Hommage au patriarche Joseph Nzila Lipouma
Sous les grands fromagers d’Oubouessé, à quinze kilomètres au nord de Mossendjo, la famille Nzila s’est réunie pour célébrer, quarante-cinq ans après son décès, la mémoire du chef des terres Piolé, Joseph Nzila Lipouma.
Né en 1907 et rappelé à Dieu en 1980, le patriarche reste, pour la population de la Nyanga-Louessé et la diaspora congolaise, l’incarnation d’un leadership ancré dans le service du prochain et le respect des valeurs communautaires.
Sa tombe, modeste durant quatre décennies, a reçu une nouvelle pierre tombale érigée collectivement, symbole visible d’une mémoire qui refuse de s’estomper dans la brume équatoriale.
Les travaux ont culminé les 7, 8 et 9 août 2025, jours choisis par plus de quatre-vingt-dix pour cent des descendants pour vivre des instants d’unité, loin du flux numérique de leurs vies urbaines.
Une semaine de retrouvailles familiales historiques
Arrivés de Brazzaville, Pointe-Noire, Paris ou Libreville, ils ont convergé vers le village natal, transportant valises, smartphones, tambours et récits, pour un partage intergénérationnel rarement observé dans les communautés rurales contemporaines.
Le professeur Jean de Dieu Bolzer Nzila, deuxième fils du patriarche et enseignant-chercheur à l’Université Marien Ngouabi, a donné le ton, rappelant qu’« il était temps d’honorer notre père afin que tout le monde reconnaisse la grandeur de sa contribution ».
Dans l’assistance, les plus jeunes, casque audio sur les oreilles, ont écouté sans décrocher les anecdotes sur les journaux français que le patriarche rapportait pour initier ses enfants à l’actualité internationale.
Maurice Dipakama, petit-fils, a décrit la célèbre tenue kaki de gendarmerie que l’ancêtre arborait, cadeau d’un cousin gabonais, pièce unique qui fascinait déjà les visiteurs des années soixante.
Le legs social et culturel du chef des terres Piolé
Ces récits, confiés à la lumière vacillante du feu de camp, ont permis de mesurer l’impact d’un chef illettré mais curieux, capable de commander des nappes de table depuis la manufacture de Saint-Étienne tout en arbitrant des litiges fonciers.
La rigueur morale du patriarche, vantée par les anciens, s’accompagnait d’un sens de l’humour souligné par Essous Magnehé, autre petit-fils, pour qui son aïeul « menait une vie rangée mais savait faire rire les plus timides ».
Au-delà de la nostalgie, les échanges ont interrogé la place que peut occuper une figure traditionnelle dans le Congo urbainisé, connecté et majoritairement jeune de 2025.
Les participants ont convenu que les valeurs d’équité, de justice et d’hospitalité promues autrefois dans les terres Piolé demeurent pertinentes pour le développement local, en complément des orientations nationales sur la cohésion et la solidarité.
Le département du Niari, zone agricole stratégique, pourra, affirment plusieurs intervenants, s’appuyer sur cet héritage humain pour dynamiser l’agrotourisme et encourager les jeunes à investir dans la transformation vivrière.
Pour les entrepreneurs présents, l’exemple d’un chef soucieux de l’éducation résonne avec les objectifs de la nouvelle économie numérique congolaise, où connaissance et ouverture restent des clés de compétitivité.
Paroles de descendants entre mémoire et avenir
Les musiciennes de la troupe Mvumbo ont rythmé les veillées en entonnant des chants punu et nzébi, rappelant que la diversité culturelle du district est une ressource et non un obstacle au vivre-ensemble.
Sur le plan symbolique, la nouvelle dalle funéraire servira de lieu d’initiation pour les enfants qui, pendant les vacances, pourront écouter des modules de langue maternelle et de rites, animés par les doyens.
La municipalité de Mossendjo, représentée par un adjoint au maire, a salué une démarche conforme aux actions publiques de sauvegarde du patrimoine immatériel, rappelant la récente création de clubs de mémoire dans plusieurs collèges.
Si la plupart des jeunes invités partagent leurs souvenirs via messageries cryptées, beaucoup ont découvert la force du récit oral, transmis sans filtre, autour d’un plat de manioc moulu et de poisson fumé.
À l’issue de la semaine, un comité permanent a été installé pour recenser les archives familiales, numériser les photographies et organiser, tous les cinq ans, un forum sur l’héritage de Joseph Nzila Lipouma.
Mossendjo, jeunesse et transmission des valeurs
L’initiative répond au désir grandissant, chez la jeunesse congolaise, de connecter racines et futur, en phase avec les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine qui valorise culture et innovation.
En repartant, plusieurs cousins ont promis de retourner plus souvent, convaincus qu’un village vivant offre des opportunités économiques, touristiques et sociales qui ne s’opposent pas au dynamisme des grandes villes, mais le complètent.
Ainsi, la mémoire du patriarche Nzila Lipouma continue d’éclairer une génération connectée, rappelant qu’aucun progrès durable ne s’écrit sans la force tranquille de l’héritage familial.
Le comité souhaite également créer une bourse scolaire portant le nom du patriarche afin d’aider les lycéens de Mossendjo à poursuivre des études supérieures dans les filières scientifiques et technologiques, domaine cher à plusieurs arrière-petits-fils ingénieurs.
Un documentaire court, tourné avec des smartphones, sera diffusé sur les réseaux sociaux pour partager l’aventure, attirer d’autres membres de la diaspora et intéresser les curieux au patrimoine du Niari.
