée des revenus, tout en restant compatible avec les priorités macro-économiques nationales.
Les préparatifs, laboratoire d’innovation
En coulisse, les travaux préparatoires menés jusqu’au 10 juillet 2025 ressemblent à un véritable laboratoire d’innovation institutionnelle. Coopératives, mutuelles, fondations, associations régies par la loi de 1901, chercheurs, collectivités locales, administrations publiques et organisations internationales planchent sur les commissions thématiques, la logistique et la programmation scientifique. Le comité local d’organisation, installé à Brazzaville, s’est engagé à privilégier un format participatif afin d’éviter l’écueil des conférences descendantes. Cette méthodologie, inspirée des forums citoyens nord-européens, témoigne de la volonté congolaise d’inscrire l’évènement dans la co-construction.
La jeunesse congolaise au cœur des attentes
L’économie sociale et solidaire offre une alternative crédible à la précarité juvénile. Selon le ministère de la Promotion de la Femme, de l’Intégration de la femme au développement et de l’Économie informelle, près de 60 % des porteurs de micro-projets soutenus par les programmes publics sont âgés de moins de 35 ans. « L’économie sociale est une source de création d’emplois durables, d’innovation et de renforcement du lien social », a rappelé la ministre Inès Nefer Ingani Voumbo-Yalo, saluant la capacité des jeunes à conjuguer esprit d’entreprise et solidarité. De fait, les start-ups congolaises spécialisées dans l’agro-transformation, l’artisanat numérique ou la finance participative voient dans Fora’ess une vitrine pour attirer investisseurs patients et partenaires techniques.
Des retombées diplomatiques et économiques attendues
Au-delà des échanges académiques, l’impact diplomatique du forum n’échappe à personne. Brazzaville, forte d’une tradition d’hospitalité internationale, consolide son image de capitale de la paix et du dialogue. Les retombées économiques directes – hôtellerie, restauration, transports – sont estimées à plusieurs milliards de francs CFA par la Chambre de commerce de Brazzaville. Surtout, la mise en réseau des acteurs économiques solidaires devrait déboucher sur des partenariats inter-pays, renforçant l’intégration régionale prônée par l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Vers janvier 2026, une dynamique continentale
À six mois de l’ouverture des portes du Palais des congrès, le chronomètre tourne mais la mobilisation ne faiblit pas. Les sous-thèmes arrêtés – financement éthique, transition écologique, inclusion numérique, gouvernance coopérative – balisent un programme ambitieux, aligné sur les Objectifs de développement durable. Les organisateurs insistent sur la dimension panafricaine : chaque délégation nationale devra présenter au moins un projet reproductible dans un autre contexte géographique. En toile de fond, se dessine l’espoir qu’un écosystème continental, moins vulnérable aux chocs exogènes, puisse émerger à partir de l’énergie collective rassemblée à Brazzaville.
Un pari de résilience à l’échelle congolaise
Il serait réducteur de lire Fora’ess simplement comme un évènement. Pour le Congo, il s’agit d’un test grandeur nature de sa capacité à orchestrer une diplomatie économique fondée sur la solidarité et l’innovation. La résilience post-pandémique du pays, illustrée par la stabilité de ses indicateurs macro-financiers, trouve ici un prolongement stratégique. En dotant les coopératives locales d’un cadre réglementaire modernisé et d’accès facilités au crédit, les autorités entendent capitaliser sur l’élan du forum pour consolider les acquis de la diversification économique. Si le pari est relevé, la jeunesse congolaise pourrait bien devenir l’aiguillon d’une croissance inclusive, irradiant au-delà des berges du fleuve Congo.