Un nouvel élan pour l’entrepreneuriat féminin
Brazzaville a vibré le 6 août lors de la remise des certificats aux trente participantes — et leurs deux collègues masculins — de la première cohorte du programme Genius, piloté par la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises.
À travers cette initiative, la présidente de l’organisation, Mme Flavie Lombo, entend catalyser l’énergie entrepreneuriale des jeunes femmes congolaises afin de transformer des idées prometteuses en projets solides et bancarisables.
La première cohorte, soutenue par Ecobank via le dispositif Ellever, illustre la volonté d’offrir un tremplin financier immédiat, condition souvent décisive pour le passage du prototype à l’entreprise formelle.
Une formation intensive de deux mois
En soixante jours de sessions condensées, les apprenantes ont alterné ateliers pratiques et mentorat individuel autour du business plan, du marketing digital, de la levée de fonds et de la gestion de projets.
Selon la formatrice principale, le programme s’est inspiré des méthodologies Lean Startup et Design Thinking, adaptées au contexte local pour tenir compte des contraintes d’infrastructures et de pouvoir d’achat.
Des compétences alignées sur le marché congolais
La planification financière a retenu l’attention, les coachs insistant sur la maîtrise des charges fixes, la lecture d’un compte de résultat et la négociation d’un prêt en monnaie locale ou régionale.
Avec la montée des paiements mobiles, un module dédié au financement participatif et aux portefeuilles numériques a permis aux incubées de tester des campagnes pilotes sur des plateformes partenaires.
Les étudiantes ont également exploré le storytelling identitaire, technique devenue incontournable pour différencier une marque congolaise dans un marché régional abreuvé de produits importés.
Appui institutionnel et partenariat stratégique
En remettant personnellement les parchemins, la ministre des Petites et moyennes entreprises, Jacqueline Lydia Mikolo, a réaffirmé la volonté gouvernementale d’accompagner chaque initiative créatrice d’emplois et de valeur locale.
Le Programme des Nations unies pour le développement a, de son côté, alloué six millions de francs CFA à la Chambre nationale afin de consolider la logistique, la certification et le suivi post-formation.
« Lutter contre la pauvreté passe par l’investissement dans des porteurs de projets crédibles », a rappelé Adama Dian Barry, représentante résidente, soulignant la complémentarité entre soutien public et financements internationaux.
Impact immédiat sur les parcours individuels
Blanche Bafiatissa, promotrice de Bianca Biofood, confie qu’elle différencie désormais clairement commerce et entrepreneuriat, intégrant des indicateurs de performance et une stratégie de mutualisation avec d’autres lauréates.
Pour Chantal Mouloukou, engagée dans le recyclage de déchets plastiques, la formation a surtout levé le voile sur la fiscalité simplifiée destinée aux très petites entreprises, jusque-là perçue comme complexe.
Les deux participants masculins, photographes de métier, saluent pour leur part un environnement d’apprentissage inclusif qui gomme les clivages de genre et encourage la collaboration intersectorielle.
Vers un écosystème inclusif et régional
Après Brazzaville, la caravane Genius a déjà posé ses valises à Pointe-Noire, tandis qu’Oyo a accueilli la formation le 18 août ; Dolisie et Ouesso complèteront le maillage national.
L’objectif est clair : mille femmes formées dans cinq villes, soit deux cents par centre, afin de créer des grappes régionales capables d’échanger clients, fournisseurs et investisseurs.
Cette approche décentralisée répond aux écarts de développement entre la capitale et l’intérieur, tout en renforçant la cohésion sociale autour de projets économiques concrets.
Les enjeux économiques pour la jeunesse
Selon les données du ministère du Plan, plus de soixante pour cent des Congolais ont moins de trente-cinq ans ; une dynamique démographique qui oblige à multiplier les solutions d’auto-emploi.
Le secteur formel absorbe encore insuffisamment ces talents, d’où l’intérêt croissant pour des incubateurs locaux capables de réduire l’asymétrie d’information et de partager de bonnes pratiques.
Pour beaucoup de diplômés, l’entrepreneuriat n’est plus un choix par défaut mais un vecteur d’influence, à l’heure où l’économie numérique offre des débouchés allant du design d’applications à l’agro-transformation.
Perspectives de la prochaine cohorte
Flavie Lombo confirme que les inscriptions pour Brazzaville 2.0 s’ouvriront dès novembre, avec un accent mis sur les secteurs verts, l’e-commerce et la production culturelle.
À terme, la CNFCEEC envisage une plateforme numérique de mise en relation mentor-investisseur, outil qui prolongerait la formation au-delà des salles de classe et consoliderait l’effet réseau indispensable à la croissance.
Mesurer le succès sur le long terme
Pour évaluer l’impact réel, la Chambre prévoit un suivi trimestriel constitué d’entretiens téléphoniques, d’états financiers simplifiés et d’une cartographie des emplois créés.
Les données seront partagées avec le ministère des PME afin d’alimenter la plateforme nationale des statistiques entrepreneuriales et d’orienter les prochains soutiens budgétaires.
À l’horizon 2027, les responsables visent un taux de survie des entreprises de plus de soixante-dix pour cent, chiffre ambitieux mais jugé atteignable au regard de l’accompagnement proposé.
Le dispositif Ellever d’Ecobank prévoit également des prêts à taux préférentiel et des comptes d’épargne dédiés, permettant aux nouvelles cheffes d’entreprise de constituer un historique bancaire rapidement.
Selon le directeur commercial d’Ecobank, « une cliente bien accompagnée devient généralement créatrice d’emplois, donc de valeur pour la banque et pour l’économie nationale ».
