Un coup d’envoi sous le signe du partenariat international
Sous le ciel humide d’un mois de juillet brazzavillois, le hall de la Cité scientifique a résonné d’un enthousiasme rare. À l’appel de la Comunità Sviluppo e Promozione, ONG italienne rompue aux projets de développement, quarante femmes et hommes vivant avec handicap ont pris place devant un tableau blanc flambant neuf. Pour ces apprenants, la séance inaugurale ne relevait pas d’une simple formalité académique : elle symbolisait l’ouverture d’un corridor vers un avenir professionnel jusque-là trop souvent obstrué. Cofinancée par l’Union européenne et la Conférence épiscopale d’Italie, la formation épouse la philosophie d’un partenariat que la coordinatrice Ermelinda Onda résume en ces termes : « L’inclusion n’est pas un concept, c’est une pratique quotidienne, et elle commence par l’accès aux compétences économiques. »
Des modules calibrés pour une montée en compétences progressive
Afin de maximiser l’impact pédagogique, l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation a élaboré un corpus de sept modules couvrant le management, la gestion financière, le marketing digital et les technologies de l’information. Les participants, dont le niveau scolaire oscille du primaire au secondaire, ont été préalablement évalués. Rivanelle Missolékélé Mpidy, chef de projet à l’Anvri, insiste : « Nous avons choisi une pédagogie visuelle à 80 %, riche en infographies et études de cas issues du marché congolais, pour que chaque notion demeure concrète. » Les séances, rythmées par deux rendez-vous hebdomadaires, privilégient les échanges interactifs, gommant la verticalité habituelle du cours magistral.
Un cadre politique propice à l’autonomisation économique
La présence, lors de la cérémonie de lancement, de la ministre des Affaires sociales Irène Marie Cécile Mboukou-Kimbatsa et du ministre de la Recherche scientifique Rigobert Maboundou rappelle que le projet s’inscrit dans la vision inclusive portée par le président Denis Sassou Nguesso. L’État, à travers le programme national de filets sociaux, finance déjà des micro-projets économiques qui serviront d’aboutissement concret aux connaissances acquises. En soulignant qu’« il n’y a pas d’âge ni de condition pour apprendre », la ministre a souhaité désamorcer le fatalisme qui entoure trop souvent le handicap. Cette articulation entre initiative privée, soutien international et stratégie gouvernementale confère au dispositif une stabilité institutionnelle rarement atteinte dans la formation professionnelle.
Des parcours de vie qui deviennent leviers d’inspiration
Au-delà des chiffres, ce programme aiguise les appétits de réussite individuelle. Clément, 28 ans, déficient visuel et passionné de pâtisserie, confie qu’il veut « transformer un atelier domestique en entreprise pouvant employer d’autres jeunes handicapés ». De son côté, Clarisse, paraplégique depuis l’enfance, espère perfectionner son savoir-faire en couture afin de lancer une marque de prêt-à-porter inclusive. Le partage d’expériences entre stagiaires, orchestré par l’équipe pédagogique, nourrit un sentiment de communauté : chacun découvre qu’il est porteur non seulement d’une vulnérabilité, mais aussi d’un capital résilient que le tissu économique congolais gagnerait à valoriser.
Perspectives et défis pour une insertion durable
Alors que 120 autres personnes vivant avec handicap sont déjà en formation dans des métiers manuels, les promoteurs entendent créer un écosystème où l’entrepreneuriat deviendra un vecteur majeur de réduction des inégalités. La question de l’accès au financement, souvent citée comme principal frein, devrait être partiellement résolue par la mise en place d’une ligne de micro-crédit spécialisée et l’appui d’incubateurs locaux. Toutefois, l’enjeu de la pérennisation demeure : il faudra que les réseaux de distribution, les chambres consulaires et les collectivités locales se mobilisent pour absorber les nouveaux projets. En ce sens, la démarche engagée à Brazzaville constitue moins un aboutissement qu’un point de départ, celui d’une économie congolaise qui, en reconnaissant la valeur productive des personnes vivant avec handicap, se dote d’un atout humain supplémentaire pour affronter la compétition régionale.