Une scène de dialogue multipartite à Brazzaville
Pendant deux jours, l’hôtel Michaël de Brazzaville a vibré au rythme d’échanges intenses autour des forêts congolaises. Dans une atmosphère empreinte de courtoisie institutionnelle, une quarantaine de représentants de ministères techniques, d’organisations de la société civile, d’entreprises forestières ainsi que de communautés locales et autochtones se sont retrouvés sous l’égide de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme et de l’Observatoire congolais des droits de l’homme. Leur ambition, affichée dès l’ouverture, tenait en une formule limpide : « renforcer les synergies pour une gouvernance inclusive des forêts et du climat ». Une ambition que partage volontiers la jeunesse congolaise soucieuse de préserver un patrimoine devenu à la fois poumon économique, culturel et climatique.
Le code forestier comme boussole juridique
Adopté en 2020 et salué comme l’un des textes les plus complets de la sous-région, le code forestier constitue aujourd’hui la pierre angulaire de la politique nationale de gestion durable des forêts. Les intervenants, qu’ils soient issus de l’administration ou des ONG, ont rappelé que ce corpus législatif ne se limite pas à fixer des quotas d’exploitation ; il consacre également la participation des communautés locales, la valorisation des services écosystémiques et l’obligation de transparence des opérateurs privés. Pour Nina Cynthia Kiyindou Yombo, directrice exécutive de l’O.C.D.H., « l’enjeu est de passer du texte à la pratique, en mobilisant chaque acteur sur sa part de responsabilité ». En coulisses, plusieurs cadres du Ministère de l’Économie forestière soulignaient la dynamique déjà engagée autour des textes d’application, considérés comme la clef de voûte d’une mise en œuvre crédible.
Jeunesse et économie verte : un enjeu générationnel
Au-delà des considérations juridiques, les débats ont fait émerger un questionnement crucial pour les 20-35 ans : comment transformer le potentiel forestier en opportunités concrètes d’emploi et d’entrepreneuriat ? Plusieurs jeunes universitaires, conviés en qualité d’observateurs, ont plaidé pour une intensification des formations dans les métiers de la cartographie numérique, de la certification environnementale et de la transformation locale du bois. « Nous voulons être acteurs, pas seulement spectateurs d’audits et de rapports », a lancé une étudiante en géomatique, saluée par les applaudissements. Du côté gouvernemental, l’idée d’un incubateur dédié à l’économie verte commence à faire son chemin, soutenue par des partenaires techniques internationaux.
Les recommandations, moteur d’un consensus progressif
Fidèle à l’esprit constructif qui a animé le forum, la plénière finale a accouché d’un faisceau de recommandations convergentes. L’administration est invitée à accélérer l’adoption des textes de mise en œuvre du code forestier, à actualiser la grille de légalité A.P.V./FLEGT et à veiller au respect du consentement libre, informé et préalable des communautés. Le secteur privé est appelé à redoubler d’efforts dans la validation de ses plans d’aménagement, gage d’une exploitation responsable. La société civile, quant à elle, entend consolider ses relais locaux pour suivre au plus près l’impact des activités forestières sur la biodiversité et les droits socio-économiques des populations. Dans la bouche de Christian Mounzéo, coordinateur de la R.D.P.H., « le plus difficile commence maintenant : traduire l’accord de principe en actions mesurables et suivies ». Un constat qui n’exonère personne, mais qui souligne la responsabilité partagée d’une gouvernance en mouvement.
Entre attentes locales et engagements internationaux
Le Congo-Brazzaville, membre actif du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo et signataire de l’Accord de Paris, se trouve à la croisée des chemins. D’un côté, la pression internationale pour limiter la déforestation s’intensifie, notamment à travers de nouveaux règlements européens sur les chaînes d’approvisionnement exemptes de déforestation. De l’autre, les attentes des communautés vivant au cœur des massifs forestiers se font plus pressantes : accès à l’information, indemnisation juste des cultures détruites, recrutements locaux. Face à cette double exigence, la stratégie nationale redessinée autour du code forestier apparaît comme un compromis dynamique, capable de préserver la souveraineté du pays tout en satisfaisant les standards globaux. Les acteurs du forum l’ont rappelé : la crédibilité environnementale du Congo renforce son attractivité pour les financements climatiques, essence même d’une relance post-pétrole anticipée par la jeunesse.
Perspectives d’une gouvernance inclusive
Au terme des discussions, un sentiment dominant se dégage : l’heure n’est plus aux diagnostics mais à la mise en musique des engagements. Le comité interministériel d’aménagement du territoire, réactivé récemment, devra articuler ses travaux avec ceux des plateformes de la société civile pour garantir une approche concertée. Les entreprises forestières, pour leur part, multiplient les annonces de certification et investissent dans le numérique pour rendre traçables leurs flux de bois. La jeunesse, enfin, trouve dans cette dynamique un espace inédit d’innovation, que ce soit par des start-up de suivi satellitaire ou des coopératives de produits forestiers non ligneux. Si les défis demeurent réels, ils sont désormais circonscrits par une feuille de route claire : le respect des dispositions du code forestier, considéré comme un contrat social entre la nation et son patrimoine forestier. Dans cette équation, chaque acteur joue sa partition, et le forum de Brazzaville aura, à tout le moins, accordé les instruments.