Deux talents congolais à Sotchi
Dans la moiteur de Sotchi, Davina Nkenko Sita, 10 ans, et Céleste Malanda Mayinga, 12 ans, ont posé pour la troisième fois leur ruban sur les praticables internationaux. Du 3 au 13 août, les deux prodiges congolaises ont intégré le camp d’entraînement de l’Académie Grâce Céleste.
Face à elles, des gymnastes de Russie et de Cuba enchaînaient pivots et souplesses, dessinant un tableau exigeant où se joue chaque détail. La présence congolaise n’avait rien d’anecdotique ; elle s’inscrit dans un projet de long terme visant à élever la gymnastique rythmique nationale.
Réunies dans la même salle que les protégées d’Alina Kabaeva, championne olympique russe, les deux Congolaises ont pu comparer leur préparation, affiner leurs éléments techniques et surtout cultiver la rigueur indispensable pour prétendre aux podiums continentaux, voire glisser un jour leur nom sur la scène olympique.
Une immersion dans l’élite russe
Le stage international ne se limite pas aux séances de tapis. Matinées de cardio, ateliers de chorégraphie et séances vidéo jalonnent les dix jours. Chaque exercice est filmé, décortiqué image par image, puis rejoué. Cette méthode, fréquente dans les pôles d’excellence, demeure rare en Afrique centrale.
« Nous apprenons beaucoup de choses que nous n’avions pas la possibilité de connaître au pays », confie Davina, sourire timide mais gestes assurés. Son entraîneuse russe, Natalia Petrova, souligne la flexibilité naturelle des Congolaises mais insiste sur la précision millimétrée requise pour les compétitions internationales.
Le groupe partage également des cours de russe de survie et des découvertes culturelles, de la mer Noire au musée de Sotchi. Pour les deux adolescentes, comprendre la culture d’entraînement russe équivaut à déchiffrer un code mental : respect absolu de l’horloge et confiance dans la répétition infinie.
Des bénéfices immédiats pour Brazzaville
Quand elles rentreront à Brazzaville, Davina et Céleste apporteront dans leurs valises des combinaisons flambant neuves, mais surtout un programme complet prêt pour le tournoi de reconnaissance du 27-28 septembre, au gymnase Maxime-Matsima. L’événement honorera Alina Kabaeva, modèle avoué des jeunes gymnastes congolaises.
Le Centre national de gymnastique, soutenu par la Fédération congolaise, veut transformer cette compétition en vitrine. Aux yeux des responsables, la visibilité locale d’athlètes ayant côtoyé l’élite internationale peut susciter des vocations, attirer des sponsors et justifier des investissements publics dans les équipements.
Le gymnase Maxime-Matsima vient justement d’être rafraîchi. Nouveaux tapis homologués, éclairage LED moins énergivore, tribunes repeintes : ces améliorations témoignent d’une politique nationale de modernisation progressive des infrastructures sportives, déjà amorcée avec la rénovation du stade Alphonse-Massamba-Débat à l’horizon des Jeux africains de la jeunesse 2027.
Un partenariat Congo-Russie renforcé
Derrière ces stages répétés, un accord de coopération lie l’Académie Kabaeva et la Fondation Africa Centrum, présidée par Jocelin Patrick Mandzela, consul honoraire du Congo à Saint-Pétersbourg. Le diplomate voit dans la gymnastique un pont discret mais efficace entre Moscou et Brazzaville.
L’ambassade de Russie à Brazzaville accompagne d’ailleurs chaque déplacement par un soutien logistique. Les parents, soulagés, ne supportent qu’une partie des frais. Pour la fédération, ce modèle partagé consolide le programme tout en évitant la dépendance exclusive à des financements publics souvent sollicités par plusieurs sports.
Le tournoi de septembre en ligne de mire
Le tournoi de septembre adoptera un format calibré pour le public local : musique d’artistes congolais, commentaires pédagogiques en direct et interaction sur réseaux sociaux. Les organisateurs espèrent remplir les gradins avec des écoles ambitieuses de Brazzaville et des clubs venus de Pointe-Noire ou de Dolisie.
Pour Davina et Céleste, l’objectif est clair : exécuter sans faute un enchaînement de trois minutes mêlant cerceau, ballon et ruban. Afin de gérer le trac, leur staff psychologique propose des exercices de respiration inspirés des arts martiaux, complétés par un suivi nutritionnel adapté à leur âge.
Les regards se tournent aussi vers le classement continental. Une médaille à Brazzaville offrirait des points précieux en vue des championnats d’Afrique 2025 au Maroc. L’enjeu dépasse la performance individuelle : il s’agit de sécuriser des quotas pour les Jeux olympiques de la jeunesse et de valoriser l’image nationale.
Au-delà du sport, un message pour la jeunesse
Au-delà des tapis, l’histoire de Davina et Céleste parle à une génération connectée qui voit le sport comme levier de mobilité et d’ouverture. Sur TikTok, leurs vidéos d’entraînement dépassent déjà vingt mille vues, signe d’un engouement croissant pour une discipline encore jugée élitiste il y a peu.
Les spécialistes du ministère des Sports rappellent que la diversification des pratiques rejoint la stratégie nationale de bien-être des jeunes. La gymnastique rythmique, centrée sur la souplesse et la coordination, complète le football et l’athlétisme, tout en renforçant la diplomatie sportive chère au Congo depuis les Jeux de 1965.
Selon le sociologue sportif Alain Bouanga, « voir de très jeunes filles voyager pour apprendre transforme l’imaginaire collectif ». Il estime que chaque réussite féminine offre un récit alternatif aux migrations difficiles, montrant qu’excellence scolaire et discipline sportive peuvent ouvrir d’autres passages internationaux.
