La colère monte au ministère
La décision est tombée dans la grande salle du ministère des Affaires sociales, à Brazzaville. Réunis le 9 octobre, les agents en situation de handicap ont voté pour une grève de sept jours à compter du 15 octobre 2025, estimant que leurs doléances restent sans réponse concrète de la part de l’administration.
Le préavis, déposé immédiatement après l’assemblée générale, vise à rappeler les relevés de conclusion signés avec la tutelle les 19 août 2022 et 17 avril 2025. Pour les syndicalistes, ces textes promettaient des avancées sociales qui, à leurs yeux, tardent à voir le jour, malgré plusieurs sessions de travail déjà tenues ensemble.
Revendications des agents handicapés
À la tribune, Guy Serge Ndombi, secrétaire à l’organisation et à la mobilisation, a martelé que la mobilisation resterait strictement professionnelle. Il a prévenu qu’aucune récupération politique ne serait tolérée, afin de maintenir la légitimité du mouvement et l’attention sur les conditions de travail des agents concernés au quotidien.
Les agents demandent notamment la tenue de la commission administrative paritaire, arrêtée depuis plusieurs années. Cette instance doit, selon eux, trancher sur l’évolution de carrière, les reclassements et la reconnaissance effective de leur statut, un point jugé essentiel pour sécuriser leur avenir professionnel dans un contexte concurrentiel accru.
Autre revendication phare : l’attribution régulière de primes à l’ensemble des agents, y compris ceux œuvrant dans l’enseignement spécialisé. « Nous exerçons les mêmes responsabilités, nous souhaitons les mêmes avantages », a lancé une intervenante, sous les applaudissements d’un auditoire conscient du défi budgétaire que représente une telle mesure pour l’État.
Un quotidien semé d’obstacles
Pendant l’assemblée, le ton est resté respectueux mais ferme. Plusieurs orateurs ont décrit des obstacles quotidiens : accessibilité limitée, matériel adapté rare, et horaires parfois inélastiques face aux besoins particuliers. Ces réalités alimentent un sentiment d’inégalité, malgré les politiques publiques annoncées en faveur de l’inclusion dans chaque service concerné.
En coulisse, certains cadres soulignent que le dialogue social reste ouvert et que des réunions techniques sont envisagées avant le 15 octobre. L’objectif affiché serait de rapprocher les positions, sans compromettre la continuité des services destinés aux populations les plus vulnérables, comme les enfants, personnes âgées et étudiants boursiers.
Calendrier et service minimum
Les agents assurent, pour leur part, qu’ils respecteront le service minimum exigé par la réglementation en cas de grève. Cependant, ils préviennent qu’une prolongation pourrait suivre si aucun calendrier formel n’est proposé pour l’exécution des accords déjà paraphés par les deux parties lors des précédentes négociations bilatérales officielles.
Le ministère des Affaires sociales ne s’est pas encore exprimé publiquement sur ce préavis. Des sources internes évoquent une analyse en cours des demandes, afin d’évaluer leur impact financier. Pour l’heure, les agents restent suspendus à une réponse susceptible de désamorcer le mouvement avant la date butoir annoncée.
Cadre légal et enjeux d’inclusion
La loi congolaise garantit le droit syndical et la protection des personnes vivant avec un handicap. Depuis 2016, plusieurs textes encadrent l’accessibilité et l’emploi inclusif. Les syndicalistes estiment cependant que l’application demeure lente, plaidant pour des mesures concrètes plutôt que des orientations générales dans tous les secteurs publics.
Les organisations de la société civile suivent le dossier avec attention. Certaines y voient un test pour l’agenda national d’inclusion, inscrit dans les objectifs de développement durable. D’autres rappellent la nécessité d’un recensement à jour des agents handicapés, condition préalable à toute planification efficace et budgétairement soutenable ensuite.
Équipements et attentes du terrain
Dans les couloirs, des agents évoquent aussi la question des équipements adaptés : logiciels de lecture d’écran, rampes, véhicules aménagés. Selon eux, ces outils restent rares, alors qu’ils faciliteraient le rendement du service public. Le retard logistique nourrit la frustration et renforce les appels à agir plus que jamais.
Parallèlement, les usagers expriment des craintes quant à l’impact d’une éventuelle suspension des services. Pour nombre de familles vulnérables, les guichets du ministère représentent une bouée. « Nous espérons un compromis rapide », confie un parent venu renouveler un dossier d’assistance médicale, et éviter tout retard dans les allocations vitales.
Équilibre budgétaire et climat social
Des économistes rappellent que la masse salariale publique constitue un poste sensible du budget national. Toute revalorisation de primes nécessite un arbitrage avec d’autres priorités. Toutefois, ils soulignent qu’un climat social serein favorise la productivité et limite les perturbations coûteuses liées aux conflits prolongés dans les administrations centrales.
À une semaine de l’échéance, l’heure est donc à la négociation. Le ministère pourrait convoquer les représentants syndicaux afin d’affiner le suivi des accords. De leur côté, les agents restent mobilisés, confiants qu’un dialogue franc permettra d’éviter une paralysie aux conséquences difficiles à mesurer sur la durée prévue.
Vers une issue négociée ?
Les prochains jours diront si le compromis l’emporte sur la confrontation. Dans tous les cas, la mobilisation des agents handicapés met en lumière la question plus large de l’inclusion au travail, rappelant que la performance du service public passe par la prise en compte de chaque talent humain.