Un dernier salut place d’armes
Le soleil de Brazzaville n’a pas empêché la foule silencieuse de se masser autour du cercueil drapé aux couleurs nationales. Le ministre de l’Intérieur, Raymond Zéphirin Mboulou, a déposé une gerbe blanche, symbole de paix, sous le regard solennel du général de division René Boukaka.
Autour d’eux, gendarmes en uniforme d’apparat, familles endeuillées et anonymes ont observé une minute de silence. Le canon cérémoniel a tonné trois fois, rappelant l’engagement absolu du maréchal de logis Sage Divin Miyokidi Bazola, tombé le 16 septembre dans la rivière Obela Mpoko, en Centrafrique.
La trajectoire d’un soldat de la 12ᵉ promotion
Originaire du Kouilou, Sage Divin Miyokidi Bazola rejoint la gendarmerie nationale dès la douzième promotion. À l’escadron mobile de Dolisie, il peaufine durant cinq ans un sens aigu de la discipline, salué par ses instructeurs.
En 2023, il décroche haut la main son diplôme d’officier de police judiciaire. « Il revenait parfois au quartier pour conseiller les jeunes à persévérer dans leurs études », se souvient un voisin, soulignant un caractère ouvert malgré la rigueur militaire.
De Dolisie aux rangs onusiens
Promu maréchal de logis-chef, il postule pour la sélection des Nations unies. Ses résultats lui ouvrent l’unité de police constituée numéro 11, déployée en République centrafricaine. Là-bas, les policiers congolais épaulent la MINUSCA pour la protection des civils et la sécurisation des axes routiers stratégiques.
Selon des collègues, Sage Divin était « toujours volontaire pour les patrouilles de nuit ». Sa disparition dans les eaux de la Mpoko survient alors qu’il contribuait à sécuriser un convoi humanitaire sur une piste isolée.
La présence congolaise en Centrafrique
Depuis 2014, Brazzaville soutient les opérations de paix en Centrafrique. Les unités congolaises ont gagné la confiance des autorités centrafricaines pour leur professionnalisme reconnu. Leur rôle principal : patrouiller dans les zones sensibles, former la police locale et rassurer les populations déplacées.
Dans son discours, le colonel-major Bède Florentin Mbika a rappelé que « chaque casque bleu congolais porte l’honneur de la patrie au-delà de nos frontières ». L’assistance a salué cette phrase par des applaudissements nourris.
Rites militaires et recueillement
La cérémonie a respecté le protocole des Forces armées congolaises. Les aumôniers ont conduit une prière œcuménique, tandis que le clairon a entonné la sonnerie « Aux morts ». Six gendarmes, fixant le vide, ont porté le cercueil jusqu’au corbillard.
Un drapeau tricolore plié en triangle a été remis aux parents du défunt. Des larmes ont fusé lorsque la mère du maréchal, foulard vert sur la tête, a murmuré : « Il voulait juste servir, il n’aura pas vécu en vain ».
Les mots d’un formateur reconnaissant
Lisant l’oraison funèbre, le colonel-major Mbika a partagé sa première rencontre avec l’élève gendarme. Interrogé sur ses motivations, le jeune Sage avait répondu : « Je veux être gendarme pour protéger la patrie, la population des dangers qu’apporte l’insécurité ». Une vocation qui, selon l’officier, « illustre l’esprit même de notre gendarmerie ».
Sécurité et jeunesse : le message derrière l’hommage
Au-delà de la douleur, l’événement réaffirme la place centrale de la jeunesse dans les corps habillés. Le ministre Mboulou a exhorté les recrues présentes à « s’inspirer de ce parcours exemplaire, où l’effort et la loyauté ouvrent les portes des responsabilités internationales ».
Des associations d’étudiants en droit et en criminologie, invitées à la cérémonie, ont salué une « source de motivation qui prouve que l’engagement patriotique mène loin ».
Impact émotionnel sur les réseaux
À peine la nouvelle confirmée, les hashtags #SageDivin et #HérosDeLaNation ont émergé sur TikTok et Instagram. Des centaines de vidéos rendent hommage à son sourire capturé lors d’exercices militaires. Un créateur brazzavillois a remixé des images de sa promotion avec un morceau d’Afro-trap, totalisant 60 000 vues en vingt-quatre heures.
La gendarmerie nationale a partagé les condoléances officielles sur WhatsApp, canal de communication privilégié des familles de militaires déployés à l’étranger.
Au-delà des frontières, la fraternité d’armes
À Bangui, le contingent centrafricain a organisé une veillée en présence de soldats rwandais, ivoiriens et cambodgiens. Une bougie allumée par chaque délégation a souligné la solidarité multinationale. Un casque bleu ivoirien confie : « Nous ne portons pas le même drapeau, mais la même cause ».
Le nom de Sage Divin a ensuite été inscrit dans le livre d’or de la MINUSCA, signe de respect envers le sacrifice consenti pour la paix régionale.
Le défi des cours d’eau en opération
Les fleuves et rivières du bassin du Congo restent des obstacles majeurs pour les missions de sécurité. La Mpoko, affluent de l’Oubangui, gonfle brusquement en saison des pluies. Les experts rappellent que les passages non balisés exigent des matériels amphibies performants.
Le ministère de la Défense envisage d’équiper davantage ses unités fluviales. Un officier technique évoque l’arrivée prochaine de gilets de flottaison renforcés, financés avec l’appui de partenaires internationaux.
La mémoire, moteur de cohésion
Dans les casernes de Dolisie, une plaque portera désormais le nom du maréchal de logis. Les promotions suivantes recevront, chaque rentrée, un briefing sur son parcours. « Nous voulons que ce soit un repère concret pour les jeunes », indique le commandant de l’escadron.
Pour les familles, ce geste officialise un souvenir collectif qui dépasse le cadre privé et inscrit l’officier parmi les figures inspirantes du pays.
Un exemple pour les aspirants
Les écoles de gendarmerie devraient inclure son histoire dans les modules sur les opérations extérieures. Les instructeurs y voient un moyen de sensibiliser aux réalités du terrain et au professionnalisme exigé par les organisations internationales.
« La discipline qu’il incarnait reste la meilleure carte de visite du drapeau congolais », résume un instructeur, convaincu que ce récit motivera de nouvelles vocations.
État et forces armées main dans la main
La participation du gouvernement à la cérémonie souligne la synergie entre pouvoir civil et hiérarchie militaire. La remise des décorations s’est déroulée sous l’œil de la presse, attestant d’une transparence assumée.
Le message est clair : les sacrifices consentis à l’étranger ne passent pas inaperçus à Brazzaville, et la nation demeure reconnaissante.
Dernier voyage et repos éternel
Après la levée du corps, le convoi funéraire a pris la direction du cimetière du Centre-ville, escorté par des motards de la police militaire. Les sirènes ont résonné doucement, comme une dernière patrouille.
Dans la pénombre naissante, les proches ont déposé sur la tombe des roses rouges et des galons symboliques. Un chant traditionnel en kituba a clos la cérémonie, célébrant le courage et la fraternité.
Un héritage vivant
Si la disparition de Sage Divin Miyokidi Bazola crée un vide, son engagement nourrit déjà l’imaginaire collectif. Du quartier Mbila à Dolisie jusqu’aux salles de classe de Brazzaville, son nom circule, synonyme de dévouement.
Pour beaucoup, il incarne l’idée qu’un destin peut se forger par l’effort, l’amour de la patrie et l’ouverture au monde. La transmission de ces valeurs constitue sans doute la victoire la plus durable de ce jeune maréchal.
