Un cadre juridique en quête d’effectivité
Promulgué en juillet 2020, le Code forestier congolais ambitionne de hisser la gestion des forêts au rang de modèle africain. L’article 15 consacre le droit des communautés locales et des populations autochtones à être consultées avant toute activité d’exploitation, tandis que le chapitre VI détaille les mécanismes de partage des bénéfices. Sur le papier, la République du Congo épouse ainsi les standards internationaux défendus par l’Initiative pour la gouvernance forestière et les principes REDD+.
Dans les salles de cours d’université comme dans les réunions ministérielles, la question n’est plus de savoir s’il faut impliquer les riverains, mais comment concrétiser cette participation. Le ministère de l’Économie forestière rappelle régulièrement « la nécessité de transformer la loi en pratiques tangibles », posture saluée par plusieurs organisations de la société civile. Toutefois, la mise en conformité reste lente, en particulier dans les départements de la Lékoumou et du Kouilou où l’activité forestière est soutenue.
Le CLIP, pivot d’une participation communautaire sincère
Le consentement libre, informé et préalable, plus connu sous l’acronyme CLIP, est le cœur battant d’une gouvernance forestière inclusive. Il exige que les communautés disposent de toutes les informations – techniques, économiques et environnementales – avant de donner leur accord à un projet. « Sans CLIP effectif, il n’y a pas de projet légitime », souligne Fabrice Kimpounou, chef du programme Forêt, Gouvernance, Marché et Climat à la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH).
Dans la pratique, des témoignages recueillis à Madingou et à Hinda montrent encore des consultations expéditives, souvent réduites à la signature d’un procès-verbal rédigé en français juridique, langue parfois peu maîtrisée par les interlocuteurs. Certains chefs de village confient « n’avoir jamais vu les études d’impact ». Le gouvernement, conscient de ces faiblesses, a lancé en 2023 des ateliers de vulgarisation du CLIP destinés aux autorités préfectorales et aux concessionnaires. Ces sessions doivent se poursuivre en 2024 afin de résorber le déficit d’information.
Entre ambitions diplomatiques vertes et réalités locales
La diplomatie climatique du Congo, portée par le président Denis Sassou Nguesso depuis le Sommet des trois bassins forestiers, a projeté le pays au centre de la scène environnementale. Les engagements pris lors de la COP26 pour réduire la déforestation ont suscité l’adhésion de partenaires tels que la Norvège et le Royaume-Uni. Sur le terrain, toutefois, la concurrence entre besoins de développement et impératifs climatiques complexifie l’application des normes.
Les autorités provinciales soulignent le rôle stratégique du bois dans la diversification économique. Le secteur emploie officiellement plus de 30 000 personnes et injecte près de 5 % du PIB hors pétrole. Cette importance économique explique certaines tensions : entre l’urgence d’attirer les investisseurs et l’obligation de respecter les droits des populations, l’équilibre reste délicat. « Nous devons éviter d’opposer développement et durabilité », prévient un ingénieur des Eaux-et-Forêts de Pointe-Noire, plaidant pour un dialogue permanent.
Les attentes de la jeunesse congolaise face aux promesses du secteur forestier
Pour les 20-35 ans, souvent formés à l’université Marien Ngouabi ou en écoles spécialisées, la forêt représente à la fois un fabuleux laboratoire d’innovations vertes et un gisement d’emplois. Nombre d’entre eux souhaitent s’engager dans la transformation locale du bois ou l’écotourisme, pour peu que les retombées économiques soient équitables. D’après une enquête menée auprès de 300 étudiants en sciences de l’environnement, 72 % estiment que le CLIP pourrait accélérer la création d’entreprises communautaires si les fonds de développement local étaient débloqués plus rapidement.
Les jeunes leaders associatifs encouragent également une plus grande transparence budgétaire. La plateforme numérique « Forêt-Jeunesse » mise en ligne l’an dernier compile désormais les cahiers des charges sociaux des concessions. Cette initiative, soutenue par le ministère de la Jeunesse, montre qu’un partenariat constructif entre État, entreprises et société civile est possible, pour peu que l’information circule.
Perspectives : convertir la norme en bénéfice partagé
La récente note d’évaluation publiée par la RPDH, avec l’appui de Fern et le soutien financier de la FCDO et de NORAD, dresse un tableau nuancé : progrès réglementaires incontestables, mais implementation inégale. Ses recommandations – renforcement des contrôles mixtes, traduction des documents-clés en langues locales, publication semestrielle des bénéfices redistribués – rejoignent les priorités du gouvernement pour 2024.
À l’heure où le Congo souhaite consolider son image de “pays-solution” face au réchauffement climatique, la matérialisation du CLIP pourrait devenir l’argument le plus convaincant pour les bailleurs internationaux. En donnant aux communautés une place authentique dans la chaîne de décision, le pays gagnerait un double dividende : apaiser les tensions locales et valoriser une diplomatie verte déjà reconnue. Et si le CLIP passait, enfin, du statut d’acronyme technique à celui de contrat moral partagé ?