Bruxelles en vitrine diplomatique pour la forêt congolaise
À quelques encablures du quartier européen, la chancellerie de la République du Congo a récemment fait figure de poumon vert symbolique. Sous l’égide de l’ambassadeur Léon Raphaël Mokoko, diplomates, chercheurs, entrepreneurs et représentants d’organisations non gouvernementales ont débattu des défis qui cernent le deuxième massif forestier tropical de la planète. L’initiative, appuyée par les fondations Forest Future et Kara Nature, illustre l’usage croissant des capitales européennes comme tremplins de plaidoyer environnemental pour l’Afrique centrale.
Le thème retenu, « Dialogue sur le futur des forêts », ne relevait pas d’une incantation rhétorique ; il s’agissait de confronter, dans un même espace, expertise scientifique, retours de terrain et instruments financiers innovants. Pour les organisateurs, cette synergie devait d’abord consolider l’idée que la sauvegarde des forêts du bassin du Congo ne peut plus être cantonnée aux déclarations, mais doit désormais se traduire par des coopérations mesurables et des financements calibrés.
Une convergence d’acteurs entre science et diplomatie
Aux côtés des diplomates congolais, les représentants de la Fondation Fanyatu Bukavu, de la Réserve stratégique générale de la République démocratique du Congo ainsi que des experts du tourisme mondial ont repositionné la forêt comme capital naturel commun. Les présentations ont mis en lumière la complémentarité des approches : les données satellitaires s’allient aux savoirs endogènes, tandis que la diplomatie climatique sert de courroie de transmission entre gouvernements et communautés locales. L’ambassade s’est ainsi imposée comme plateforme d’une écopolitique transversale, dépassant la logique classique d’une simple représentation bilatérale.
Le Fonds Bleu et la Décennie mondiale de l’afforestation, leviers structurants
Dans son propos liminaire, l’ambassadeur Mokoko a rappelé la genèse du Fonds Bleu pour le bassin du Congo, signé en 2017 sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso. Cet instrument multilatéral, qui fédère douze États, vise à orienter les financements vers des projets sobres en carbone et socialement inclusifs. Renforcée par la récente résolution onusienne proclamant 2027-2036 « Décennie mondiale de l’afforestation », la stratégie congolaise entend conjuguer leadership régional et ambition planétaire.
À Bruxelles, plusieurs intervenants ont estimé qu’une telle chronologie politique offrait un agenda stable aux investisseurs, aux universités et aux agences de développement. Elle fournit aussi un narratif mobilisateur pour la jeunesse, soucieuse d’inscrire son engagement dans des cadres institutionnels pérennes.
Former la jeunesse congolaise aux métiers de la finance carbone
Le constat le plus récurrent fut celui d’un déficit de compétences adaptées à la sophistication des marchés carbone. Pour y répondre, l’idée d’un programme de formation conjoint entre l’Université Marien-Ngouabi de Brazzaville et des institutions académiques du Nord a été avancée. L’objectif est clair : doter le Congo d’ingénieurs capables d’auditer, de certifier et de valoriser les crédits issus de la séquestration forestière.
« Nos étudiants doivent manier aussi aisément la télédétection que l’analyse financière », a plaidé un chercheur congolais présent dans la salle. Une telle montée en gamme des savoir-faire permettra, selon lui, d’éviter la fuite de valeur ajoutée et d’ancrer les bénéfices de la finance verte au sein même des communautés riveraines de la forêt.
Vers une gouvernance écologique partagée et inclusive
Armand Guy Zounguere-Sokambi, président de la fondation Kara Nature, a insisté sur la nécessité d’une gouvernance écologique « partagée, cohérente et solidaire ». Selon lui, la protection des corridors écologiques et des zones humides transfrontalières ne peut réussir qu’à la faveur d’une architecture institutionnelle régionale, où ONG, universités et États tissent des alliances stratégiques. La proposition de faire des aires protégées des « ponts de paix » résonne particulièrement dans une sous-région parfois fracturée par des enjeux sécuritaires.
Les participants ont d’ailleurs souligné qu’une gouvernance inclusive réduit la tentation de l’exploitation illégale du bois en offrant aux communautés des alternatives économiques crédibles. Le défi consiste alors à équilibrer souveraineté nationale et intérêt collectif, afin que la justice climatique ne soit pas seulement un slogan, mais une dynamique partagée.
Technologies de suivi forestier, un saut nécessaire
Les sessions consacrées à la télédétection ont rappelé que l’intégrité des puits de carbone dépend étroitement de la qualité des outils de monitoring. Les startups africaines, dont certaines sont incubées à Kinshasa et Douala, proposent des solutions qui croisent images satellites haute résolution et intelligence artificielle pour détecter en temps quasi réel les déboisements. En croisant ces données avec les registres fonciers, il devient possible de cartographier les responsabilités et d’orienter les contrôles.
Plusieurs intervenants européens ont reconnu le potentiel d’un tel écosystème technologique, tout en soulignant la nécessité d’investissements initiaux substantiels. Des partenariats public-privé sont envisagés pour mutualiser les coûts, accélérer le transfert de compétences et sécuriser les données, facteur critique dans la définition des crédits carbone.
La jeunesse, pivot d’un modèle économique renouvelé
Si un fil conducteur se dégage de la rencontre bruxelloise, c’est bien la centralité de la jeunesse africaine. À travers la création de filières diplômantes, l’émergence de hubs technologiques et l’appropriation des instruments financiers verts, les moins de 35 ans occupent une position stratégique. Offrir à cette génération les moyens d’agir, c’est garantir la soutenabilité des politiques déjà amorcées par les décideurs.
En clôturant les travaux, l’ambassadeur Mokoko a appelé à « une diplomatie environnementale offensive, mais apaisée », combinant expertise locale et réseaux internationaux. Pour les jeunes adultes congolais, cette vision ouvre des perspectives professionnelles dans lesquelles la protection de la forêt n’est plus antagoniste au développement, mais en constitue le socle. L’enjeu, désormais, est de transformer l’élan de Bruxelles en programmes concrets, ancrés à Brazzaville comme dans l’ensemble du bassin du Congo.