La remise d’un outil stratégique à Brazzaville
La salle de conférences du ministère de la Jeunesse, baignée d’une lumière matinale filtrant par de larges fenêtres coloniales, a été le théâtre d’une cérémonie sobre mais symbolique. Ce 31 juillet, la représentante de l’Unesco, Fatoumata Barry, a remis au ministre Hugues Ngouélondélé un guide pratique destiné à la jeunesse congolaise. Le document, élaboré avec l’appui conjoint de la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports et de l’ensemble du système onusien, entend répondre à un constat simple : la tranche d’âge des 15-35 ans, forte de plus des trois quarts de la population, réclame des repères concrets pour transformer son potentiel démographique en dividende économique.
Une coopération multilatérale au service du capital humain
L’initiative illustre la vitalité d’un multilatéralisme de proximité. Les agences des Nations unies, sous le leadership de l’Unesco et le co-lead de l’Unicef, ont mobilisé des experts en gouvernance, éducation, santé reproductive et entrepreneuriat pour bâtir un référentiel aligné sur les priorités nationales. « La jeunesse n’est pas seulement un indicateur statistique ; elle est la force motrice d’une transformation durable », a rappelé Fatoumata Barry, saluant un « processus inclusif ayant placé les jeunes au cœur même de l’écriture du texte ». Des ateliers participatifs, tenus de Pointe-Noire à Ouesso, ont permis de cartographier les attentes en matière de formation professionnelle, d’économie numérique et de participation citoyenne, gages d’une appropriation véritable.
Des enjeux socio-économiques pressants
Derrière l’élan célébré, les défis demeurent : taux de chômage avoisinant 19 % selon l’Institut national de la statistique, informalité dominante, disparités d’accès aux services de base et persistance des inégalités de genre. Le directeur de la Jeunesse, Rochar Loukanou, rappelle que « la vision 2034 s’articule autour d’une autonomie économique fondée sur l’innovation et la protection sociale ». Les huit axes stratégiques du guide, de la gouvernance au sport en passant par la culture, tracent ainsi une trajectoire visant à hisser la jeunesse au rang d’acteur central du Plan national de développement 2022-2026.
La jeunesse, vecteur d’un développement inclusif
Au-delà des indicateurs, c’est une véritable philosophie que promeut le nouveau guide. Il invite les jeunes à se saisir des opportunités de micro-crédit, à intégrer les mécanismes d’engagement civique locaux et à valoriser les industries créatives, secteur en pleine expansion à Brazzaville comme à Pointe-Noire. « Je compte utiliser ce manuel pour structurer mon projet de design textile », confie Diane, 24 ans, membre d’un incubateur soutenu par l’Agence congolaise pour l’emploi. Dans un contexte marqué par la montée en puissance de l’économie numérique, l’ouvrage consacre un chapitre spécifique aux compétences en codage, gestion de données et cybersécurité, reflet d’une volonté de préparer les jeunes aux marchés régionaux intégrés.
Perspectives 2030 : consolidation et suivi citoyen
Le coordonnateur résident du système des Nations unies, Abdourahaman Diallo, voit dans le guide « un cadre de mesure des progrès, adossé aux Objectifs de développement durable ». Le document prévoit un dispositif de suivi évaluatif annuel, associant institutions publiques, société civile et partenaires techniques. Cet aspect est d’autant plus stratégique que le pays, engagé dans plusieurs réformes structurelles, entend capter davantage d’investissements dans les secteurs verts et les infrastructures créatrices d’emplois. L’enjeu réside désormais dans la diffusion massive du guide, sa traduction en langues nationales et l’accompagnement pédagogique des organisations de jeunesse afin d’éviter qu’il ne demeure un outil de bibliothèque.
Au terme de la cérémonie, la couverture bleu cobalt du manuel brillait sous les flashs, symbole d’un contrat tacite passé entre institutions et citoyens. Si la route jusque 2030 reste jalonnée d’obstacles, le geste posé à Brazzaville constitue un pas tangible vers une jeunesse congolaise plus autonome, plus créative et plus résiliente, prête à faire résonner sa voix au-delà des rives du fleuve Congo.