Un doublement des frais sous la loupe
La décision d’augmenter les droits d’inscription à l’université Marien-Ngouabi a pris de court nombre de bacheliers qui préparent leur première rentrée. D’un seul coup, le passage en licence coûte 21 000 francs CFA, soit le double des 10 500 francs pratiqués l’an dernier.
Le master passe de 31 000 à 50 000 francs, et le doctorat atteint désormais 100 000 francs. Pour une partie des 45 000 étudiants inscrits, cette hausse chamboule les prévisions budgétaires familiales dans un contexte où la bourse d’État arrive parfois avec retard.
La réforme, officialisée par un arrêté ministériel publié fin juillet, regroupe différents frais naguère dispersés : carte d’étudiant, quittances de bibliothèque, timbres pour la légalisation de diplômes. La direction assure que l’utilisateur paiera moins de démarches annexes au guichet durant l’année académique.
Mais sur les bancs, la perception reste que l’effort se concentre sur les ménages. « La majorité dépend de parents fonctionnaires ou du petit commerce », rappelle Olga M., étudiante en troisième année de droit, qui craint une multiplication des abandons avant même le début des cours.
Des justifications budgétaires avancées
Interrogé, le vice-recteur chargé des finances souligne que l’université publique reçoit une subvention annuelle couvrant essentiellement les salaires, mais pas toujours les besoins pédagogiques tels que les licences logicielles ou la maintenance des amphithéâtres. L’ajustement des frais représente, selon lui, « une contribution solidaire ».
Les services financiers avancent que la part des inscriptions n’excédait pas 4 % du budget global, contre une moyenne de 15 % dans plusieurs pays d’Afrique centrale. L’objectif serait d’atteindre 8 % d’ici 2026, sans cesser de négocier des partenariats avec des bailleurs.
Du côté du ministère de l’Enseignement supérieur, on rappelle que la dépense publique étudiante inclut aussi les chantiers en cours : rénovation du campus de Makoua, extension de la fibre optique et dotation progressive en ordinateurs pour les bibliothèques. Le calibrage financier actuel tiendrait compte de ces engagements.
L’Association congolaise des parents d’étudiants juge néanmoins que les hausses de frais devraient être accompagnées d’un calendrier clair de mise à disposition des bourses. « Les familles ont besoin de visibilité », insiste son président, espérant une concertation tripartite dans les prochaines semaines.
Réactions contrastées dans la communauté estudiantine
Sur le campus central, les discussions se tiennent surtout autour des guérites de chargement de téléphones. Certains estiment qu’un service administratif mieux digitalisé compenserait la dépense ; d’autres redoutent que l’effort ne serve qu’à payer des travaux d’embellissement sans impact direct sur la qualité des cours.
Les représentants syndicaux, pour l’instant, observent une trêve. Ils disent attendre la publication complète des lignes budgétaires avant de consulter leurs bases. « Il n’est pas question de mobiliser sans connaître tous les chiffres », résume Brice Mbika, secrétaire général d’un des collectifs étudiants les plus suivis.
En attendant, des groupes informels s’organisent sur WhatsApp pour partager des astuces de paiement échelonné ou de demandes de bourse exceptionnelle. Des tutoriels circulent, expliquant comment regrouper plusieurs frais sur un seul ordre de virement afin de réduire les commissions bancaires appliquées.
Certains enseignants y voient l’occasion de renforcer le dialogue pédagogique. « Nous pouvons, par des projets tutorés, aider les étudiants à budgétiser leur parcours », suggère le sociologue Arsène Okana. Il plaide pour des modules de littératie financière intégrés dès la première année.
Enjeux plus larges pour l’enseignement supérieur
La controverse brazzavilloise intervient alors que plusieurs États africains examinent également la question du financement universitaire. Au Sénégal, la contribution annuelle vient d’être réévaluée, et au Rwanda, un prêt-bourse flexible a été institué pour réduire la pression sur le trésor public.
Pour le Congo, l’enjeu est aussi académique : la commission nationale de reconnaissance des diplômes recommande depuis 2020 de moderniser les laboratoires et de réduire les effectifs par classe. Les ressources générées localement peuvent peser dans la balance lors des appels à projets internationaux.
À moyen terme, des économistes estiment qu’une hausse réaliste des frais peut améliorer le positionnement de l’université dans les classements régionaux, à condition qu’elle s’accompagne de bilans publics réguliers. La transparence est devenue un critère majeur pour les agences d’accréditation et les partenaires techniques.
Les prochains jours seront donc scrutés. Si une concertation tripartite se confirme, la rentrée pourrait se dérouler sans perturbation notable. Dans le cas contraire, certains redoutent des mouvements d’humeur, tandis que d’autres parient sur le sens de la responsabilité montré par les parties prenantes.
En définitive, la question des droits d’inscription illustre la recherche d’un équilibre entre accessibilité et exigence de moyens pour offrir un enseignement de qualité. Le débat ouvert à Marien-Ngouabi pourrait servir de laboratoire, dans l’espoir de solutions qui profitent à l’ensemble du système éducatif national.
De jeunes entrepreneurs du numérique, récemment sortis de l’université, proposent déjà des plateformes de crowdfunding pour soutenir les étudiants vulnérables. L’idée séduit certains diplômés de la diaspora qui souhaitent contribuer directement à la réussite de la nouvelle génération.
Parallèlement, des ONG locales rappellent que l’accès au savoir reste un droit fondamental. Elles encouragent l’État à maintenir un filet social solide, tout en saluant les efforts de modernisation entrepris depuis cinq ans sur plusieurs campus régionaux.