Formation éclair à Brazzaville
Vingt jeunes Congolais, majoritairement étudiants ou fraîchement diplômés, ont investi cette semaine un centre de formation du deuxième arrondissement de Brazzaville. Ils participent à un bootcamp intensif chapeauté par l’organisation internationale Globus, spécialisé dans le financement de projets sociaux et culturels.
L’objectif de la session est clair : doter les apprenants d’outils méthodologiques pour mener des enquêtes socio-économiques auprès d’un échantillon représentatif des ménages de la capitale. Ces données guideront la conception de programmes adaptés aux réalités quotidiennes des Brazzavillois.
« Nous voulons préparer une génération de sondeurs capables de dialoguer avec la population sans barrière ni méfiance », explique Koud Etokabeka, coordonnateur du projet. « Les chiffres ne suffisent pas ; il faut ressentir la dynamique humaine derrière chaque réponse ».
Des compétences modernes pour des données fiables
Entre cours théoriques et mises en situation sur tablette, les stagiaires revisitent la statistique descriptive, l’échantillonnage aléatoire et le codage numérique. Les formateurs insistent sur l’intégrité des questionnaires et la confidentialité des informations recueillies auprès des ménages.
Grâce à l’application Kobocollect, chaque réponse est géolocalisée et horodatée, évitant les doublons et accélérant l’analyse. « Nous aurons une cartographie précise des besoins, quartier par quartier », souligne Huguette Ntangou, data-analyste invitée par Globus.
Les jeunes apprennent aussi à transformer les indicateurs bruts en infographies digestes, pensées pour les réseaux sociaux où l’attention se joue en quelques secondes. L’enjeu est de partager rapidement les conclusions avec partenaires, autorités locales et publics digitaux.
Des enquêtes taillées pour les réalités locales
Le questionnaire couvre l’accès à l’eau, l’emploi, la santé familiale, l’éducation des enfants mais aussi les pratiques culturelles et sportives. Cette palette élargie doit permettre de saisir les nuances d’un mode de vie urbain en pleine mutation.
Pour éviter les biais, les enquêteurs sont formés à mener l’entretien en lingala, en kituba ou en français, selon la préférence de l’habitant. Ils apprennent même à détecter les réponses de convenance et à relancer sans brusquer.
« Notre priorité est l’inclusivité, aucune tranche de population ne doit se sentir mise à l’écart », rappelle Koud Etokabeka. Les membres des associations de quartiers ont été sollicités pour aider à identifier les foyers difficiles d’accès ou souvent oubliés.
Quels projets après la récolte des données ?
Une fois les réponses consolidées, Globus prévoit de financer des micro-projets dits « quick win », comme la réhabilitation d’un point d’eau ou l’installation d’un cyber-espace communautaire. L’objectif est de montrer rapidement l’impact des données collectées.
Pour les initiatives de plus grande envergure, telles que des centres de formation professionnelle ou des programmes santé-mère-enfant, l’organisation compte soumettre les dossiers à ses bailleurs internationaux et aux ministères congolais concernés, dans une logique de complémentarité.
« Les chiffres décideront », insiste Mylène Mabanza, responsable du suivi-évaluation. « Si un quartier remonte un besoin criant de poubelles publiques, c’est là que nous irons. Pas de copier-coller, tout partira du terrain ».
Globus, un partenaire global au service des quartiers
Installée au Congo depuis quelques mois, Globus revendique déjà plus de deux cents personnes formées dans le pays, dont des enseignants, des entrepreneurs et des animateurs culturels. L’ONG se présente comme un trait d’union entre initiatives locales et financement international.
Active en Europe, en Amérique, en Asie et dans plusieurs capitales africaines, l’organisation dit privilégier les projets ayant un « effet domino » : une action qui encourage d’autres acteurs à s’impliquer, qu’il s’agisse de sport, d’éducation ou de tech.
Selon ses responsables, l’implantation brazzavilloise s’aligne sur la feuille de route nationale visant à promouvoir l’entrepreneuriat jeune et l’innovation sociale, en partenariat avec les collectivités et les structures déjà présentes sur le terrain.
Un levier d’emploi pour la jeunesse urbaine
Pour les participants, la formation ne se limite pas à un certificat. Beaucoup espèrent transformer cette expérience en emploi pérenne, en intégrant des bureaux d’études, des ONG ou même en lançant leur propre start-up de data citoyenne.
À trente ans, Clément Mabiala, titulaire d’une licence en économie, voit déjà plus loin : « Les municipalités manquent de statistiques fraîches. Si nous prouvons notre sérieux, elles pourront externaliser des études et nous aurons un vrai créneau », confie-t-il.
Les sondages devraient commencer dès la fin du mois, armant ces novices d’une première expérience de terrain souvent réclamée sur le marché de l’emploi. De quoi nourrir l’optimisme d’une génération en quête d’impact concret et de perspectives.
Cap sur le numérique et les ODD
Globus aligne son programme sur les Objectifs de développement durable, notamment l’ODD 8 consacré au travail décent et à la croissance économique. Les enquêtes fourniront des indicateurs locaux utiles aux rapports climat et inclusion que le pays devra remettre aux partenaires.
La plateforme numérique qui hébergera les résultats sera ouverte au public sous forme de tableaux interactifs. Les étudiants pourront y puiser pour leurs mémoires, tandis que les entrepreneurs identifieront des niches de marché inexplorées dans les services de proximité.
De son côté, la mairie de Brazzaville envisage déjà d’utiliser ces tableaux pour adapter la planification urbaine, notamment la réfection des voiries et la création d’espaces verts, confirmant ainsi la valeur collaborative de la démarche menée par Globus et ses jeunes enquêteurs.